V-SECT - Nature’s Casket

Atomic Action - Raw Punk Black - USA - 20 Avril 2016 - 7 titres – 17 minutes

Avec la manie qu’ont les groupes de brouiller les limites entre les styles, il va devenir relativement ardu de pouvoir les classer…Eux ne s’en plaindront pas, puisqu’ils ont toujours haï les étiquettes que nous gratte-papier prenons un malin plaisir à leur coller. Et puis, ça va obliger certains à élargir leur champ lexical, et vu certaines chroniques, l’affaire n’est pas gagnée…

Mais tant pis pour eux.

Donc, limites.

Parlons-en.

Pour ça, direction le Rhode Island, à la rencontre de Brendon (basse), Adam (batterie), Jake (chant, guitare) et Dean (chant, guitare aussi), quatuor répondant au nom légèrement énigmatique de V-SECT. Déjà responsables d’une démo sortie pour Halloween 2014, et d’un EP en mars 2015 (Nature’s Only Promise Is Death), les quatre pourfendeurs de l’extrême flou nous en reviennent avec un « nouveau » EP, qui n’est rien de plus qu’un remaniement de leur répertoire, puisqu’il contient les mêmes titres que les deux œuvres pré citées. Ainsi, en téléchargeant Nature’s Casket, vous aurez donc le plaisir de posséder tout le répertoire de ces furieux, qui semblent bien placés pour gagner l’award des dépressifs de l’année.

Dépressifs, ou lucides ?

Puisque selon leur point de vue, nous ne sommes nés que pour mourir, on pourrait dire les deux. Mais si leurs motivations semblent bien fatalistes, leur musique n’en est pas plus avenante pour autant.

Bien au contraire.

Je parlais donc de mélange de genres, celui pratiqué par les Américains est connu, mais poussé ici à un paroxysme intéressant. Punk Black sur le papier, mais plutôt Black lo-fi à tendance Crust dans les faits, Nature’s Casket ressemble à une vieille démo de BM Anglais un peu fatigué, et légèrement soumise à des impulsions Doom, Punk évidemment, et quelques touches de Hardcore vraiment sale. Un genre de version Black des DISCHARGE ou DOOM, en pendant beaucoup plus abrasif et agressif pour les oreilles. La production est en tout point fidèle à l’éthique musicale, très touffue et à la saturation excessive, les guitares sont sombres, la rythmique très brute, et tout ceci confère à ce premier LP une aura très primitive, que j’ai personnellement beaucoup apprécié. D’autant plus qu’à contrario de bon nombre de combos du cru, les V-SECT ne jouent pas la facilité, et s’aventurent dans de multiples directions.

Souvent même au sein d’un même morceau, ce qui rend les choses encore plus passionnantes d’ailleurs. Ainsi, le final homérique « Ice In The Vein » débute comme un hit improbable du DARKTHRONE le plus Crust N’roll mâtiné de NAILS un peu space, avant que la machine ne s’emballe et ne s’affale dans des blasts à peine soutenus par des guitares rachitiques qui grésillent leurs riffs avec peine. Un petit solo vite torché et quelques hurlements plus tard, et le groupe reprend sa lourde marche en accentuant la pression, pour un dernier souffle qui s’éteint progressivement… 

Même constat pour « Power To Suffer », qui après une très courte intro envoie tout bouler dans une tentative BM supersonique ultime, avant de repartir sur les chapeaux de roue d’un Crust vraiment venimeux, et de revenir vers la cadence initiale. Puis une gigantesque basse vient imposer sa gravité, subtilement soutenue par quelques coups sur le charleston, avant que le feedback ne déchire le tout d’un Sludge/Doom extrêmement tendu… 

Cet album permet de mesurer la progression non négligeable des Américains, et les efforts consentis entre leur première démo et leur premier EP. Les quatre premiers titres sont les plus instinctifs et barbares, se basant la plupart du temps sur le même schéma, privilégiant le minimum de riffs pour le maximum de sauvagerie, même si le potentiel versatile était déjà largement palpable (« Iron Casket », genre d’hybride Proto Crust/BM/Death de première bourre, au son vraiment écorché).

En fait, c’est presque un groupe à deux visages que nous présente ce Nature’s Casket,  alors même qu’on s’attendait plutôt à quelque chose de basique et simple à évacuer.

Comme quoi les apparences sont souvent trompeuses…

Il n’en reste pas moins que V-SECT se présente sous un jour ténébreux mais diablement intéressant…Ils pourraient même incarner un versant entier du renouveau de l’extrême US underground, de par cette volonté de ne pas s’attacher à un style en particulier, mais en retenant les aspects les plus violents et glauques de chacun. Et après tout, si comme ils l’affirment, notre seul avenir et une fin inéluctable, autant s’habituer de suite à l’au-delà en leur compagnie. 

Ce qui ne nous empêche aucunement d’apprécier leur nature profonde…