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Metal and Oddities Reviews
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10 décembre 2015

OLD SKIN - Beneath The Trees

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Experimental Crust - UK - 16 Novembre 2015 - 10 titres – 32 minutes 

Débat. Pensez vous que la musique extrême puisse encore évoluer après des années de défrichage intense? En étant plus précis et cadré, croyez vous que le Hardcore, le Crust, le Grind puissent encore vous surprendre d'une façon ou d'une autre? Le débat est d'importance, et les réponses multiples sont autorisées. Je ne relèverai pas les copies, mais noterai les remarques. 

Toutefois, pour que vous puissiez y réfléchir en toute objectivité, je dois rajouter une pièce à charge au dossier. Le premier LP des Mancuniens de OLD SKIN.

Quatuor né à Manchester en 2013, OLD SKIN a sorti quelques petites choses pas inintéressantes du tout, dont un EP cinq titres en octobre 2013, un CD single et une cassette trois titres. Mais en dépit des nombreux éléments permettant d'y voir un certain avenir de l'extrémisme musical, les fondements étaient encore robustes et assez sommaires. Et pas grand chose ne nous préparait à la surprise déclenchée par ce premier album qui explose les conventions, et surtout, brouille les frontières de style. 

Si les noms de PARISO, SEIZURES vous sont familiers, le monde de OLD SKIN ne vous sera pas totalement inconnu. Même vision, même envie de transcender les codes, mêmes réflexes épidermiques leur faisant craindre la conformité et la routine musicale. Foncièrement brutal, Beneath The Trees n'en est pas pour autant chaotique, et laisse une sensation bizarre dans les oreilles. Un peu comme si les quatre Anglais avaient pioché dans le répertoire bruitiste actif pour n'en retenir que les feuillets les plus maîtrisés. On sent des réminiscences Hardcore, pas mal de Crust, mais aussi du Post métal acide et étrange, voire quelques touches fugaces d'Indus dans le traitement répétitif de certains plans. Ainsi, "Antibes", qui n'a absolument rien d'ensoleillé contrairement à ce que son titre pourrait laisser croire, permet à une basse massive d'écraser une rythmique en circonvolutions, et pilonne les mêmes notes sans relâcher la pression sur une longue coda. 

Comme beaucoup d'autres groupes qui laissent la créativité parler, OLD SKIN se soucie peu du format des morceaux. Si une idée doit s'étendre sur plusieurs minutes, les musiciens la laissent respirer. Si au contraire il faut percuter dans l'instant sans trembler, les titres se concentrent sur quelques secondes, et rien de plus. Dans ces moments là, le Grind est roi, mais pas seulement, et "Dead And Gone" de tout relâcher en une déflagration assourdissante, tandis que "Heartworm" laisse grouiller des arrangements qui s'insinuent sous la peau tel un ver cherchant à infecter le fruit du coeur. Et alors que "By The Wayside" agrémente un Crust violent de quelques fantaisies rythmiques syncopées directement héritées du Mathcore, "Tens Upon Tens" revient dans le giron du Hardcore NYC, avant de se souvenir que ses racines sont Anglaises, et donc plutôt Crust et Indus. a mi chemin entre PARISO, GODFLESH et UNSANE, ce morceau est un symptôme des déviances de genre affichées comme un pavillon, et refuse de se laisser enfermer dans un créneau bien précis. 

Ce qui est somme toute une constatation valable pour l'intégralité de l'album. Seul point commun à toutes ces chansons, leur caractère sombre et débordant de désillusions, et surtout, cette volonté farouche de ne pas rester campé sur des positions éculées. Les slogans les plus longs en sont d'ailleurs des parangons, n'hésitant pas à singer les grimaces d'un Post Hardcore sordide à l'orée du Doom/Sludge ("Bury Me", le titre, la rythmique, les notes sobres et itératives, tout est là pour nous noyer dans une boue compacte et épaisse, et même si la fin du morceau se veut plus concentrée, elle n'évite pas le bourbier NEUROSIS le plus mortel). Le morceau éponyme n'est pas en reste, et affiche une progression lente, mûrement réfléchie, qui pollue petit à petit le silence pour une fois de plus l'enterrer dans une sépulture Sludge/Doom, qu'un duo EYEHATEGOD/BOTCH aurait pu orner de quelques fleurs fanées. 

Beneath The Trees est en quelque sorte une grande lande désolée, fouettée par des vents contraires, parfois puissants et continus, parfois en bourrasques décoiffantes inopinées. 

L'approche est peu commune, et la lourdeur est de mise, même dans les interventions les plus directes et lapidaires. Ainsi, si "Failing Voice" cavale d'un bon rythme Crust, les riffs de guitare, le chant, doivent plus au Sludge le plus profond qu'au Hardcore véloce et intempestif. Il est très difficile de parler de Grind ou de Powerviolence au sujet de cet album, puisque la dilution de la brutalité dans la pesanteur est omniprésente, et finalement, le terme un peu bancal de Crust Sludge est le seul à garder un peu de pertinence, puisant son inspiration dans la fin des 80's comme dans les années 2000.

C'est rarement franc, toujours en demi teinte, mais c'est efficace et puissant, et rien que l'ouverture bluffante de "Deadfall" louvoie entre MathCrust et Power Sludge, tout en gardant la caractéristique de ce chant sourd et grave, qui rappelle la vague Death scandinave de la première moitié des 90's. 

Beneath The Trees est donc un arbre massif, dont les racines s'insinuent loin dans la terre aride, et passent sous vos pieds pour rendre le sol instable et mouvant. Vous risquez la fracture de définition, mais ces incertitudes vous rendront plus fort et plus ouvert. Maintenant, vous avez tous les éléments dont vous aviez besoin pour répondre à la question initiale. 

La musique extrême peut elle encore évoluer? Que ceux qui répondent par la négative développent. Je serais curieux de connaître leurs raisons.

 

 

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