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Metal and Oddities Reviews
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11 janvier 2016

AGRATH - Thy Kingdom Come

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Funeral Industries - Black - USA - 23 Septembre 2015 - 9 titres – 52 minutes 

Décidemment les arcanes du temps semblent se jouer de ma logique ce matin. Me voilà en train de parler d'un album qui selon le Bandcamp du groupe est sorti il y a trois ans, mais qui selon le label date de septembre de notre agonisante année 2015. Il semblerait toutefois qu'il s'agisse là d'une (ré)édition limitée, et donc selon toute vraisemblance de l'édition CD d'un album digital de 2012. Nonobstant cette remarque, l'affaire est sérieuse. Le Black Métal l'est de toute façon, et après avoir empilé durant ces douze derniers mois les efforts de groupes faisant admirablement évoluer le style vers d'autres horizons, me voici face à un album qui lui ne fait aucune concession, et se vautre dans le marigot originel. Mais ne boudons pas notre plaisir, puisque les combos faisant fructifier l'héritage des anciens ne sont plus si nombreux que ça, surtout ceux qui le font avec tant de puissance et de classe. 

Le trio AGRATH (Black Spectrum, basse; Ignotus, batterie et Lord Thammuz, chant et guitare) s'est formé il y a de cela onze années, du côté de New York, ville plus adaptée à des poussées de colère Hardcore qu'à la misanthropie propre au Black Métal. Depuis 2004, AGRATH s'est illustré par trois démos successives, un split avec MORTUM et surtout deux longue durée, The Fall Of Mankind en 2009, et ce Thy Kingdom Come en 2012/2015... 

D'ailleurs en 2012, le label Nuclear War Now en faisait la promotion anticipée via un label de qualité "Unholy Black Métal" qui effectivement était de circonstance. Ici, pas d'ouverture sur d'autres ténèbres que celles jadis idolâtrées par QUORTHON via son monstre BATHORY, on reste fidèle à une éthique éprouvée à grand renfort de messes noires et de têtes de boucs étalées sur un autel. Le principe est d'usage...Riffs sombres et gras, rythmique nucléaire, vocaux qui se perdent dans l'écho d'une crypte paumée au fond d'un vieux cimetière, et gardez vos vierges chez vous. Du Black nordique des 80's adapté aux exigences de puissance ricaines des 90's, rien de bien novateur, mais ça fonctionne. 

Malgré ce classicisme, le trio AGRATH fait montre d'une belle conviction dans ses compositions et dans son interprétation. Dotés d'une production gentiment sourde et grondante, les musiciens jouent leur va-tout crânement, sans dévier de leur trajectoire, et alternent avec flair les longues litanies souffreteuses et les intermèdes glauques, construits sur des mélodies que le grand ABRUPTUM n'aurait pas plus torturées. Pas question pour autant de tomber dans le Dark Ambient, ces intermèdes ne sont que ce qu'ils sont, et les compos bombent le torse sous la robe noire, se complaisant dans un Black aux légères teintes occultes qui se révèle assez prenant sur la durée. Ne vous laissez surtout pas abuser par le titre même de l'oeuvre, qui pourrait vous aiguiller sournoisement vers des auspices Death à la MORBID ANGEL, puisque tout ici n'est que Black jusqu'au bout des ongles crochus, comme en témoigne d'ailleurs le morceau éponyme qui respire l'odeur de putréfaction d'un HELLHAMMER dont le cadavre encore chaud influence toujours ses descendants. Double grosse caisse lourde et appuyée, chant incantatoire enregistré dans le lointain avec un écho profond, riffs ténébreux, tout est là pour recréer la magie des débuts du Métal noir tel que la scène scandinave l'avait conçu au début des années 90, en s'inspirant des maîtres Européens du genre. 

D'ailleurs, rien que l'énoncé des titres vous fera comprendre la mission de AGRATH, et des libellés comme "Hell From Above" ou "Messiah Of Death" ne sauront tromper même les plus étourdis d'entre vous. Si parfois on pourrait se demander si un Thrash épicé de Black ne constituerait pas la matière premières des New-yorkais ("Hell From Above" et son tempo furieux émaillé de parties de guitares aigues), les quelques mélodies sombres dispensées de ça et là nous ramènent vite au constat initial ("Cursed"), surtout lorsqu'elles se fondent dans un mantra martelé du fond d'une forêt, avec ce chant toujours plus agonisant et ces riffs occultes distillés avec misanthropie. 

Misanthropie, le mot est lâché.     

Tout comme le BATHORY de Under The Sign Of The Black Mark qui aurait lors d'une rencontre anticipé utilisé les codes des premiers IMMORTAL et DARKTHRONE, AGRATH ne conçoit son Black que sous un angle primaire, basique, ne s'embarrasse pas d'astuces de production ou d'arrangements pompeux, et ne compte que sur sa seule musique pour étaler sa vision aux grandes nuits. 

Ces nuits ne sont pas prêtes de faire rêver vos jours d'ailleurs, puisque le travail de sape est ininterrompu, De l'intro "From Beyond" digne du film du même nom jusqu'au terminal "Messiah Of Death", qui évoque l'esprit néfaste du MAYHEM des premières années, celles de Deathcrush, avec toutefois plus de maîtrise instrumentale. Mais le climat est le même, les accointances avec VENOM/BATHORY/HELLHAMMER aussi, et cette envie d'invoquer le nom des anciens avec tout le respect qu'ils méritent. Alors certes, dans une époque vouée à la fusion contre nature, il est possible que Thy Kingdom Come vous apparaisse comme délicieusement passéiste ou rétrograde, pourtant, il s'en dégage un parfum sauvage qui nous ramène aux origines d'un style, qui lorsqu'il est pratiqué avec autant de pugnacité reste un des plus trouble et enivrant. Bien loin d'un Black faisandé à peine digne d'une démo oubliée, mais aussi réfractaire à toute idée de progression, Thy Kingdom Come reste un album très bien pensé, qui se réfère constamment aux accents les plus incandescents du genre, brutalité, occultisme, pénombre de ton, et s'impose, sans forcer, comme un LP chaotique et glauque. 

Il est bon parfois de remonter à ses racines, surtout lorsqu'elles sont si profondément enfoncées dans le sol d'un vieux cimetière américain abritant les tombes de dépouilles venant d'Europe.

 

 

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