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Metal and Oddities Reviews
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9 juillet 2016

INTER ARMA - Paradise Gallows

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Relapse - Experimental Post Sludge - USA - 8 Juillet 2016 - 9 titres – 70 minutes

On le sait, en musique, il y a les meneurs et les suiveurs. Ceux qui créent des courants, et ceux qui les suivent. Et puis il y a ceux qui échappent à tout ça. Non par une réelle volonté de se démarquer, mais en prônant le naturel d’une personnalité à part. Il est en effet impossible d’affirmer que les Américains d’INTER ARMA ont “inventé” quelque chose. Ils ont, à l’instar des BEATLES, emprunté des éléments à droite et à gauche, des éléments disparates qui n’ont alarmé personne séparément, et les ont ensuite arrangé à leur sauce étrange, pour aboutir à une mixture assez poisseuse et compacte. Parfois dure à digérer, un peu roborative sans doute, mais riche et finalement, aux valeurs musicales nutritives incontestables.

Et depuis 2006, ils ont eu le temps d’affiner leur savoir-faire. Des démos pour se faire les mains, une poignée de EP, et puis deux albums, Sundown en 2010 et Sky Burial trois ans plus tard. Et ce sont encore trois années qui auront été indispensables pour accoucher du fameux « troisième LP », qui comme chacun le sait est l’étape de la célébration ou de l’abandon. 

Mais après avoir écouté Paradise Gallows, je pense qu’il est fort peu probable qu’on retrouve le quintette attaché à un arbre sur le bord de la route des vacances musicales d’été.

 

D’ailleurs, la route, ils la connaissent, enfin la leur, celle qu’ils suivent depuis leurs débuts. Ils n’en ont pas vraiment dévié en dix ans, mais ils ont appris à l’arpenter de la façon la plus biscornue et déviante possible. Après tout, on n’est pas toujours obligé de marcher droit dans la vie, spécialement lorsqu’on pratique un art consommé de la surprise instrumentale. De surprise, il n’y en a pas vraiment sur ce troisième longue durée. Le modus operandi est toujours le même, de longs passages progressifs lourds et compacts, des breaks tétanisant de brutalité, une dualité vocale assez effrayante dans le fond et la forme, et des idées, beaucoup d’idées imbriquées se complétant d’une logique presque imparable. Un son toujours aussi phénoménal et touffu, et puis…une certaine propension à faire durer les débats au-delà du raisonnable.

Nous avons encore droit à des pistes qui taquinent les onze minutes, pour une durée globale d’une heure dix, ce qui n’a rien d’étonnant. C’est la philosophie de ce groupe à part, qui aime les longues ambiances en forme de mantra traumatique, un peu comme les influences qui les guident, consciemment ou pas…

 

On parlera bien sûr pour la énième fois de NEUROSIS, en citant Through Silver In Blood, ou même Enemy of The Sun on parlera des MASTODON évidemment, mais aussi des MORBID ANGEL, période médiane, pour ces accès de rage Death contrôlés et pourtant outranciers. C’est ainsi, les références ne changent pas, mais ne situent pas pour autant avec exactitude la position des originaires de Richmond sur la carte de l’extrême. Influencés certes, mais pas phagocytés. D’ailleurs, si vous le permettez, je me permettrai de rajouter à cette liste de mentors potentiels le nom de TERRA TENEBROSA, tant le monde des Suédois se fond dans celui des Américains. Mêmes climats délétères et glauques, même emphase sur la violence sourde et sournoise, même gravité de fond. Et même sens de l’expérimentation souffreteuse, mais implacable.

 

Et d’ailleurs, tant que j’y suis, j’ai associé dans ma petite tête de chroniqueur pervers les affiliations NEUROSIS et TERRA TENEBROSA de concert, lorsque j’ai tendu l’oreille sur le pachydermique et maladif « Primordial Wound », sorte de postulat Post Doom définitif. Lenteur, lourdeur, oppression instrumentale, avec cette patine Black suggérée plus que développée, c’est un exemple assez typique de l’art d’INTER ARMA de cumuler les casquettes sans pour autant se déguiser d’oripeaux étrangers. Riff plombé et rythmique écrasée, chant sourd et cauchemardesque, arrangements stridents qui agacent, et puis ce leitmotiv qui ne dévie jamais d’un pouce, à contrario d’autres segments qui jouent plus volontiers la variété. 

« Nomini » commence d’ailleurs le voyage par une délicate guitare classique qui égrène de douces notes paisibles, avant de partir dans un délire Hard Rock vintage à la mélodie enchanteresse. Mais évidemment, « An Archer In The Emptiness » prend un malin plaisir à souiller la pureté ambiante à grands coups de blasts rageurs et d’interventions vocales qui finalement, se rapprochent du MORBID ANGEL le plus occulte, une fois célébré le départ de l’encombrant David Vincent. Riffs Death, rythmique qui impose sa créativité brutale, et idées qui s’enfilent sur le collier de la douleur instrumentale.

 

Mais si l’on devait trouver le point de jonction le plus équilibré entre INTER ARMA et le NEUROSIS des grandes années, alors il nous faudrait chercher du côté du morceau éponyme, qui ne fait pas grand cas de l’ombrage qu’il subit. Intro qui prend son temps pour développer l’ambiance recherchée, quelques notes éparses qui déchirent le faux silence ambiant, c’est une fois de plus une adaptation partagée des délires seventies, qui piochaient leurs idées autant dans le Doom naissant que dans le Southern Rock dégueulasse. La construction évolutive ne s’encombre même pas de gigognes et laisse dériver ses courants le long d’une inspiration monolithique mais plus riche qu’elle n’en a l’air, avec notamment ce splendide solo à la FLOYD qui se repaît d’un background lourd et suffocant. 

On se dit qu’après intervention si ambitieuse, les velléités créatives vont marquer une pause, mais c’est pourtant l’encore interminable « Violent Constellations » qui s’impose, et qui impose surtout une fois de plus un timing étiré.

Percussions tribales et incantatoires, guitare qui gronde au second plan, attendant le bon moment, jusqu’à cette soudaine cassure/accélération à la TOMBS qui rejette tout le monde violemment en arrière. Le quintette n’a plus dès lors qu’à broder sur ce thème, le laissant onduler, se plier pour mieux s’étirer, se lovant au creux d’un Post Black teinté d’Indus et de Sludge, tombant soudain dans le piège Doom/Stoner, avant de repartir de plus belle. 

Si les nuages sont noirs et planent bas, le désespoir n’en est pas pour autant maître. On sent en sous impression un désir d’insuffler un peu d’espoir dans ce magma sonore, même si les maigres harmonies l’incarnant restent rachitiques et tenues court en laisse. Les morceaux plus « brefs » ne font pas preuve de plus d’empathie, et continuent de creuser les tunnels sapant les fondations, à l’image de la pelleteuse « Transfiguration » qui ne cherche en aucun cas à rassurer de ses cris douloureux et de ses blasts tempétueux. 

Troisième album pour INTER ARMA qui comme son nom l’indique, a senti la période de conflits qui pèse sur nous. Troisième album, et autant de chapitres à l’histoire. Une histoire qui se densifie avec le temps, et qui laisse présager d’un épilogue lointain, mais pas franchement rassurant. Mais aussi, un nouvel épisode pour une saga écrite non par des suiveurs ou des leaders, mais par des auteurs à part, en marge. Impossible de ranger les ouvrages dans une catégorie bien définie, alors laissons Paradise Gallows sur la table, au cas où quelqu’un souhaiterait le feuilleter sans savoir à quoi s’attendre.   

 

Le choc risque d’être terrible, et violent.

 

 

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