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Metal and Oddities Reviews

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5 janvier 2017

KOZH DALL DIVISION - Kozh Dall Division

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 Modern Thrash/Multi Extreme Metal - France - 3 Février 2017 - 14 titres – 64 minutes

Il est toujours étrange de chroniquer l’album d’un groupe qui n’en est pas un. Car ne nous méprenons pas, KOZH DALL DIVISION est plus un projet communautaire qu’autre chose, même si le résultat des expériences menées a découlé sur un album très concret que j’ai la chance de vous présenter aujourd’hui. Car c’est en effet une chance de pouvoir parler d’un tel album qui résulte d’une long processus de création et de passion, mené de main de maître par un trio d’inspiration qui n’a pas fait les choses à moitié, loin s’en faut.

Plus directement, KOZH DALL DIVISION n’est rien d’autre que le bébé de trois figures du Metal français. On retrouve à la genèse de cette aventure Vince, fameux chroniqueur de webzine et donc confrère, à l’écriture des textes et l’agencement des chœurs, Laurent Plainchamp (ARTSONIC, KRISTENDOM et NO RETURN) à la guitare et au chant, ainsi que Chris de GRAZED à la basse. Si la structure de base n’a rien d’original, le cœur du concept l’est beaucoup plus. Loin de former un trio classique, les trois hommes ont conçu leur projet comme une sorte de who’s who du Metal français, en, invitant une kyrielle de musiciens à y participer, ce qui nous donne un festival de featurings prestigieux résumant quelques décennies de Metal hexagonal de la façon la plus éclatante et brillante qui soit.

 

Bottin du Metal certes, mais agencé, et surtout, expurgé de toute entrée inutile, puisque sur les quatorze titres proposés, il n’y a absolument rien à jeter. L’orientation globale de l’œuvre est résolument violente, et oscille entre Heavy vraiment teigneux, Thrash fumeux et Death poisseux, le tout accommodé à la sauce moderne pour ne pas perdre pied avec la réalité.

Mais qui sont donc tous ces fabuleux vocalistes et instrumentistes ayant participé à la cette croisière de l’extrême ? Ils sont en nombre, mais aussi en qualité, et tout au long de l’écoute de ce premier LP éponyme, vous aurez la joie de retrouver les gosiers et instruments de Laurent Plainchamp évidemment, mais aussi de Crass de CRUSHER, les membres d’ADX, mon cher ami Tanguy de T.H.I.N.K et NO RETURN, Max de MERCYLESS, le trublion Arno Strobl des CIC et autres annexes mal rangées, Fab et Ludo de SUP, et même Eric Forrest de VOIVOD, ce qui en dit long sur les ambitions du projet en question. 

Mais si le concept est résolument novateur dans le fond et efficace dans la forme, il convient de mettre les choses au point dès le départ en mettant les bonnes croches sur la portée. Si les participations externes représentent évidemment le point de focalisation de ce premier effort, il ne faut surtout pas les réduire à un gimmick. Nous n’assistons pas ici à une simple réunion de potes autour d’un pack de bières ou d’un feu de cheminée, ou à une tentative de soudoiement par l’accumulation de cartes d’identités musicales fameuses. Car l’équipe créative ne s’est pas contenté de brosser quelques portraits approximatifs en forme de cadres photoshop musicaux dans lequel quelques faciès célèbres sont venus s’insérer, mais ont bien composé des morceaux très solides, qui s’inspirent de divers courants du Metal moderne. Ce qui assure donc à l’ensemble une réelle diversité, qui ne nuit aucunement à l’homogénéité globale agressive et enlevée. 

Ainsi, il est tout à fait possible de passer d’un Heavy Metal torride et flamboyant à un Death féroce et dévorant, en enjambant des morceaux comme « 13-11-2015 » en compagnie des ADX, pour poser le pied sur un dévastateur « Devoted To Evil », hurlé d’une voix de démon par un Max Otero au sommet de sa forme John Tardy. A vous ensuite de faire votre marché des décibels en choisissant le titres qui correspondent le mieux à votre univers Metal, mais je peux vous assurer en connaissance de cause que l’éventail est large, et les produits proposés de qualité.

