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Metal and Oddities Reviews
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16 juin 2016

FRANK SABBATH - Telluric Wanderers

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Argonauta Records - Progressive Psychedelic Doom - France - 13 Juin 2016 - 6 titres – 52 minutes

« C'est en mars 2013, dans la contrée de Barbès Rochechouart, 18ème arrondissement de Paris, que se forme Frank Sabbath (originellement Jazz Sabbath). Basé sur un amour commun de Frank Zappa, le groupe se concentre originellement sur des jams enregistrées dans le centre névralgique des marabouts de la Ville-Lumière, avec Jude à la guitare, Janko à la basse et Batou au chant dérangé » 

Frank Zappa, Black Sabbath. Jusque-là, tout va bien, vous avez compris le principe du truc, même si le laïus introductif (piqué sur leur page Facebook évidemment) légèrement abscons et décalé avait pu vous perdre en route. 

Mais si ces quelques mots vous ont déjà embrouillés, alors que va-t’il se passer une fois que vous aurez tendu vos oreilles et neurones sur la musique de ces olibrius ? Le résultat risque d’être…spécial. Alors, fans de Zappa et de Iommi. C’est une combinaison intéressante, assez logique en termes de chronologie, moins en termes de styles.

Zappa, c’était l’uberproductif du dadaïsme chafouin, celui qui vénérait le Doo-Wap et Varèse, et qui enchaînait les cafés et les clopes lors de longues nuits de délires improvisés ou pas. Le SAB’ ? Un quatuor gauche, avec un guitariste handicapé des doigts, un chanteur handicapé des cordes vocales, mais heureusement une section rythmique au-dessus de tout soupçon. Les seventies dans toute leur splendeur/horreur, le Rock libre et affranchi, un peu contestataire et intelligent, et le Heavy Metal basique et épidermique pour adolescents malades du Flower-Power.

De quoi devenir Paranoïd.

 

Bref. Ils auraient pu s’appeler Jeff Zeppelin ou Eric Cactus, mais non, c’est bien FRANK SABBATH. Est-ce pour autant que le mélange des deux contre-cultures est efficient et patent ? Si l’on se fie à leurs exactions antérieures, dont leur principale sortie éponyme, la réponse n’est pas forcément facile à donner.

Et si l’on se fie au premier morceau de ce second LP, la réponse est immédiate, et négative. Le SAB’ est présent, évidemment, mais avec un pavé de plus de dix-huit minutes, je ne vois pas trop comment il aurait pu en être autrement.

Alors Doom, oui. Psychédélique, fatalement. Progressif, d’une certaine façon, bien que le monolithe «Subterranean » reste accroché à un riff quasi unique et à une longue ambiance statique. Chiant ? Même pas, envoutant plutôt, le son est gras, les amplis résonnent de gravité, et puis ce chant lointain, un peu FLOYD, j’aime assez. Mais vous savez tous que les qualités d’un album ne se mesurent pas avec ses prémices, mais bien sur sa globalité. Alors on envisage et on écoute.

 

Pour nous faire patienter, les trois potes (Jude Mas – guitare, chant, Guillaume Jankowski – basse et Baptiste Reig – batterie et chœurs) avait lancé en streaming le triptyque « Inner Doom / Outer Doom / Ducks on Drugs », qui plaçait déjà la barre très haute et la barrette bien compacte. Là, on se disait que le SAB’ n’était pas seulement un fantôme d’influence, mais bien une grosse référence, toutefois nuancée de quelques volutes du HAWKWIND le moins barré. Avec un chant goguenard, à la limite de la fausseté, des giclées de basse en coups de fouet, et une rythmique solide soutenant des soli stratosphériques, ce morceau en trois volets laissait présager d’un album plein et délié, et surtout, libre de rester collé à une éthique seventies, pas forcément passéiste pour autant. Ce qui, vous vous en rendrez compte assez vite, est très vrai. 

Son et prod’ vintage comme un fauteuil « La Fonda » sur lequel on ne s’assoit évidemment pas, écho, réverb’, delay…Tout est là, comme il y a plus de quarante ans, et ça fonctionne toujours.

 

Bon, les longs délires c’est cool, mais en version concentrée, ça donne quoi ? Le trio est comme les routiers, sympa, et nous offre quand même trois morceaux plus concis et brefs, mais pas moins délirants pour autant. « Terra Incognita », ce sont trois minutes et quelques de digression sur le thème de « Planet Caravan », avec ambiance stellaire, un peu invocatrice, mais plus introspective. Calme, apaisé, mais étrange…Comme un rêve agité de soubresauts de réalité inconsciente. 

« Interlude N10 », deux minutes et cinquante secondes, genre gros délire à la 60’s, guitare qui se noie dans son propre écho, basse ludique qui tourne en rond sur son manche, mélodie futile et enfantine, en gros, un break sympa et un peu rétro, qu’on savourera sans doute à plein régime en vinyle. On pense Zappa bien sûr, mais aussi Hank Marvin. Délicieux. 

« Flying Peacock » au contraire secoue les tignasses d’un groove imparable. Un lick de guitare que même Iommi n’aurait pas pu jouer aussi chaloupé, un peu GRAND FUNK d’ailleurs, ou même un croisement entre un Beck discipliné et un Page débridé. 

Saturation modeste pour déhanchement preste, un peu RUSH d’avant RUSH, et surtout, une atmosphère évolutive qui prend au bonnet et secoue le pompon. Solo à l’économie, et le trio se décorne enfin power pour nous expédier dans les étoiles d’une jam tout sauf complaisante.

 

Mais un groupe pareil ne s’accomplit qu’en prenant son temps et ses marques, alors il faut bien terminer sur un dessert conséquent. Il s’intitule « Doumedilalune – Noisnecsa », entame celtique et légèrement folklo, et offre une construction qui avance doucement, qui s’épaissit, pour finalement atteindre une sorte d’acmé tellurique dominée par les décibels qui prennent de plus en plus de place. Le tout monte comme une mayonnaise ou des blancs en neige, poudrée évidemment, mais reste libre, calme le jeu, le pique au vif, et prend des airs de bœuf de fin d’enregistrement, quand les bandes ne tournent toujours pas à vide. 

Certes, pas évident de voir du Zappa là-dedans. Il y a du Doom, c’est indéniable, mais traité librement, sans obligation de rester bouté sur un motif unique et pesant.

C’est en tout cas prenant, et tout sauf chiant. Bien construit mais pas trop préparé pour rester free, logique mais affranchi.

Allez, parlons juste de musique ressentie et ça ira comme ça. Du seventies d’aujourd’hui, mais sans le son irritant.

Un fragment de temps et d’espace. 

 

 

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