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Metal and Oddities Reviews
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4 septembre 2016

AN AUTUMN FOR CRIPPLED CHILDREN - Eternal

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Wickerman Recordings - Post BM - Pays-Bas - 26 Août 2016 - 10 titres – 44 minutes

Aujourd’hui c’est la rentrée, pour tous les enfants ayant la chance d’être scolarisés. Pour les autres, c’est justement un jour comme les autres. Parents, emmenez vos enfants au portail de l’école, regardez les entrer avec le sourire, se retournant à peine vers vous, ou au contraire courant dans votre direction en hurlant leur peur. Observez, pleurez avec eux peut-être, ou soyez fiers de les voir grandir, même un peu trop vite. Savourez cette chance, savourez cet accès à l’éducation de vos bambins en pleine santé. Et les autres, ceux qui restent cloîtrés chez eux, ceux qui se réveillent dans une rue la faim au ventre, ceux qui ne savent pas si demain existera, continuez de rêver à un possible mais chimérique autre lendemain… 

Et si nous mélangions le rêve à la réalité ? Si nous opposions le temps d’un laïus la cruauté d’un monde qui appauvrit ses enfants et les rend malades, et la richesse d’une éducation de pays développés qui fait s’user les shorts, les pantalons et les jupes sur les bancs des salles de classe ? Que pourrait donner cette juxtaposition si nous l’illustrions en musique ? D’un côté, la lumière d’une voie de vie qui s’ouvre, de l’autre les ténèbres de nuits sans fin la faim et la peur au ventre. Une route, une impasse, mais dans les deux cas, un seul résultat. Une enfance qui va devoir bientôt assumer l’héritage d’un monde laissé par une génération qui n’aura pas su inverser le cours de choses… 

AN AUTUMN FOR CRIPPLED CHILDREN. Souvenez-vous, je vous avais parlé d’eux à l’occasion de la sortie de leur troisième album, Only The Ocean Knows. J’en avais dit le plus grand bien, estomaqué par la liberté créative des Hollandais, qui permettaient enfin au Post BM de sortir de son carcan et de devenir plus expressif qu’une moyenne d’arpèges jetés en pâture. J’avais même eu cette phrase qui semblait résumer leur philosophie, du moins selon mon point de vue.

 

« Mais la magie de ce trio, c’est leur façon de travailler la mélodie, de la distordre, de l’enrichir, et de ne pas se contenter des sempiternels arpèges d’usage. De ne pas utiliser le son clair comme une fin en soi, mais comme un moyen de susciter des émotions. »

 

C’était il y a quatre ans, longtemps ou pas, mais cette analyse somme toute assez simple est toujours d’actualité. Entre temps, le trio (MCHL: guitare, chant, claviers, TD: basse, claviers et CHR: batterie) a publié deux nouveaux LP (Try To Not Destroy Everything You Love en 2013 et The Long Goodbye en 2015), n’a pas vraiment mis de frein à sa productivité, et pourtant ne montre aucun signe d’épuisement global sur Eternal. Leur musique s’est enrichie, solidifiée, et pourtant, elle semble plus libre qu’avant, mais tout aussi compacte. Il est assez difficile de parler de Post Black à leur encontre, tant leur bande sonore instrumentale est très éloignée des turpitudes d’un genre trop abrasif pour accepter la mélodie.

Et la mélodie pour les AAFCC est trop importante pour être sacrifiée. D’ailleurs, sur ce sixième album, elle est plus présente que jamais.

Try Not to Destroy Everything You Love avait emballé, mais The Long Goodbye avait divisé. Qu’en sera-t-il dans le cas de ce dernier né ? Apportera il aux bataves l’éternité d’une gloire à ne pas partager ? Il est fort probable que leur fanbase s’en réjouira, mais pas évident qu’il leur procure de nouveaux adeptes. La recette n’a pas changé, mais elle s’est affinée, et la tonalité globale, très nostalgique, pourra éprouver. On sent un véritable effort de cohésion qui pourra passer pour de la prétention pour certains, ou pour des automatisations superflues pour les autres.

Mais pour connaître le groupe un peu plus que la moyenne, je me permettrai de dire qu’Eternal fait sans doute partie de leurs meilleures réalisations.

 

Pour avoir une image sonore fidèle, imaginez des textures, des couches. Des strates de mélodies qui s’empilent, se croisent, se fondent, le long de guitares évolutives et serpentines, d’accords plaqués et d’arpèges égrenés. Collez sur le tout une voix sépulcrale, au bord de l’agonie, qui distille un discours de haine, de colère et d’amour d’intonations rauques et fabuleusement Black. Laissez la rythmique libre, permettez lui quelques expérimentations percussives étranges, et autorisez lui de nombreux faux silences, pour laisser de l’air aux harmonies qui s’envolent vers un ailleurs qu’on dessine assez mal. Un ailleurs aussi sombre que lumineux, comme un avenir que personne ne connaît vraiment. Sur les dix morceaux de ce sixième LP, il n’y a pas grand-chose à jeter, presque rien d’ailleurs. Toutes les notes, toutes les inflexions sont d’importance, même si après quelques écoutes, certains segments se détachent plus que d’autres. 

Instinctivement, je me dirigerai vers le fantomatique « You Have Been In The Shadows For So Long », pour ces parties de clavier désincarnées, pour ce pari d’une mélodie tournoyante qui vous hante, pour ce chant qui s’efface petit à petit, au point de tomber dans le silence. D’un autre côté, son complément « Days Of Sleep » me paraît indissociable, avec sa lenteur processionnelle, un peu comme un PARADISE LOST des jours perdu qui chercherait en vain sa rédemption.

Impossible d’occulter l’ouverture grandiloquente et fascinante de « Eternal Youth », qui découvre la fontaine de jouvence du Post BM au travers d’un chemin de biais. Guitare qui pousse la voix à se dépasser, évolution du thème qui grandit au point de côtoyer les cimes de la tour de Babel de la déconstruction extrême, c’est une entrée en matière emphatique qui se perd dans des brisures et des cassures apaisantes, et qui fait preuve d’autant de grandiloquence que d’empathie. 

Et si le final « Matters Of The Heat » résume à la perfection la démarche de nouveaux pas en avant, il le fait avec une violence rare et une rythmique qui une fois de plus tente des choses que d’autres ne comprendrait que par demi-mots.

Mais regardez cette pochette, observez ce tournesol monochrome qui se plie d’avoir trop cherché la lumière. Vous y verrez une métaphore intéressante sur la musique des AN AUTUMN FOR CRIPPLED CHILDREN. Savoir que l’espoir et la vie sont là, et pourtant, se plier sous le poids de l’inéluctable. Alors oui, bonne rentrée les enfants. Il est possible que cette année vous révèle votre futur, ou qu’elle fige votre présent. 

Mais le bout du chemin est proche, quoiqu’il arrive. Pour tout le monde. Et malgré ce qu’affirment les Hollandais, rien n’est éternel.

Même pas la tristesse.

 

 

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