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Metal and Oddities Reviews
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6 janvier 2016

WRATH OF MOT - Embrace The Great Malaise

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Blackened Death - USA - 25 Novembre 2015 - 14 titres – 72 minutes 

Dans le tumulte qui à résulté d'une déception et d'une crainte énorme suite aux résultats électoraux d'hier soir, j'ai pensé qu'un album intitulé Embrace The Great Malaise était un bon choix pour illustrer les faits. Non que le groupe Américain ait des accointances avec notre nouveau parti majoritaire, mais son nom est idoine, et adapté aux temps troubles dans lesquels nous évoluons. Heureusement pour nous, il ne s'agit pas ici de politique, puisqu'elle n'a pas sa place dans ces colonnes, mais bien de musique. Une musique étrange, aux confins des styles extrêmes, qui aborde la question du Death sous une approche totalement Black, mais d'un souffle ancien et délicatement désuet, sans pour autant être périmé avant même sa sortie. 

Duo étrange constitué de Lindsay "Trouble" O'Neil (chant), et Lord Grimm (le reste plus des choeurs), WRATH OF MOT nous vient de Long Island, New York, et pratique une musique assez opaque, qui pioche tous les éléments de base de ses construction dans le passé, pour concocter un breuvage au goût bizarre. A l'écoute de certains morceaux, il est assez difficile de savoir ou l'on met les oreilles, puisqu'ils empruntent au Heavy métal louche et occulte du début des 70's, repris à l'orée des 80's par des groupes comme MERCYFUL FATE, au Black des 90's, IMMORTAL en tête de liste, mais aussi au Death primaire, au progressif, et finalement, ce qui aurait pu s'apparenter à un brouet indigeste s'avale goulûment, grâce à des trouvailles astucieuses qui enrichissent les morceaux. 

Les morceaux sont d'ailleurs nombreux, parfois concis et directs ("Enough", "Haze", "Vacancy"), parfois longs épiques et en gigogne ("Inflicted", "Without Control"), mais même en version synthétisée, leurs idées se télescopent quel que soit le format pour proposer des chansons riches, mais efficaces. Il est assez amusant de constater qu'un groupe aussi foncièrement brutal et sauvage se complait dans des riffs typiquement Heavy Métal ("Underneath", avec une jolie basse concentrique), et peut même faire penser à une version antique d'ARCH ENEMY sans les tics chirurgicaux des guitares trop précises. Ici, rien ne l'est vraiment d'ailleurs, Embrace The Great Malaise est nimbé d'une brume qui laisse difficilement entrevoir la route, mais c'est justement ce sentiment de perdition qui rend cet album si fascinant. Un peu comme si un groupe des seventies s'était perdu dans les arcanes du temps, pour enregistrer son premier album dans une époque n'étant pas la sienne. 

Au demeurant, tout ceci est diablement créatif. Lindsay s'en donne à coeur joie avec ses vocaux écorchés, et module parfois sa voix pour trouver des intonations surprenantes, en s'appliquant à mettre en relief des motifs Death ("Bound", presque NILE ou MORBID ANGEL), ou au contraire se sentir à l'aise dans un contexte purement Heavy Black ("Without Control", et pourtant le duo le garde jusqu'au bout, parvenant même au terme de l'album à rebondir sur de nouveaux thèmes). 

Le point faible de l'album, mais là encore parce qu'il faut bien en trouver un, est sans doute sa longueur excessive qui n'évite pas la répétition d'idées déjà exposées, et soixante douze minutes de musique paraissent encore un peu longues pour un album qui aurait pu se voir concentré en trois quarts d'heure.

Mais les arrangements sont là pour détourner l'attention, sans perdre de vue le cap, et surtout, avec cette efficacité démoniaque qui permet à WRATH OF MOT de signer quelques brûlots incendiaires glosant sur une éventuelle rencontre entre BATHORY et MORBID ANGEL ("Vacancy" et ses superbes parties de choeurs mélodiques). En tout cas, Lindsay et Lord Grimm ne se privent pas pour exposer leurs obsessions, au gré de riffs saccadés qui accrochent ("Pepper", effectivement très relevé, au tempo médium souligné de traits de guitares dissonants) ou qui au contraire se répètent en forme de litanie sombre ("Orbs" qui peut se targuer d'incarner l'esprit IMMORTAL dans une enveloppe charnelle à la MESHUGGAH). 

C'est brutal, chaotique mais pourtant clair, et c'est surtout très inspiré. Ce refus de rester cloîtré dans une conception moderne de la brutalité est tout à l'honneur du duo, qui rend hommage à quarante ans de musique extrême et occulte, évitant au passage le cloaque Doom, mais restant campé sur des positions Heavy. Et c'est bien ceci qui m'a le plus marqué à l'écoute de Embrace The Great Malaise. Car WRATH OF MOT n'abandonne jamais ses racines qui trouvent ancrage dans la même terre qui a vu grandir les BATHORY, CELTIC FROST, mais aussi le SAB le moins lourd ou le MERCYFUL FATE le plus occulte, et laisse ses branches pousser de travers, pointant vers la noirceur du Black ou au contraire se laissant déformer par un Death originel vraiment fertile. Sans verser dans le revival, et en accumulant les références qu'ils fondent dans un tout très personnel, Lindsay Et Lord construisent un monde à part, ni vraiment Black ni forcément Death, mais extrême, musical et expérimental d'une certaine façon. Ecoutez pour comprendre le long "Inflicted" qui résume à lui seul tous les arguments que je viens d'exposer, et qui enfile les parties autour d'un axe foncièrement Métal. Basse omniprésente, qui soit se fond dans le décor ou assume sa prépondérance de quelques lignes en boucle, solo purement Heavy qui cite Amott et Denner, et chant bien sur qui salue au passage les pères fondateurs du Black.

Un album atypique, qui se révèle au gré des écoutes, et qui réserve pas mal de surprises, restant classique dans sa démarche, mais novateur dans sa conception.

En somme, une autre façon d'unir des extrêmes assez proches, pour laisser émerger quelque chose de différent, un peu comme lorsque CARCASS acceptait ses affinités Heavy tout en conservant l'énergie Death de ses débuts chaotiques. Et si l'on met de côté les quelques longueurs et les shunt de fin de morceaux un peu abrupts, la globalité est de qualité, et fait plaisir à entendre. Comme un voyage dans les entrailles du métal, par ses couloirs les plus sombres. 

Mais j'en redemande, et vous aussi j'en suis sur.    

 

 

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