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Metal and Oddities Reviews
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16 juin 2016

CORBEAUX - Kind Words

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Post Noise Rock - France - 23 Mai 2016 - 7 titres – 32 minutes

Ce volatile noir de jais ne bénéficie pas d’un très grand capital sympathie auprès des humains…Chassés dans les champs avec force épouvantails ridicules, on le retrouve souvent dépeint lors des retranscriptions de scènes de bataille, et il reste le symbole de la désolation, de la tristesse et du malheur. Et on a même donné son nom à tous ces lâches qui dénoncent leurs contemporains derrière un anonymat peu glorieux. Pourtant, dans le règne animal, ils se caractérisent par un courage sans bornes, une sociabilité, beaucoup d’intelligence et de fidélité.

Alors, le corbeau, oiseau à réhabiliter ?

Indéniablement. Et quoiqu’il en soit, et malgré l’opprobre publique, j’aime cet animal. Parce qu’il est beau. Parce qu’il vit sa vie sans se soucier du qu’en dira-on. Un peu comme ce groupe dont je vais vous parler ce matin… 

A savoir dans quel sens ce gang de Quimper a adopté son patronyme…Pourraient-ils dénoncer quelque chose sans vouloir qu’on les identifie ? Restent-ils seuls dans leur coin ? Où sont-ils fidèles à une éthique individuelle dont ils ne dévient pas ? 

Vous savez quoi ? 

Je pense que c’est tout ça à la fois.

Au départ, CORBEAUX, c’était du Post Rock. Mais comme tous les chantres du style, ils ont mis en application les préceptes de toute conception « Post », et ont évolué. Aujourd’hui, leur musique est si libre qu’il est très difficile de la classer quelque part, alors on parler de Free Noise Rock, de Mathcore apprivoisé, et plus simplement de Rock alternatif sans brides ni limites.

Après leur second album, Hit The Head, le quatuor (Mickaël Pochet – guitare & chant, Mathieu Crétier – basse & chant, Maël le Guichaoua – guitare et Joris Saïdani – batterie) a décidé d’aller encore plus loin dans son exploration des sentiments et a agrandi une fois de plus sa palette sonore. Et le résultat de cette quête permanente se trouve dans les pistes de ce quatrième LP, Kind Words, qui en effet à bien des choses douces à entendre. 

Une fois de plus, l’équipe s’est articulée autour d’Amaury Sauvé (AS WE DRAWN, BIRDS IN A ROW) et Magnus Lindberg (CULT OF LUNA, ABRAHAM, et surtout COILGUNS), a gardé sa trame de départ, et a brodé des thèmes sombres, contemplatifs, remplis de stridences, de poussées de colère, de nostalgie, mais aussi d’une tristesse sourde qui donne à plusieurs morceaux une couleur passée. La méthode est éprouvée, repose sur une liberté de ton, d’accents bruitistes, mais aussi de longues digressions d’une harmonie nostalgique ou irritée. On sent quelques influences notables, quoique après toutes ces œuvres enregistrées, le groupe sache très bien où il va, avec ses propres moyens. Avec la présence active de Magnus, la référence COILGUNS est bien sûr incontournable, mais la musique des Quimpérois est beaucoup moins heurtée que celle de ses homologues.

Il y a beaucoup de violence dans cet opus, mais elle-est la plupart du temps larvée, pas franchement ouverte, bruyante, mais pas assourdissante.

La production un peu cotonneuse confère aux titres une aura un peu distante, et se trouve parfaitement illustrée par le morceau « The Light Has A Voice », avec ce chant vraiment sous mixé, cette basse énorme qui fait trembler le feedback mesuré de la guitare, un peu comme si les MELVINS et UNSANE se trouvaient dans un état apathique dont ils ne parviennent pas à s’extraire.

 

Pas d’énormes différences entre Kind Words et les travaux antérieurs du quatuor, juste un perfectionnisme dans l’approximation, et des plans qui s’enchaînent de manière très fluide. Bien évidemment, parfois la machine s’emballe un peu, mais toujours en restant sous contrôle, et « Helena Markos » (la Mère des soupirs dans la trilogie des Trois Mères d’Argento) de propulser une rythmique tribale striée de riffs lacérés et de cris désespérés, qui vont à l’encontre des murmures qui s’échappaient de la bouche ridée du personnage évoqué. Mais là est la dualité de ce groupe qui joue avec les frontières de style. Crier pour mieux susurrer, bousculer pour passer sans se faire remarquer, violenter sans toucher…. 

Alors, que vous parliez de Post Hardcore, de Noise, de Post Noise ou de Metal Alternatif abrasif, peu importe. La musique s’exprime par elle-même au-delà des mots, et c’est comme ça que les CORBEAUX entendent leur cri. Il est complexe, évite les poncifs de la brutalité trop ouverte, mais dérange. Sur ces sept nouveaux morceaux, trois jouent la montre et écrasent les six minutes, sans jamais se répéter ou être trop complaisants.

Ils en posent d’ailleurs deux en ouverture de l’album, dont le bondissant « Corpse Pose », qui démarre sur les chapeaux de toms, et qui oppose la furie rythmique des UNSANE et la nonchalance des LIZARD. Duo basse/batterie en prédominance, guitare qui tisse des motifs harmoniques instables et presque maladifs, et chant qui recule d’un ton pour être à peine perçu et laisser respirer l’instrumental. 

« Old Tired Horse » au contraire laisse la gravité se présenter, avant de l’accompagner de quelques réminiscences Jazzy. Quelques arpèges sobres, un contretemps discret, et un crescendo qui trouve soudain son apogée dans une rupture provoquée, qui termine dans un chaos de bruit blanc assourdissant, comme si les MILK et les COILGUNS fonçaient droit dans le mur sans chercher à éviter leur trajectoire fatale. A contrario, le final « Twig » avoue sa franchise dès ses premières secondes, et rappelle la scène Noisy New-yorkaise, en fracassant sa rythmique sur un bloc de guitares pourtant fissuré. On alterne poussées suffocantes et libérations oxygénées, et on laisse quelques notes ramener un peu d’air dans cette ambiance moite et concentrée. Fin du quatrième épisode, qu’on trouvera sans doute un peu court, mais…fidèle. 

Fidèle à une démarche, à une envie, celle de ne rien faire comme les autres. Alors oui, les corbeaux sont des oiseaux très intelligents, et fidèles. Et pas du tout des symboles de mort ou de mauvais sort comme la culture anglo-saxonne aime encore à le faire croire.

Du côté de Quimper, on aime les voir s’envoler régulièrement. Ils sont annonciateurs d’une musique fertile, et d’une inspiration riche.

Et surtout, d’un peu de bonheur bruitiste certes, mais cathartique d’une certaine manière. D’une tristesse assumée. Mais qui paradoxalement, rend heureux.

 

 

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