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Metal and Oddities Reviews
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13 janvier 2016

NAWATHER - Wasted Years

HardForce-blog-110

M & O Music- Oriental Métal - Tunisie - 8 Janvier 2016 - 9 titres – 42 minutes 

Attention, album unique, fortement destiné à devenir mythique avec le temps! Certes, mon enthousiasme est certainement guidé par ma passion pour les hybridations contre nature et l'introduction de sonorités orientales dans un cadre purement Rock, mais même en dépit de cette subjectivité assumée, le premier album des Tunisiens de NAWATHER est une pure merveille, et presque parangon de la rencontre des influences orientales et occidentales. Certes, le principe est connu depuis longtemps, mais le sextette a poussé le concept encore plus loin, et surtout, à considérablement travaillé ses mélodies pour qu'elles épousent les contours de la puissance du Métal Européen, sans pour autant dénaturer ses origines. Et ça, c'est un véritable tour de force, qui mérite amplement d'être signalé et célébré. 

Mais dans un désir de précision, situons d'abord le contexte. 

NAWATHER est né de la rencontre entre Raouf Jelassi, chanteur au sein de combos comme OCCULTA ou AGONY'S SERENADE, et le bassiste Hichem Ben Amara (OCCULTA aussi, mais sans oublier MELMOTH et... AGONY'S SERENADE). Après une première mise en place, le duo complète son casting en recrutant la sublime Ryma Nakkash en contrepoint vocal, mais aussi Yazid à la guitare et surtout, Nidhal Jaoua au qanun. 

Le qanun? Rien de moins que la base de la musique orientale, considéré comme le roi des instruments. C'est le pivot de la culture artistique locale, qui occupe une place centrale dans la musique classique Tunisienne, le Malouf. C'est donc la première fois que cet instrument étrange se retrouve impliqué dans des constructions Rock purement occidentales. Mais son utilisation qui se base sur le pincement de cordes ne l'éloigne pas forcément de sa cousine la guitare, d'autant plus qu'il fait partie de la famille des cithares. On trouvait déjà mention de cet objet étrange dans le conte des Mille et Une Nuits, et aujourd'hui, NAWATHER le remet au goût d'un jour nouveau, moins pieux et sacré, mais tout aussi envoûtant. 

Bien sur, tout ceci aurait pu n'être qu'un gimmick destiné à se faire remarquer, mais loin d'être un simple gadget (n'oublions pas que cet instrument est d'une noblesse absolue dans les pays du Moyen Orient, alors pas question de plaisanter avec ça), le qanun occupe une place de choix dans les compositions alambiquées du sextette, qui n'hésite pas à le confronter à des évolutions purement Thrash et Néo, voire symphoniques parfois, ce qui aboutit à un mélange absolument merveilleux entre les tonalités chaudes de la Tunisie, et la froideur de la puissance occidentale.

Mais aussi important soit il, cet instrument n'est pas le seul intérêt de ce groupe fascinant, loin s'en faut. Car les morceaux de Wasted Years reposent aussi sur une jolie dualité vocale entre les growls graves de Raouf et les envolées en arabesques de Ryma, sans oublier les riffs et soli tout à fait incendiaires de Yazid. Celui ci laisse éclater son talent naturel en tissant un tapis de riffs épais et syncopés, qu'il perce régulièrement d'interventions en solo brillantes, démonstratives sans l'être, et surtout très riches. 

En outre, NAWATHER ne rechigne pas à incorporer quelques arrangements synthétiques à ses chansons, ce qui confère à l'ensemble une étrange couleur, à cheval entre le Gothique symphonique, le Métal oriental, le Néo Thrash puissant, et le Heavy sombre et progressif. On pense bien sur à CREMATORY, PARADISE LOST, mais aussi MYRATH évidemment, et si la violence instrumentale est indéniable, le piège de la répétition est subtilement évité grâce à quelques compos qui empruntent un chemin différent. "Succubus Romance" en est un exemple flagrant, et se montre sous un jour beaucoup plus nuancé, avec son entame subtile mais inquiétante. Histoire d'amour parfaitement incarnée par une dualité vocale théâtrale, ce titre emprunte autant aux méandres de DREAM THEATER qu'à la récente appropriation du répertoire traditionnel Iranien par Natasha Khan dans son projet SEXWITCH. 

Le final épique "Kont Trab" fait aussi partie des exactions les plus originales de ce premier LP, et se laisse porter par une belle évolution en forme d'ondulation. Les voix aux antipodes forment une fois de plus un ballet onirique étrange, aussi précieux qu'agressif, et les mélodies introduites en arrière plan par l'association de la guitare et du qanun sont absolument magiques. Les breaks purement Power viennent alors casser le moule, avant que le déroulement initial ne prenne un visage différent. 

Mais tout ceci est introduit de fort belle manière par l'énorme "Falling Down The Slope", qui explose des percussions traditionnelles sur un riff gigantesque, avant que les deux structures n'avancent cordes sur peau. Tout l'univers de NAWATHER est exposé dans ce titre magique, qui nous invite à traverser des milliers d'années de culture orientale en nous permettant de garder notre identité occidentale de ses guitares purement Métal. "Broken-Winged Bird" adopte peu ou prou le même principe, mais accentue encore plus le fossé entre la chaleur de la Tunisie et la froideur presque clinique d'un Néo Métal aux accents gothiques, admirablement suggéré par les vocalises de la décidemment très versatile Ryma. Dans ses instants les plus ambitieux, NAWATHER suggère même l'emphase des WITHIN TEMPTATION et autres NIGHTWISH en les confrontant à la richesse de leur propre culture, en mâtinant le tout d'arrangements électroniques, comme le démontre "Defnouna", qui laisse le phrasé vocal très heurté de Raouf s'enrouler autour d'une articulation instrumentale fluide et mélodique. 

Mais je ne peux me résoudre à analyser en détail chaque piste de ce premier album, puisque c'est justement la surprise qui découle de l'écoute qui le rend si fascinant. Et même si certains défauts et automatismes restent encore à gommer, c'est un exercice de style fabuleux qui parvient sans peine à marier sans forcer la richesse de la musique traditionnelle Tunisienne et le radicalisme du Métal occidental.     

Loin de symboliser des années perdues, Wasted Years vous offre un voyage imaginaire dans un conte musical qui place des personnages hérités de cultures différentes dans un contexte de rêve éveillé, qui tend parfois vers le cauchemar. En confrontant la force de guitares et de rythmiques puissantes à la délicatesse veloutée et mystérieuse de vocalises et d'arrangements Nord Africains, tout en offrant des textes profonds et travaillés, NAWATHER s'impose comme le fer de lance d'un courant de métissage terriblement pénétrant. Et croyez moi, malgré son titre, Wasted Years ne vous fera pas perdre votre temps. Il stimulera votre imaginaire, et vous emmènera si loin qu'il vous faudra plus de mille et une nuits pour en revenir. 

 

 

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