ABO - Bucket List

Mighty Music - Hard Rock Mélodique - Danemark - 8 Janvier 2016 - 10 titres – 38 minutes 

La "Bucket List", vous connaissez? En gros le concept est simple. C'est un genre de "to do list", du genre de celles qu'on fait quand on envisage qu'un jour les choses peuvent se terminer. Alors on peut y penser quand on est enfant, ou au contraire dans les derniers instants de sa vie, mais quoiqu'il en soit, ce sont des objectifs plus ou moins raisonnables et rationnels...Mais c'est aussi le titre du premier album solo d'un artiste aussi méconnu que talentueux, Anders Bo. Anders est Danois, et reste un des mercenaires les plus prisés de son pays. Il a joué avec des pointures, dont Marco Mendoza, et d'autres artistes/groupes comme MEDINA, STELLA BLACKROSE, XANDER, j'en passe, et des plus anonymes. Il n'empêche que le talent du guitariste est reconnu et connu, et surtout très recherché. L'homme à le phrasé fin, le riff épais, mais aussi le solo délicat, et ne rechigne pas à rester dans l'ombre. Un peu Steve Lukather du Nord dans l'esprit, quoi que les affinités des deux hommes soient un poil différentes. 

ABO, Anders BO, tout est dit. Ce premier effort under the light est sien, et il tient à ce qu'on le comprenne. Il couronne des années de carrière passé derrière les vraies stars, et surtout, va lui permettre de montrer au monde entier de quoi il est capable, en tant qu'instrumentiste, mais aussi compositeur. Pourtant, aussi volontaire soit ce premier album, il est d'une humilité totale. A l'image du bonhomme qui n'a jamais cherché la gloire, c'est un disque fidèle, honnête, et surtout, généreux, dans le style comme dans le rendu. Et loin de se la jouer seul dans son coin pour ramasser toutes les miettes, Anders a partagé le studio avec quelques ami(e)s qui se sont relayés derrière le micro, puisque le maestro s'est lui même chargé de tous les autres instruments. Et dire qu'il a brillamment relevé le défi est un euphémisme... 

C'est ainsi que nous retrouvons aux vocal duties mesdames Rebecca Lou (STELLA BLACKROSE), Celina Ree et Jenny Sjöwal, mais aussi monsieur Thomas Karlsen (KARMA COWBOYS), qui viennent donner corps aux compositions du maître de cérémonie, qui a une fois de plus collaboré avec son ami de longue date Soren Andersen (autre braconnier fameux déjà aperçu sur les chasses gardées de Mike Tramp, ARTILLERY, Glenn Hughes ou Joe Bonamassa, excusez du peu).

Le résultat? Parfait. Oui ça paraît un peu sommaire comme résumé, alors disons que si le Hard Rock hargneux, le Hard Rock mélodique, l'AOR, et le Classic Rock burné sont vos styles musicaux de prédilection, alors Bucket List les compilera pour vous au sein du même album. Car non seulement Anders assure musicalement pour deux, voire trois,  mais il a en plus un spectre musical assez large pour satisfaire tout le monde. Certes, les guitares sont omniprésentes, et les claviers occultés, mais malgré cela, l'homme connaît suffisamment sa guitare pour l'emmener là où il le souhaite, et la faire rugir, ronronner, pleurer, selon les émotions requises. 

En tant que fan des genres abordés, je me suis régalé, je l'avoue. Car Anders a en plus eu la politesse de ne jamais tomber dans la mièvrerie, tout en restant sentimental et même parfois romantique. Mais il le fait toujours avec sincérité, sans avoir recours à des arrangements lacrymaux, ce qui rend son album si attachant, qu'on a beaucoup de mal à s'en défaire.

Mais il n'en a pas pour autant oublié de se faire plaisir, et de lâcher quelques bombes instrumentales tout à fait Rock & Hard, qui d'ailleurs nous rappellent les travaux en solitaire de Manu Livertout, Joe Satriani ou même Dave Martone. Ainsi, au gré des pistes, vous cramerez un peu de bitume en tombant les deux pneus avant sur "Stage Right", qui roule bon train sur fond de Heavy Rock éclairé par des soli superbes, ou son pendant plus light "Cars & Guitars" qui lui aussi fait du bon vingt litres au cent et bombe son moteur qui rugit sous les chromes de la carrosserie qui brillent. 

En intro, nous avons droit aussi à du musclé, grâce à l'ouverture "Go Down", et son leitmotiv "no more speedlights" qui en dit long sur sa vision. On y trouve la jolie Rebecca Lou au micro, pour une ambiance à mi chemin entre le Hard alternatif costaud des 90's (les couplets) et le Rock FM bien remonté des 80's (le refrain). La même Rebecca agrémente de son timbre légèrement voilé l'acoustique agité et groovy de "Grace", pur moment de bonheur mainstream à la mélodie incroyable, mais aussi "Stay", sorte de demi ballade aux accents un peu Country qui une fois de plus s'appuie sur des harmonies très pures et séduisantes. L'école mélodique Danoise dans toute sa splendeur et son absence d'emphase, préférant laisser parler l'émotion que la production. 

L'ami de longue date Soren se charge du très middle of the road/AOR "Shadow", qui fonctionne à merveille par l'entremise d'un refrain irrésistible, tandis que Thomas Carlsen prend en charge le secoué "Back To Me" qui lui fait parler la poudre et aligne les barils pour un shoot de tequila à peine distillée. Ça brûle le gosier, ça ramone sec les poumons, et ça donne une sacrée caution Hard à l'ensemble. Quant à Celina et Jenny, on les retrouve sur les moments d'intimité, "Promise" pour la seconde et "Cherrytrees" pour la première. Deux ballades bien sur, mais avec chacune leur emprunte vocale, et un joli vent celtique à la CORRS qui flotte sur le splendide "Cherrytrees", tandis que "Promise" se veut plus facilement scandinave dans l'esprit, mais pas moins touchant pour autant. Plus classique, mais tout aussi enchanteur.

Mais histoire de bien convaincre ses fans qu'il n'a pas perdu ses habitudes Rock, Anders termine l'album sur un ultime instrumental qui secoue les riffs dans tous les sens et laisse parler un phrasé coulé et terriblement Heavy. 

Pour une première escapade en solo, Bucket List est une sacrée réussite. De par sa variété de ton évidemment, qui couvre une étendue remarquable, de la ballade AOR à l'instrumental crûment Heavy, mais surtout par la qualité de ses compositions, qui si elle restent classiques touchent toujours le point sensible, et laissent des mélodies parfaites s'incruster dans notre tête.

Niveau technique, rien à redire évidemment, mais vu le pedigree du bonhomme, le contraire eut été impossible. 

Mon cher Anders, si Bucket List représente la liste de ce que tu voulais faire avant de mourir, j'espère que ça n'en est que l'amorce, et qu'encore beaucoup de disques de cette trempe viendront nous titiller le coeur. C'est un album à ton image, simple, direct, sincère, qu'on apprécie sans arrière pensée, et qui se laisse couler comme une rivière en été.

Merci à toi pour ce partage, et qui sait, à bientôt peut être sur scène. Mais pas pour applaudir quelqu'un d'autre. Non, pour t'applaudir toi.