S’il est assez logique de se sentir plus concerné en tant que fan d’extrême assumé, Kozh Dall Division n’est en pas pour autant dénué de nuances, certes parfois infimes, mais qui permettent de dénicher de petites pépites décalées comme ce « The Night », entonné d’une voix de noctambule vicieux par notre cher Arno Strobl barbu et fleuri, à la croisée des chemins sombres de FAITH NO MORE et de NOTRE DAME. 

De son côté, Tanguy des T.H.I.N.K se lâche velu sur un bref et tendu « A Qui La Faute ? » qui cavale d’un DISCHARGE bien Crust teinté de Hardcore preste, dans la plus droite lignée de toutes ses participations passées de vocaliste versatile au verbe acide, qui endosse ici la peau d’un conteur Core agreste qui justement ne s’en laisse pas conter…

Max des MERCYLESS offre une caution d’ultraviolence savoureuse, et les deux morceaux qu’il honore de ses prestations caverneuses, « Devoted To Evil » et « Sanctification » sont justement des allégories qui doivent autant à Platon qu’à son groupe d’horizon, naviguant entre Brutal Death de tradition et Néo Death sans concessions. On pense évidemment à OBITUARY, mais aussi à AT THE GATES, en gros, à un survol du panorama Death des 90’s, adapté aux exigences modernes. 

Et alors que Fab et Ludo se font plaisir sur un très épique « Amanda », qui en dix minutes passe par une multitude de climats délétères, rappelant les SUP, OPETH, PARADISE LOST et autres CREMATORY, les ADX nous offrent un beau cadeau de Heavy épique qui arrache grave sans trahir leurs convictions éternelles. Et comme notre mémoire l’est à leur égard, nous applaudissons cette démonstration de Power Metal aussi puissant qu’abordable mélodiquement, avec ses guitares à la tierce et sa basse fière, qui nous font voyager dans le temps et ravivent notre passion d’antan. 

Ce patchwork nous offre aussi de jolies surprises, comme le retour au micro après vingt-deux ans d’éloignement de Philtor, premier chanteur des NO RETURN, qui prouve que le temps n’a en rien altéré sa véhémence vocale. Deux occurrences pour ce comeback sans errance, « Squads of Despair » et son Thrash à relents Death plein de flair qui nous ramène justement à l’époque de Psychological Torment, mais aussi « From Dust and Ashes », dans la même lignée, quoique subtilement plus véhément. Crass des CRUSHER s’offre un « Your Life » symptomatique de son crédo radical, et pousse quelques grognements bien vilains sur fond de Death US très malin, tandis que notre ami Canadien Eric Forrest profite de la clôture pour imposer son très VOIVODIEN « Tormented », qui bifurque de coups de sang rythmiques en passages atmosphériques inquiétants et ludiques. 

Pour finir ou commencer d’ailleurs c’est un des mentors, Laurent Plainchamp qui nous propose deux virées en sa compagnie, le terrible et étouffant « Visions D’Horreur », disponible en vidéo et suintant de Thrash Death rapide et fumant, et cette question en suspens, « Pourquoi ? », qui y répond d’un Metal extrême inspiré et flagrant. 

C’est un beau roman, c’est une belle histoire ? Je ne sais pas si KOZH DALL DIVISION est une romance d’aujourd’hui, mais c’est surtout une très jolie leçon de confiance et d’amitié, qui débouche sur un album extrêmement travaillé, au spectre musical aussi étendu que resserré. Un vrai plaisir de retrouver des musiciens impliqués et passionnés, dont la foi et la sincérité ne sauraient être remises en doute en cours de route. Puzzle séduisant, chemin en énigmes fascinant, ce premier album à l’artwork sublime en appelle évidemment un autre qui est déjà en gestation.          

