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Metal and Oddities Reviews
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4 septembre 2015

ONE MASTER - Reclusive Blasphemy

One MasterEternal Death - Black Métal - USA - 21 Juillet 2015 - 5 Titres, 36 Minutes

Dans les années 90, il n'y avait qu'une seule façon d'appréhender le Black. Il fallait ériger un mur sonore bâti sur des fondations rythmiques supersoniques, sur lesquelles venaient se greffer une guitare acide et lacérant l'espace, tandis que le maître de cérémonie hurlait comme un beau diable sortie de sa soue. Le son était obligatoirement sec et net comme un coup de fouet sur le dos du Nazaréen, si possible légèrement diffus, et la messe noire était dite...Puis, les années passant, la production a commencé à s'étoffer, s'épaissir (MARDUK), et les ténors ont frotté leur matrice à des courants externes, tels que l'EBM, l'Indus, le Gothic, Darkwave, et même le Hardcore N'Roll. Ainsi, MAYHEM vira cyber-black, DARKTHRONE s'amusa beaucoup à tremper sa plume dans les fondements édictés par Motorhead dans les années 70, tandis qu'IMMORTAL se rapprochait dangereusement du Heavy épique et colossal, imitant BATHORY dans sa période Viking, avec toutefois moins d'emphase...

Mais le temps s'écoula, et le Black de nos jours peut se targuer de parfois passer inaperçu, de flirter avec le Crust, le Core, le Néo, le Post, au point de n'être rien de plus qu'une composante possible, noyée dans un brouet parfois indescriptible. En 2015, il faut donc se plonger dans l'underground pour avoir encore la chance de renifler les effluves malsaines du début des 90's, et pour cela, pas forcément besoin de tourner sa tête du côté des pays scandinaves...Au niveau éthique et froideur glaciale, la scène Canadienne à pris le relais de la Norvège, en produisant des groupes de plus en plus hermétiques (FORTERESSE, SOMBRES FORETS, NEIGE ET NOIRCEUR, GRIS), ou complètement nihilistes (AXIS OF ADVANCE, REVENGE). La rugosité d'origine est plutôt à chercher de l'autre côté de l'Atlantique, puisque les groupes Américains semblent être les derniers à défendre le bastion imprenable du True Black tel que nous l'avons connu aux débuts de BURZUM, MAYHEM, et autres IMMORTAL...

Une preuve? Indéniable, et actuelle puisqu'il s'agit du dernier album des ex Bostoniens de ONE MASTER, maintenant relocalisés dans le Connecticut. ONE MASTER, c'est le bébé de Valder, qu'on retrouvait seul aux commandes de la première démo de 2002. Son groupe aura connu le même destin que beaucoup d'autres, avec des collaborations multiples, des changements de line up quasi permanents, et de longues périodes d'attente entre deux longue durée...Car depuis The Quiet Eye Of Eternity en 2009, plus rien, silence radio, si ce n'est un album live l'année dernière, Live In The Castle Of Quiet. Mais aucune inquiétude à avoir si vous suivez de près la scène USBM, et si l'ultime livraison de ONE MASTER vous avait séduit, car Reclusive Blasphemy est situé dans sa plus droite lignée, avec une structure à l'identique (cinq longues litanies), et des influences similaires...

Pour être plus clair, si l'abattage des rythmiques non stop, si les riffs acides et redondants, et si les grincements vocaux sont votre tasse de thé, les cinq pistes de ce nouvel album vous sont directement adressées. Faisant preuve d'une puissance de feu hors norme, ONE MASTER arrive à recréer l'atmosphère des anciens testaments de MARDUK, époque Heaven Shall Burn, en les assimilants à la rugosité des premiers DARKTHRONE, tout en gardant l'efficacité implacable de 1349. C'est donc à du Black bouillant, abrasif et sans concession que nous avons affaire, mais loin d'être lassant, il se révèle fascinant, morbide, sombre, et d'une concision inouïe qui le rendent hypnotique. Multipliant les riffs, étalant des plans percutants sur plus d'une ou deux minutes parfois, sans négliger les cassures de rythme ou les breaks en arpèges fondus, ONE MASTER synthétise une fois de plus l'âge d'or du Black Métal nordique, sans chercher à en faire trop, mais en gardant une emprunte très personnelle.

Pour se faire, Valder fait appel à tout son talent pour soigner chaque partie de ses cinq compositions. Intros sobres mais qui plantent le décor, refus d'une trop grande linéarité, son qui écorche mais qui reste intelligible, et surtout, un travail énorme sur la guitare, qui tronçonne des riffs tantôt malsains, mais influencés par la NWOBHM ("A Cursed And Dismal Mind"), parfois en direct héritage de la froideur mortuaire d'Euronymous ("Intolerance", au titre bien choisi). Et chaque motif laisse une trace durable de par son côté accrocheur ("At The Hour Of Saturn" et son hémistiche central Black N'Roll), sans toutefois renoncer au chaos intégral par moment ("Infernal Silence" et ses lacérations sans pitié, taillées dans la disharmonie par une guitare suraiguë). De plus, l'homme à le bon goût d'achever son travail de sape par un morceau fantastique, construit comme un crescendo infernal, débutant sous des auspices étouffants, à peine dominés par une voix atonale et une charleston sobre, avant qu'une guitare dissonante ne vienne déchirer le silence. Puis à mi parcours, le rythme s'emballe, pour laisser les blasts se déchaîner, avant que la cassure finale ne laisse des percussions lourdes s'imposer, au son d'un riff unique et assourdissant... 

Il est évident que pour beaucoup, Reclusive Blasphemy ne sera qu'un album de plus noyé dans une production toujours plus pléthorique. Et il est vrai que de loin, rien ne le distingue de la masse grouillante de suiveurs en tous genres. Mais lorsque vous faites un effort d'approche, vous découvrez toute la richesse de son terreau de base, qui loin de se contenter de répéter des formules déjà apprises par coeur, se permet quelques libertés éparses, qui transcendent son classicisme, pour au final aboutir à un album vraiment prenant et unique, tout en restant d'une efficacité optimale...Je ne vois guère que le 1349 de transition (Hellfire/Demonoir) pour servir de référence, même si la trace des grands anciens est solidement incrustée dans le sol froid de cette musique funèbre.

Ou bien accepter l'évidence, à savoir que ONE MASTER se suffit à lui même, et parvient malgré sept années de silence à s'imposer comme un des fers de lance de l'USBM des années 2000. Ce qui en soit, n'est pas un mince exploit.

 

 

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