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Metal and Oddities Reviews
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23 juillet 2016

CAINA - Christ Clad in White Phosphorus

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Apocalyptic Witchcraft Recordings - Cinematic Black Noise - UK - 15 Juillet 2016 - 11 titres – 53 minutes

CAINA est un de ces projets BM qui traîne son inspiration dans l’underground depuis plus d’une dizaine d’années, mais que seuls quelques passionnés connaissent. D’abord localisé dans le Sussex, le projet a déménagé à Manchester, et s’est permis un petit break de quelques mois entre 2011 et fin 2012. Projet plus que groupe, le terme est choisi, et s’accorde très bien du leadership créatif de son géniteur, Andrew Curtis-Brignell. Ce dernier compose, et joue de la plupart des instruments (guitare, basse, batterie et chant), mais partage aussi ses vues avec des collaborateurs ponctuels, les derniers en date pour ce projet étant Laurence Taylor (chant depuis 2014) et Fraser Samson (basse en 2015).

Le parcours de CAINA a toujours été régulier, de même que ses productions. En douze ans d’existence, on ne trouve pas moins d’une trentaine d’occurrences se partageant entre démos, splits (avec KRIEG, PROCESS OF GUILT, WHITE MEDAL), simples, compilation, EP, et surtout, des albums studios que ce Christ Clad in White Phosphorus vient porter au nombre de sept.

 

D’un BM très raw, Andrew Curtis-Brignell est passé à ce qu’il appelle aujourd’hui un Cinematic Black Noise, ce qui peut paraître légèrement prétentieux dans l’appellation, et qui pourtant colle à merveille au chaos anti-musical qu’il développe. Il faut dire que son leitmotiv est une obsession, ne jamais stagner pour toujours aller de l’avant et proposer de nouvelles idées, en phase avec son état d’esprit du moment. Qui pourrait l’en blâmer à une époque où l’aseptisation est reine ?

Certainement ni moi ni ses fans, puisqu’à chaque sortie, l’homme déballe un joli lot d’idées qui s’intègrent à merveille à son parcours global. Christ Clad in White Phosphorus ne fait pas exception à cette règle, et pourrait même incarner l’aventure la plus ambitieuse de son concepteur.

 

Il n’est pas facile d’accès, autant vous prévenir. Ne vous attendez pas à un Post BM à la mode, contemplatif et introverti, mais plutôt à une variation sur le thème de l’anti-musicalité, sans pour autant tomber dans le Noise pur et dur. Certes, la musique est abrupte, sauvage, indomptable, mais elle répond à des structures logiques, parfois viscérales, qui se nourrissent des fantasmes artistiques d’Andrew. Ainsi, l’art d’Andrew se nourrit de Black bien sûr, mais aussi de Dark Gothic, d’Ambient, d’Indus, de Post-Noise, pour finalement parvenir à un équilibre terrifiant entre toutes ces composantes. Les guitares semblent rugir du fond des Hadès, et le duo vocal entre Curtis-Brignell et Taylor fonctionne à merveille dans un ballet schizophrénique assez effrayant.

Certaines pistes tentent même le coup du tempo médium soutenu par des accords accrocheurs, ce qui dans ce genre d’entreprise représente toujours un point de focalisation oxygénant. 

Dans la production pourtant pléthorique de CAINA, ce septième LP fait figure de diablotin dans un jeu de bibles. Si l’on reconnaît sans peine la patte de son auteur, il s’est délibérément affranchi des contraintes passées pour se tourner vers un avenir de plus en plus sombre, qui parfois flotte dans les limbes grotesques (c’est un compliment) d’un BM à tendance Indus redondant et frissonnant de l’échine (« God's Tongue as an Ashtray », sorte d’acte d’attrition commun entre KILLING JOKE et GNAW THEIR TONGUES), qui soudain se transforme en monstre Black hideux laissant des BPM affolés déborder sur la logique de composition (« Entartete Kunst », époustouflant de brutalité mâte et sans pitié).

 

En parcourant les rares review consacrées à cet album sur le net, vous risquez de tomber sur des comparaisons établies entre CAINA et ULVER, IGORRR, TAAKE, ou même PAIN. Sur le moment, vous risquez de trouver ça incongru, et pourtant les pistes ne sont pas si fausses que ça. En fait, le BM de CAINA est tellement libre et assoiffé d’influences différentes qu’il peut lui arriver de butiner différentes fleurs du mal pour en extirper le nectar le plus mortel. Sur Christ Clad in White Phosphorus, on passe sans transition d’une piste radicale et brève comme « Torture Geometry » qui pousse les théories grandiloquentes d’EMPEROR au paroxysme d’un TAAKE pas vraiment apaisé, à une longue suite progressive et évolutive dans le bruit telle que « Extraordinary Grace », qui termine sa course à douze minutes pile, en passant par des ambiances variées et des agressions toujours plus étranges et véhémentes.

Point d’orgue d’un LP qui ne contient pratiquement que ça, ce morceau est symptomatique de la versatilité d’un musicien qui refuse tout carcan, et qui se permet donc pendant de longues minutes de laisser la place à une instrumentation grouillant d’effets sonores sans tomber dans le Dark Ambient, mais en piétinant quand même ses plates-bandes. 

Cette expérimentation culminante ne l’empêche nullement d’emprunter des chemins de traverses plus pragmatiques, et de fricoter avec un mid tempo terriblement addictif, sorte de version personnelle des « hits » de Peter Tägtgren, qu’il inverse à mi-parcours d’un reflet BM très difforme (« Gazing on the Quantum Megalith »), ou de collaborer avec le fantasque Dwid Hellion du cabaret horrifique VERMAPYRE, pour un morceau à l’ambiance grouillante qui pourrait servir de BO démoniaque (« The Throat Of The World », LUSTMORD, COIL, etc…).

 

D’ailleurs, le dernier tiers de l’album se veut plus volontiers expérimental, et rejette les guitares au second plan pour expérimenter au niveau des monochromes instrumentaux, avec un « Pillars of Salt » incarné conjointement avec Warren Schoenbright et basé sur un gros travail de percussions, tandis que le tétanisant « The Promise Of Youth » ne dégage aucun repère auquel s’accrocher dans son déversement de bile BM noir comme un sabbat qui se termine très mal. 

Christ Clad in White Phosphorus est, admettons-le, un des travaux les plus difficiles d’approche de toute la carrière de CAINA.

Il s’agit de Black évidemment, mais d’un Black qui s’arrange avec l’extérieur pour refléter une image du monde vraiment fidèle et donc repoussante. Un Black qui ne rechigne pas à s’accoupler avec le Dark Ambient et l’Industriel vraiment harsh pour repousser les limites de la laideur, et finalement, permettre à Andrew Curtis-Brignell de franchir un palier supplémentaire dans son escalade de l’horreur bruitiste.

Le monde est ainsi fait, et je reste admiratif de la volonté de ce musicien de ne jamais se répéter. Au risque de s’aliéner de plus en plus de fans potentiels.

 

La liberté à un prix après tout. 

 

 

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