EX-BREATHERS - Past Tense

Exploding In Sound Records - Post Hardcore - USA - 23 Octobre 2015 - 11 titres – 24 minutes 

Ils manquent de souffle, à tel point qu'ils parlent déjà d'eux au passé. Il faut dire qu'en s'époumonant comme ça dans un environnement clôt et moite, il ne fallait pas non plus surestimer ses capacités pulmonaires. Enfin, il y en a qui ne doutent de rien...De Tallahassee, Floride, état du soleil, nous viennent les ombrageux EX-BREATHERS qui n'en sont pas à leur coup d'essai. Des centaines de concerts incendiaires à leur actif, un EP (EXBX, 2014), qui en onze minutes faisait le tour de LEUR question, et puis ce nouvel album, dispo via Exploding In Sound Records, label idoine pour une musique tendue qui menace d'imploser à chaque seconde. 

Past Tense, pourrait après écoute se traduire de deux façons. Un discours à posteriori, ou une tension nous venant du lointain, remise au goût du jour, et prête à enfin lâcher. Comme ce LP est d'actualité, je ne me vois pas parler de ce trio autrement qu'au présent (Adam, batterie; David, guitare et chant; Jack, basse et chant aussi). Alors parlons donc de cette tension qui prend chaque bord de ce nouvel LP pour tirer dessus et voir jusqu'où ça peut nous mener avant craquage. Musicalement, c'est particulièrement dense, mais thématiquement le tout est un peu obscur. Pourtant, David nous donne quelques pistes à propos de certains titres, dont une assez intéressante à suivre, puisque que foncièrement explicative de leur démarche. 

""Static Machines" parle de cette scène Punk/Indie ennuyeuse et superficielle qui n'a rien de neuf ou d'intéressant à dire". 

Des choses à dire, les EX-BREATHERS en ont. De là à affirmer qu'ils proposent quelque chose de nouveau, il y a quand même un tableau abstrait que je ne peindrai pas. Par contre, leur propos est intéressant, dense, et agressif, on ne peut pas le nier. Dans une veine NYHC contemporain, on ne peut franchement pas faire mieux que ces onze morceaux qui font étalage d'un savoir faire remarquable dans l'art de la composition tendue, et qui posent quelques riffs bien solides et abrasifs sur la table de la violence urbaine.

UNSANE est le nom qui viendra à l'esprit, un UNSANE qui s'y frotte s'y pique à un FUGAZI hyper pur et concentré, avec en surprise de taille cette basse énorme qui brille et roule le long de montagnes russes Core. C'est même subtilement REFUSED par moments ("Stand Still", entre Shape Of Punk et le petit dernier), et en tout cas assez souple rythmiquement pour se permettre une affiliation NOMEANSNO, mais plus allusive que par définition totale. 

Produit par Justin Pizzoferrato (DINOSAUR JR, SONIC YOUTH), Past Tense se ballade au gré de ses envies entre un Hardcore vraiment rigide et droit comme un piquet, et des choses plus ondulantes, comme une attaque de serpent qui finit par vous mordre méchamment ("Stand Still" encore qui se termine par un beau chaos de douleur). Pour autant, le trio ne crache pas sur une certaine forme de simplicité comme en témoignent des morceaux brefs et intenses comme "Wired Weird" ou "Forced Binaries", carrément Hardcore straight dans le fond et la forme, bien que ce dernier en trente secondes à peine rende un bel hommage aux frangins Wright. 

En fait, entre l'urgence ("Window") et les abstractions développées ("Thin Lines" tellement SONIC YOUTH que ça fait mal aux dissonances), les EX-BREATHERS pratiquent l'art du contre-pied intense, et du grand écart dense, mais restent toujours focalisés sur une seule chose: l'intensité viscérale. Pourtant ils semblent de temps à autres un peu plus dilettantes, et se laissent porter par un courant sinueux comme si la musique décidait pour elle même. Ce qui leur permet de sauter du wagon Hardcore chaotique en marche ("Existing To Remain" qui monte, descend, regarde, et soude la guitare à la basse pour un riff énorme qu'une rythmique schizophrène malmène à chaque instant, un peu Mathcore sur les bords quand même), de célébrer la mémoire de Ian MacKaye en la confrontant aux souvenirs de Bob Mould ("Car"), et de se caler sur une ligne stricte et sèche pour replacer FUGAZI dans le contexte ("Open Source"). 

Seul point commun à tous ces morceaux qui selon leurs auteurs sont destinés à comprendre/vous confronter (à) un problème précis (mais les paroles sont tellement cryptées que la problématique reste assez opaque), leur puissance. Qu'elle soit directe, biaisée, groovy ou punchy, elle est toujours là, offerte ou préservée, et l'intensité, même déguisée ne se dément pas du début à la fin, ce qui transforme Past Tense en immersion totale, apnée musicale qui pourtant respire à plein poumons.

Ça ose, c'est certain. Ça reste classique, mais lorgne vers demain. Il faut dire qu'avec une production pareille (c'est la première fois que David n'officie pas derrière la console, et ça s'entend), les EX-BREATHERS ont mis tous les atouts de leur côté pour frapper fort et vite, tout en prenant leur temps. Il faut dire que parfois, ils exposent tant d'idées à la minute qu'on a le sentiment que les titres sont plus longs qu'ils ne le sont vraiment. Mais loin d'être pénible, ce concept fait rebondir les morceaux, et nous mène doucement au final, "Gravity Sewer" qui se plaît à imaginer une rencontre amoureuse en forme de triolisme entre REFUSED, le YOUTH et SUGAR. 

Respirer ou retenir son souffle? Telle est la question. je vous conseille d'essayer les deux juste pour voir quelle option est la meilleure.

Mais ils avaient raison, il y a trop de gens qui parlent et qui n'ont rien à dire. 

Ecoutez les plutôt. Car ils donnent l'impression de distiller leurs mots, alors que finalement, ils en offrent beaucoup. Et parlez d'eux au présent je vous prie, c'est mieux.