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Metal and Oddities Reviews
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26 novembre 2015

CHELSEA WOLFE - Abyss

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Sargent House - Experimental Ambient Folk - USA - 7 Août 2015 - 11 titres – 55 minutes 

Encore une fois, comme un tennisman un peu joueur, je vais jouer la ligne. Non celle qui sépare le court du couloir, mais celle qui délimite le terrain Métal du reste du court. Je me suis déjà avoué quelques libertés prises avec le genre, mais elles étaient guidées par l'émotion, l'instinct, et le désir de vous faire découvrir autre chose. Je ne suis pas omniscient, je ne connaît pas tout loin de là, et c'est même le moteur de ma vie. Découvrir, et par extension, faire découvrir.

Quoique pour cette occurrence, le lien avec le Métal n'est pas aussi ténu qu'on pourrait le penser. Mais halte, arrêtons de gloser et plongeons dans le coeur du sujet. Puisqu'en effet il s'agit de coeur ici, mais aussi d'âme, de sensibilité, et d'ouverture d'esprit.

Et Dieu sait ci celui ci a besoin de s'évader ces derniers temps... 

En interviewant récemment MERCY BROWN, un groupe dont je vous ai parlé dans ces colonnes, j'ai fait la connaissance via un aveu de Sera la chanteuse, d'une artiste rare, dont je n'avais jamais écouté les travaux. Intrigué par la dithyrambe, je me suis mis en quête de son identité musicale, et dès l'oreille posée sur son premier véritable album, The Grime And The Glow, j'ai aussitôt compris pourquoi cet artiste fascinait tant l'underground...Mais plutôt que de me concentrer sur son passé, j'ai préféré aborder son présent, puisque par chance, CHELSEA WOLFE a sorti un album un peu plus tôt cette année, et que selon les avis consacrés, celui ci se rapprochait de plus en plus du Métal, sous une forme toujours biaisée bien sur. Mais ne vous leurrez pas, Chelsea est une artiste foncièrement Folk à la base, même si son ouverture lui permet d'intégrer des composantes différentes à sa musique, comme l'Ambient, le Doom, le Drone, le Dark, et même des touches fugaces de Gothique étrange...Quoiqu'il en soit, il n'y a qu'une seule chose à savoir sur cette auteur. Une fois entré dans son monde, vous aurez du mal à en sortir... 

Elle a commencé sa carrière par un album raté, qu'elle a caché de nombreuses années, avant de clairement définir les contours de ses désirs. Si The Grime And The Glow a fasciné une partie de la presse spécialisée, les fans se sont en majorité retrouvés autour du gigantesque Pain Is Beauty, qui outre son titre révélateur proposait une emphase nouvelle, une grandiloquence morbide teintée d'une beauté romantique sourde et fugace. Abyss pousse encore plus loin ce contexte, en se drapant d'une production si énorme que sa voix se détache encore plus, et que le background musical devient de plus en plus onirique et surréaliste. Sans savoir si ce petit dernier sera son plus grand accomplissement à ce jour, il n'est rien de moins - comme d'habitude - qu'un album à part, terrifiant mais superbe, monolithique mais sensible, Folk, Métal, Drone, Ambient, mais surtout, personnel. 

L'artiste n'a pas changé les fleurs fanées du vase, et préfère toujours la concision aux longs bavardages contemplatifs, ce qui rend sa musique encore plus pertinente et envoûtante. Avec à ses côtés le fidèle Ben Chrisholm, co-compositeur, John Congleton derrière la console, mais aussi le batteur Dylan Fujioka et la violoniste Ezra Buchla, elle a une fois de plus tissé un canevas délicat et fragile, cousu autour de ses racines Folk et traité comme une musique Electro, sans la vulgarité d'une quelconque tentative commerciale...Basé sur son propre trauma de paralysie du sommeil, Abyss fonctionne justement comme un repos troublé, interrompu par des images, splendides ou terrifiantes, dans lequel Tori Amos essaierait de retrouver Morphée en étant constamment dérangée par l'esprit des SWANS, de COIL, ou même des ZOLA JESUS. 

I’m screaming, but I can’t wake up, set me free from my slumber 

Abyss, conceptuellement, nous plonge dans le monde onirique troublé de Chelsea, et hésite entre ambiances cotonneuses et stridences Post Rock, entre zébrures électro et arrangements drone. Cet album fonctionne comme un monde parallèle, un rêve plus ou moins éveillé, dont chaque vignette correspond à un état de sommeil/veille, plus ou moins agité.

Lorsque la chanteuse trouve enfin le repos et l'univers des rêves, l'ambiance est apaisée, et revient vers des horizons Folk dégagés, comme sur l'hivernal et nocturne "Crazy Love", doucement bercé par une guitare acoustique laissant un peu de place à des arrangements évaporés. L'apaisement peut aussi prendre la forme d'un voyage astral électronique, qui plane à des hauteurs enivrante, tel "Simple Death", aussi épuré et beau qu'un ciel de décembre qui se lève d'un soleil pale et froid.

Mais la dualité se formalise toujours par l'hybridation chez Chelsea, et nombre de pièces (toujours concises, jamais bavardes) se perdent dans le labyrinthe de la confusion, comme si l'artiste ne faisait plus la différence entre la nuit et le jour, entre l'éveil et le sommeil, et "Iron Moon" d'adapter la retranscription par un mariage entre un Sludge/Drone écrasant et des incantations vocales désespérées, mais étrangement belles. 

On pense pas mal aux SWANS, libérés de leurs divagations interminables, pour ces percussions indirectes et incantatoires qui rythment les errances nocturnes comme les aiguilles d'un réveil à la Lewis Carroll ("Survive"), à une adaptation en survol de BAT FOR LASHES sans le côté Pop pour ces tapis sonores qui ondulent ("Color Of Blood"), mais surtout à une prise de conscience personnelle qui lacère le silence de bruitages étranges et cauchemardesques ("Carrion Flowers", entrée en matière pleine d'ambivalence et surtout la plus violente et sourde du lot). Sur "Grey Love", le chant, les cordes (Ezra Buchla), la matrice électronique et les guitares atteignent une sorte de climax, et effleurent le parcours de l'artiste tout en la tournant vers l'avenir. Des noms émergent, Tori Amos bien sur (et pas seulement à cause des affinités entre les deux artistes en termes de reprises incongrues, SLAYER pour la rousse et BURZUM pour la brune), mais aussi Michael Gira pour cette exploration des sons et des sentiments...Mais à quoi bon comparer ce qui ne doit pas l'être? 

Avec Abyss, CHELSEA WOLFE continue son introspection, et il n'est pas difficile de comprendre l'envoûtement qu'elle suscite chez des artistes aussi extrêmes que SUN O))) ou MERCY BROWN. Sans tomber dans l'excès, de sa voix et de sa musique, l'artiste suscite des sentiments exacerbés chez l'auditeur, en restant elle même, en ouvrant partiellement les portes de son monde. Sa participation à l'anthologie vidéo V/H/S m'avait déjà interpellé, mais ce dernier album m'a totalement conquis. 

"Abyss vous plonge dans cet état de rêve, dont vous vous réveillez soudain, pour vous rendormir aussitôt et replonger dans le même rêve, immergé dans votre propre subconscient" 

C'est ça, Abyss est un rêve, effectivement. Un rêve fluctuant, secoué, mais dont on ne souhaite pas émerger puisqu'il nous permet d'entrer subrepticement et fugacement dans le subconscient d'une artiste unique. Subconscient aussi violent et terrifiant qu'il n'est apaisant et magnifique. 

 

 

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