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Metal and Oddities Reviews
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3 septembre 2016

OCTOPUS KRAFT - Крізь Тисячі Лісів

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Post-Metal Progressif - Ukraine - 8 Août 2016 - 9 titres – 62 minutes

« Réveille-toi, tu as assez vécu dans tes rêves. C’est ton matin, le commencement d’une nouvelle vie. Tu devras faire face à la douleur et à la perte, laisser ton passé derrière toi, te retrouver et terminer cette route en paix. Aller te coucher sans avoir peur de mourir ni de te réveiller encore. Toute notre vie est régie par des pensées inutiles, des instructions, un nombre incalculable de désirs imposés et de limites artificielles. Le passé, qui est toujours réchauffé par les souvenirs, une fausse interprétation des évènements, des idéaux biaisés, la création de cultes, tout ceci n’est qu’un bosquet que nous traversons en aveugle sans guide. Ce sont les forêts sombres, que nous devons traverser.

Traverser une centaine de forêts, un chemin duquel nous sortirons enfin libres. » 

Voilà peu ou prou le concept de Крізь Тисячі Лісів, que l’on traduira littéralement par Au travers d’une centaine de forêtsC’est une façon d’envisager l’existence assez poétique mais concrète en même temps, et surtout, un album très étrange, qui lui-même se situe à la lisière de bien des bois bizarres. Il est l’œuvre d’un quatuor qui nous vient d’Ukraine, de Drogobych plus exactement, un quatuor qui sait ce qu’il veut, musicalement et thématiquement parlant, et qui le démontre en neuf morceaux vous offrant plus d’une heure de narration agitée.

Agitée de lumière, de ténèbres, d’images pieuses ou non, d’éclairs de lucidité, de colère, en gros, tout ce qui constitue les bases de la musique dite « Post », préfixe que je déteste pourtant au plus haut point.

 

Mais il faut bien commencer quelque part…Et je l’avoue, lorsque j’ai porté mon attention sur ce LP, j’ai été relativement effrayé par l’ampleur de la tâche. Car Through A Thousand Woods n’est pas facile à aborder, encore moins à traiter, dix fois plus à décortiquer. Il est extrêmement riche, dense, complexe et simple à la fois, beau et laid en même temps. Il fait appel à des émotions primales et secondaires, à un sens aigu de l’ouverture musicale, et à une curiosité de fond et de surface pointue.

Les OCTOPUS KRAFT multiplient les références. Ceux sont eux qui parlent de Post-Metal, mais aussi de Sludge, et de Metal tout court pour définir les contours de leur musique, et ils ont totalement raison. Mais ils sont aussi très humbles dans leur situation, puisque leurs chansons sont aussi empruntes de Progressif, de Post BM, d’Alternatif, et même par instants brefs de Mathcore lourd et épais. Vous le voyez, le débat est ouvert, et sujet à diverses interprétations…

Et si on le laissait tomber d’office pour se concentrer sur la musique ? 

Nous sommes en phase, merci.

 

Neuf morceaux donc, dont quatre de durée relativement étendue, pour des digressions sur l’existence, la vie, la mort, la réalité qui s’illustrent dans un format pesant, ne négligeant pas pour autant une forme larvée de mélodie que l’on sent en arrière-plan. C’est certes du Post – ce-que-vous-voulez, pour cette façon d’aborder le Métal d’une façon libre, un peu comme si les TOOL et les MASTODON échangeaient leurs vues sur la vie d’une façon très philosophique, sans pour autant tomber dans l’élitisme. Je serais bien à mal de vous entretenir des paroles qui sont hurlées ou susurrées dans un Ukrainien natal, mais le groupe a quand même eu la gentillesse d’en traduire les intitulés sur son Bandcamp…

Régénération, cultes, poussière céleste, sommeil, réveil, forêts sombres, haine, les sentiments évoqués en préambule sont tous traités en musique, et chacun bénéficie d’une adaptation parfaite.

 

Ainsi, le (très) long « Ненависний » (« Hateable » en VA) à titre d’exemple commence dans un tonnerre de percussions tribales, catapultées par des riffs qui s’entremêlent dans une pseudo confusion pourtant assez claire, avant de laisser les stridences et autres dissonances s’exprimer de fait. Puis la pesanteur reprend ses droits, avant que le quatuor ne dérive vers un break harmonique et contemplatif relativement apaisant. Voix purement Death, arythmie excentrée, gravité des guitares et de la basse qui tourne et s’enroule autour du pattern de batterie, c’est une perte de repères totale qui finit par se fixer sur quelques notes éparses et très éthérées…Une sorte de version incroyablement décélérée de MESHUGGAH, qui finit par se lover au creux d’un panorama à la THE OCEAN, avant de reprendre sa route, pour achever son rite initiatique. 

Le pénultième titre, « Небесний пил » (« Celestial Dust ») lui préfère se concentrer sur des motifs Sludgecore vraiment maladifs, avec une guitare qui semble de plus en plus sombrer dans un coma émotionnel…Mais sur onze minutes, le groupe prend le parti de la progression, et développe son mantra de façon obsessionnelle, en se perdant dans des plans à la NEUROSIS (le trip rythmique central aurait très bien pu figurer sur Through Silver In Blood), avant de se laisser guider par la lumière aveuglante d’arpèges immaculés. « Культ » (« Cult ») flirte aussi avec la dizaine de minutes, mais laisse une très longue intro planter le décor, avant de repartir sur les chemins Sludge embourbés de regrets. C’est peut-être un des morceaux les plus linéaires du lot, qui se termine même dans un traumatisme Doom vraiment ténébreux… 

En tant que concept solide, l’album est bien sûr bâti sur une logique narrative, et introduit par un réveil (« Пробудись / Wake Up »), et une plongée dans le sommeil (« Засинай / Fall Asleep »). Si la première étape est plutôt Ambient, la dérive nocturne finale pourrait presque faire pâlir d’envie une association contre nature entre NEUROSIS (encore) et TERRA TENEBROSA, avec son motif central qui touche de près au Drone le plus grave…

 

Inutile de plus rentrer dans les détails, puisque Крізь Тисячі Лісів est un cheminement personnel, presque une introspection que tout un chacun doit effectuer. Vous avez tout à fait le droit de ne pas vouloir ouvrir ou fermer vos yeux, mais il serait vraiment dommage de ne pas garder vos oreilles en éveil. Cet album d’OCTOPUS KRAFT est une perle rare, un îlot de vérité perdu dans un océan de faux-semblants, et surtout, une autre vision d’un Post-Metal à forte tendance Sludge qu’on pensait éculé depuis quelques années. Mais les Ukrainiens ont évité les récifs de la redite et des poncifs, et dérivent à vue sur leur mer de conscience. Montez avec eux, et laissez-vous porter. 

Il n’est jamais inutile de faire face à ses propres démons. Qui sont souvent ceux d’autrui aussi…

 

 

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