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Metal and Oddities Reviews
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23 janvier 2016

KILL THE THRILL - 1989

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Post Punk Noisy - France - 31 Août 2015 - 8 titres – 26 minutes 

1989, pour les historiens, c'est l'année de la chute de cette saloperie de mur de Berlin. Une euphorie mondiale, prenant corps à grands coups de pioche, de masse, et de liesse populaire. Fin d'une scission, qui allait pourtant déborder sur des désillusions majeures. Et si finalement, le destin avait fait fausse route? Les questions étaient légitimes, mais après tout, rien ne peut arrêter le cours de l'histoire...1989, plus intimement, et plus à l'Ouest, ce fut aussi la date de naissance d'un de nos groupes les plus attachant, du côté de la cité Phocéenne. Un groupe qui en plus de vingt ans de carrière se sera vu affublé de toutes les étiquettes possibles, échappant avec minutie et flair à chacune d'entre elles. On les aura affilié à l'Indus, la Cold Wave, le Post Punk, et même le Métal puisqu'on les retrouvait au casting de cette séminale compilation de 1995, Brutale Generation.

Ils n'avaient d'ailleurs à priori rien à y faire, mais pour les néophytes, c'était une occasion de découvrir un trio salement atypique qui allait remuer la France de Mitterrand sur ses bases, avec une musique difficilement cernable, mais totalement envoûtante. D'ailleurs, avec des albums comme Tellurique ou Low, les KILL THE THRILL allaient faire plus que proposer une vision nouvelle. Ils allaient tout simplement imposer leur conception des choses, au travers d'un prisme multiple qui refusait les conventions et les politesses d'usage. Leur façon bien a eux de transgresser, et de passer au feu rouge sans même ralentir. 

Après tout, on ne se retrouve pas à lever le rideau pour des groupes comme EINSTURZENDE NEUBAUTEN, LA MUERTE, les YOUNG GODS ou NEUROSIS parce qu'on a une bonne tête. On ne se fait pas produire par Michael Gira des SWANS sur 203 Barriers parce qu'on a cinquante euros en poche non plus. Et même si Nicolas Dick et Marylin Tognolli sont plutôt avenant dans leur genre, ils ont surtout su tisser un univers très particulier qui a butiné toutes les fleurs de l'extrême avant de produire son miel au goût doux amer. Alors KILL THE THRILL est passé par toutes les ambiances possibles, mais toujours dans un souci d'absolu, de puissance, a fricoté avec le Post Hardcore, le Métal, le Darkwave, l'Ambient, mais si vous connaissez les Marseillais, vous le savez déjà. Sinon, sachez qu'ils ont une discographie qui représente en quelque sorte un pic de créativité de la musique française underground, et de la musique internationale tout court d'ailleurs.

Leur dernier album studio, l'acclamé Tellurique date de 2005, et onze ans ont passé depuis, onze années parsemées de collaborations (Buccolision), d'un split (Dark 80's, avec YEAR OF NO LIGHT, ONE SECOND RIOT et ABRONZUS), pour finalement aboutir à ce nouvel LP qui n'en est pas un. Car 1989 porte bien son titre, et remonte le temps jusqu'aux origines de la fondation du groupe la même année. Il se constitue donc de démos sorties cette année là, qui déroulent la genèse d'un trio unique en son genre, qui balbutiait encore son répertoire à venir tout en affirmant déjà une identité forte. 

1989 est une émergence qui n'a que peu de rapport avec le Métal j'en conviens, et qui se situe plus dans une atmosphère Post Punk raide comme un piquet, mélangeant le lyrisme d'un NOIR DESIR encore un peu coincé, la rigueur et l'ascétisme d'un WIRE, et l'énergie Garage des DOGS, tout en amalgamant le tout dans une musique traumatique, mais cathartique. Les guitares sont acides et triturent les sons, la basse est brillante et rebondit sur les murs, tandis que le chant se veut volontiers un peu geignard, en tout cas suffisamment en retrait pour observer le tout d'un ton goguenard. On sent déjà dans ces huit morceaux les prémices d'une carrière fertile à venir, mais aussi ouverte, puisque déjà, les structures sont évolutives, et refusent de se laisser cloisonner. Du Post Punk un peu dark & cold de "Love Has Failed", qui use du vocabulaire crépusculaire des CURE, de JOY DIVISION ou des JESUS AND MARY CHAIN, aux attaques souterraines à la HUSKER DU vu sous un angle Indus de "End High", véritable cathédrale sonore aux proportions terrifiantes, KILL THE THRILL couvre un maximum de terrain alors qu'il est à peine sorti de l'oeuf. 

Parfois aussi urgent et lapidaire qu'un Hardcore joué par des No Waveux ("Fire", qui transpose la folie d'Arthur Brown dans le monde dissonant des SONIC YOUTH en citant même Daniel Darc au passage), parfois faussement Pop mais réellement flippant ("I Feel Right", sorte de maladie mentale Garage soignée par des électrochocs à la FLIPPER), et puis soudainement radical, dans une dernière course contre la montre Dark Punk ("Feel", ou comment ne pas reprendre du BAUHAUS avec les moyens techniques des DOGS).

Ce qui époustoufle dans cette collection de démos, c'est le professionnalisme dont faisait déjà preuve le trio, qui dès le départ avait une emprunte très personnelle et prononcée, qui leur aurait sans doute permis de ne pas attendre quatre ans pour sortir leur premier album. Tous les éléments du culte étaient déjà en place, de la souplesse mélodique à la rudesse rythmique, de la liberté de ton abrasive au désir de pousser plus loin les expérimentations harmoniques. Hypnotiques, fascinants, libres, écorchés, ces huit morceaux montrent un groupe sur de lui, qui pose les bases des déviances à venir sans vraiment laisser le public entrevoir le futur. 

Alors certes, il eut été incongru à l'époque d'affilier KILL THE THRILL à la scène Métal, mais je crois pouvoir dire qu'ils n'ont jamais fait partie d'aucune scène, au grand dam de critiques qui auraient bien aimé les enfermer dans une petite case.

Tout ce que je souhaite, c'est que l'écoute de 1989 vous donne envie de vous replonger dans la discographie des Marseillais, ou de la découvrir au cas ou l'histoire vous ait glissé de la mémoire. Car si en 1989, Berlin se voyait réunifié, après presque quarante ans de déchirement, les frontières de la musique étaient elle aussi explosées par un trio qui n'avait peur de rien, et surtout pas de jouer sa propre carte. 

KILL THE THRILL, avec ou sans 1989, restera à jamais un monument du patrimoine alternatif français. Mais découvrir cette gestation arrivée à terme est un exercice fascinant. Le son, l'attitude, l'envie, tout y est, ne manquait plus qu'un coup de pouce du destin.    

 

 

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