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Metal and Oddities Reviews
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26 novembre 2015

MELISA - Dla Melizy

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Sludge Noise - Pologne - 27 Septembre 2015 - 12 titres – 26 minutes 

Warsaw, Varsovie, Pologne. Imaginez vous planqué dans un abri de fortune, à l'époque du ghetto, craignant la force brutale de coups donnés aléatoirement, la faim au ventre, les dénonciations, mais aussi l'entraide...Cette violence sourde et quotidienne, certains l'ont vécue, et peut être même que certains s'en souviennent. De moins en moins sans doute, peut être plus personne. Où dormir, comment manger, éviter les chiens en tout genre, survivre.

Le temps a passé, les cauchemars ne sont plus les mêmes, mais si une musique pouvait exprimer la tension, la peur voire la terreur ressentie dans ces sombres années, Dla Melizy du trio MELISA serait en bonne position. Délétère, presque subie, cette musique présentée sur un premier LP est chaotique, bruyante, en coup de boutoir, et pourtant presque résignée dans le ton.

Noise Sludge? Noisy Punk? Psychedelic Core? Allez savoir. En tout cas, courte, concise, directe et sans fioritures si ce ne sont quelques effets destinés à alourdir le son. 

Venus de Varsovie, Romanowski Mateusz, Stawarz Michał et Gawinecki Marcel lâchent leur premier LP gratuitement sur leur Bandcamp, comme pour asseoir leur position en toute humilité. En moins d'une demi heure et avec une cohérence rare, ils replacent l'importance du bruit dans le débat de la musique de l'Est, mais l'abordent d'une façon plus ou moins différente de leurs homologues. Ils semblerait que loin de se borner à citer les grands noms du Noisy Core, du Sludge ou du Hardcore, ils aillent piocher un peu partout, pour extraire les éléments nécessaires à leur définition de l'inconfort musical, en citant tout autant l'Indus, que l'Ambient, le Hardcore, le Post Hardcore abrasif, mais aussi le Stoner très gras et sale. En résulte une musique très brute, aux éléments presque indiscernables, qui avance, avance, et nous heurte à un mur de violence instrumentale à peine fissuré par un chant quasiment inaudible.

On connaît l'approche, elle est coutumière d'une frange de l'underground, mais elle est ici poussée dans ses derniers retranchements, en forme d'expression cyclique et répétitive. 

Ils se prétendent expérimentaux, et l'aveu n'est pas dénué de sens. Si la rythmique en union basse/batterie compacte offre quelques libertés indéniables ("Dla Melizy", fusion des esprits dérangés d'Helmet et Godflesh, qui reprend même plus ou moins le thème de "Biscuit For Smut" en version Birmingham), l'ensemble se déguise d'oripeaux Indus/Sludge/Noise, Hardcore dans le traitement, mais résolument mécanique dans la forme. Un réel fil conducteur suit l'ensemble du parcours, taillé dans une froideur hivernale opaque de brume, et certains intermèdes font d'ailleurs tressaillir la colonne vertébrale ("Martyrologia Marketu", intermède glacial et métallique), laissant une basse salement grondante et des guitares étouffées mais fuzzy mener le bal. La batterie se laisse même aller à des spirales dignes d'un pendule d'hypnotiseur ("Lodziarnia", qui aurait pu trouver sa place sur un album récréation de Justin Broadrick), ou des attaques en éclair qui frappent sans prévenir ("Sutra O Całkowitym Zgaśnięciu", encore une fois inondé de stridences en raz de marée, grave comme un matin qui ne se lèvera jamais avec ses mélodies fantomatiques).

Un peu Indus dans la façon d'agencer les sons de manière répétitive, cette musique noyée dans un delay et un écho profonds font tournoyer les sons comme des fantômes d'un passé inoubliable, se laisse porter jusqu'à un final qui paye son tribut au Godflesh de Streecleaner, itératif, blanc et mat. 

Les cartouches les plus massives sont tirées dès le début de l'album, avec trois morceaux de plus de trois minutes (les seuls), qui sont d'ailleurs les plus musicaux du lot, et les plus sur la berge d'un Hardcore Noisy et Fuzzy qui se fait piétiner volontairement par une basse qui s'impose en quelques notes rondes et brillantes ("Gdzie Giną Gołębie", mutinerie menée de front par UNSANE et BIG BLACK). "Trotyl" se campe sur un mid tempo au groove tendu, mais l'adjonction d'arrangements sonores à cette basse vorace ne fait rien pour ménager un peu d'espace au reste, comme si le vieux PRONG se laissait bouffer par un MINISTRY dopé aux samples et sons en spirale. "Prochy" laisse les bruitages prendre le pas, et constitue une cassure qui aborde la seconde partie de l'album comme une collection de petites vignettes toutes aussi glauques les unes que les autres, et résonne d'un tapis de boucles irritantes dignes d'un Dark Ambient relativement lumineux... 

Les titres mêmes ne laissent pas planer beaucoup d'illusions, de "Hier j'ai pensé que je pouvais dormir" à "Voyage pour un Sourire" en passant par "Je ne sais pas où dormir", tout ceci ressemble à une errance à la recherche d'une identité que le trio a pourtant déjà trouvée, même si ses contours restent à définir plus précisément...

A moins que ce flou artistique et bruitiste ne soit déjà une identité nette en soi... 

Dla Melizy n'est pas un album simple à écouter, tant il se plaît à mélanger, noyer, submerger ses influences dans un torrent de sons, comme une gigantesque machine à broyer qui laisserait s'échapper quelques plaintes de ses mécaniques pas forcément bien huilées. C'est mat, sourd, répétitif, assez effrayant, comme une symphonie industrielle de douleur qui ne marque pas de pause. Comme une journée dans un ghetto, dont on ne sait qu'on en est sorti vivant que lorsque le soleil se couche enfin.

Mais le soleil se lève il d'ailleurs?

 

 

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