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Metal and Oddities Reviews
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20 juillet 2016

XCIII - Enlighten

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Anesthetize - Progressive Atmospheric Metal - France - 26 Juin 2016 - 7 titres – 43 minutes

« Cet album est la quintessence de trois années de réflexion, tant sur la composition que sur le son. L'ensemble sonne moins moderne, et finalement plus authentique dans son caractère brut. Loin de XCIII de vouloir retrouver quelconque esprit Black Metal, celui-ci est certes présent, mais le travail sur le son découle plutôt d'une volonté d'une expression naïve, comme ont pu l'éprouver certains groupes des années 1970 qui en somme, ont découvert les avantages et les aléas des effets analogiques et plus tard, des effets numériques, et qui ont voulu exprimer l'impuissance catégorique vis-à-vis d'une société à la dérive » 

C’est Guillaume de XCIII qui s’exprime à propos du nouvel album de son projet/groupe/entité, Enlighten. Le genre de discours récurrent, que nombre de groupes nous ressortent à intervalles réguliers, et qui tient plus souvent de l’argument promotionnel que d’un réel ressenti, d’un fait ou d’une volonté propre. Et pourtant, dans le cas du duo Niçois, la vérité n’est pas en filigrane, à interpréter avec précaution, mais bien dans chaque mot déclaré.

Mais nous savions déjà que XCIII était un groupe à part, à part de tous les courants de pensée et d’expression. Et Enlighten le prouve définitivement.

 

XCIII, c’est une carrière née en 2009, qui a commencé pianissimo, avec un EP, Majestic Grief en 2010, puis un split en 2011 en compagnie d’ABYSS CEREBRUM. En 2013, leur premier longue durée, Like A Fiend In A Cloud sort, publié par Naturmacht Productions, et la surprise est totale. Le duo séduit de ses sonorités uniques, se nourrissant d’influences seventies tout en gardant prise avec son époque. On parle beaucoup de BM d’avant-garde, et pourtant, on sent que leur musique est bien plus riche qu’une vague expérimentation sur la violence sous-jacente. Et trois ans et un EP (Event Horizon) plus tard, en sept morceaux et quarante-trois minutes de musique, XCIII prouve ce que tout le monde savait déjà, qu’ils sont un cas très isolé de la scène française, et des électrons libres de la mouvance poétique underground Européenne.

 

Rien n’est facile d’accès dans leur musique, et pourtant tout fait simplement appel à vos sens. Il y a longtemps que l’on a renoncé à les classer, et là n’est pas l’important. L’important, c’est de les ressentir, de les comprendre d’une façon ou d’une autre, et surtout, d’admettre qu’ils ont réussi à survoler les époques musicales sans paraître décousus ou vagues. Les clefs vous sont données par Guillaume lui-même dans son laïus de présentation, mais il faudra bien sur les interpréter en écoutant les pistes d’Enlighten. Il y parle de BM, de musique analogique, de son moins moderne, de liberté à contraintes, de seventies…Tous les indices sont là, et en quelques minutes, vous remettrez vous-même les pièces du puzzle dans l’ordre. 

Une fois écouté l’introductif « Zeit(los) », tout devient plus clair à la lumière des propos du leader. Guitares acoustiques délicates, basse en spirale, chœurs désincarnés, on pourrait se croire en pleine montée libre de l’époque hippie, et les sonorités, la structure et la production nous rappellent les digressions sauvages d’ALPES, d’ATOLL, et toute cette vague française libre qui il y a plus de quarante ans expérimentait, pour produire des œuvres fascinantes et expiatrices.

Bien sûr, l’approche va changer au fur et à mesure, mais sur ce second album, XCIII gardera le cap sur cet affranchissement des carcans d’enregistrement moderne, proposera des arrangements décalés dans le temps et l’esprit, ce que confirme rapidement « The Frost », à la rythmique traînante et au clavier éthéré. Le chant se raccroche à la vilenie du Black, mais les cymbales sonnent vraies, la basse tinte et frappe, et la voix claire s’évade…Le voyage peut commencer, et mélange VOÏVOD à ALICE, dans un ballet de sons improbables et pourtant d’une logique imparable.

 

L’œil et l’oreille sont immédiatement attirés par le gros morceau du LP, « Pseudobezoar », et ses onze minutes de dédale à la Alice au pays des réveils sans aiguilles. Il est certain que ce long pamphlet poétique semble représenter le point de focalisation de l’album, puisque comme on le sait, le temps est souvent l’ennemi de la création, temps qui est ici détourné, déformé, et utilisé de biais. Si sur sa page Facebook, le groupe cite dans le désordre de la pensée AGALLOCH, ELEND, les SISTERS, JOY DIVISION, OPETH ou MASSIVE ATTACK, la diversité n’est pas qu’une façade, et bien d’autres noms d’horizons encore plus variés auraient pu compléter la liste. Le FLOYD de Barrett, MAGMA, ZOO pourquoi pas, et même MAYHEM… 

Pourquoi ces précisions ? Pour vous montrer que ce qui vous attend sur Enlighten est justement ce qui ne vous attend nulle part ailleurs.

 

Pour en revenir à ce morceau, on y trouve des plans rythmiques très précis, une charleston qui soigne son souffle, une basse à l’économie qui distille quelques notes tous sauf aléatoires, des mélodies oniriques, et une longue progression free, qui une fois de plus nous ramène à la glorieuse et aventureuse période des seventies. On peut à l’écoute penser à une jam ordonnée, à un cauchemar retranscrit en musique, ou un rêve selon le caractère…Un rêve dont « Tomorrow Knows », nous extirpe et qui prend le contrepied du « Tomorrow Never Knows » de Lennon, en introduisant un climat plus 80’s cette fois, un peu Dark Wave, un peu Gothic Rock, avec cet unisson entre la batterie et la basse, toujours avec parcimonie, mais qui permet de se souvenir du JOY, de CURE, et de la vague Synth Wave de 82/83. C’est dansant et moribond à la fois…Etonnant en tout cas.

 

En parlant de « Tomorrow Never Knows », « Banquet » en utilise justement la technique des bandes inversées, dans une intro étrange et envoutante…La quiétude bizarre fait soudain place à un déferlement de Rock électron libre, qui pioche sous plusieurs horizons ses panoramas, en restant pratiquement instrumental de bout en bout, à l’exception de quelques samples bien placés et d’interventions vocales aussi FLOYD que ZOMBIES. OPETH, KATATONIA, les exemples ne manquent pas, mais la patte New Wave est accentuée…  

Mais écoutez, en entier bien sûr, et essayez de vous immerger dans ce second épisode de la sage XCIII. Episode parfaitement analysé par ses créateurs, en quelques mots bien choisis.

 

« L'homme qui se perd dans les miasmes d'un monde postmoderne; qui cherche du sens dans un monde sans signification »

 

Le sens est peut-être là, dans ces chansons qui survolent discrètement des décennies de musique. 70’s, 80’s, 90’s, 00’s. Une musique viscérale, instinctive et pourtant réfléchie. Mais, et c’est là ce qui différencie le duo Français des autres, libre, définitivement.

Et la liberté, la vraie, de nos jours, est une valeur qu’il faut apprécier pleinement. Ce qui est aussi facile et ardu que de comprendra la démarche d’un groupe qui ne fait jamais rien comme les autres.

 

 

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