La rumeur qui aime définir le monde du Metal Français comme un nid de vipères où les coups de crocs volent bas et où le venin coule sur les bras tatoués en est pour ses frais, et cette leçon d’amitié est là pour le prouver. Et au royaume des sourds, le vieil aveugle est roi.         

 

 

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12 décembre 2016

POSTE 942 - Extended Play²

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Beer Bear Boar Prod - Hard Rock Viril - France - 15 Juin 2016 - 3 titres – 9 minutes

Bon, la dernière fois, le mec rechargeait sa pétoire, rien à dire. Mais cette fois-ci, il me la pointe en pleine gueule. Et la prochaine fois, je dois m’attendre à quoi les gars, un bon coup de chevrotine dans le cul ? Non, puisque ça c’est déjà fait, et deux fois en plus. Je commence à avoir le séant en feu, mais ça c’est normal, et vous l’avez plutôt brûlé à grands coups de riffs cramés et de Rock bien burné. Les POSTE 942, on les connaît depuis plusieurs années déjà, depuis au moins octobre 2014, le mois et l’année de sortie de leur premier EP, Extended PlayOn y avait découvert un groupe solide du pays Varois, puisque les originaires de Tourves nous avaient fait l’honneur de présentations monochromes en cinq chapitres, que je m’étais empressé de louer dans une chronique précédente. 

Nous retrouvons donc les lascars en pleine forme (pour rappel, Seb – guitare de gauche, Jay – guitare de droite, l’autre Seb – chant, Ludo – basse et Nico – batterie), pour ce deuxième round du Rodéo Rock auquel ils ont eu la gentillesse de nous convier. Alors, Extended Play au carré ? C’est bien ça la promesse affichée sur cette pochette au graphisme assumé ? Au carré, donc le premier EP multiplié par lui-même ? Pas de fausses promesses les mecs, vous savez où ça entraîne…Et d’ailleurs, ce fameux « 49.3 » dont vous parlez en ouverture en est une brûlante illustration…En citant l’article chéri de Manuel V., présidentiable potentiel depuis peu, vous mettez le feu aux poudres, dont celle de vos canons, pour une entrée en matière tonitruante à base de guitares faussement Stoner mais réellement abrasives, et d’un rythme pataud qui accélère vite le tempo pour un refrain qui rentre dans la peau.

Ok, nous voilà rassuré sur votre état de santé musical, mais quand même…Pour un EP exposant lui-même, trois morceaux pour à peine dix minutes, vous ne vous êtes pas foulés…la créativité !

Heureusement que je sais de source sûre que vous nous préparez un LP complet, sinon, j’aurais pu vous en vouloir velu.

 

Mais trois morceaux, c’est parfait s’ils sont costauds. Ce qu’ils sont à n’en point douter, toujours en confluence de plusieurs courants, à cheval sur un Heavy Rock teigneux et un Stoner baveux, le tout joué avec une énergie belliqueuse. Les arrangements sont fameux, mais ne dissimulent pas une vraie recherche de fond, comme le démontre le très groovy et gluant « Devil’s Complaint », qui ose un riff à la ZEP sur fond de basse chaloupée et sexuée. Les voix font le reste du boulot dans un échange permanent de propos, et ce morceau se hisse en vrai « hit » du EP, restant accroché à la mémoire comme le tatouage de hanche d’une fille bien galbée. Vous n’avez rien perdu de votre naturel, vous n’avez pas oublié votre talent en route, et de l’instrumental pour gagner sa croute jusqu’au chant pour y croire coûte que coûte, tout est parfait, et renifle le sang, le stupre, la poudre et la luxure de ceux qui jouent et ne font pas semblant. 

Le règlement de comptes se solde sur un « Opium For The Masses » qui agit comme un dogme religieux, excepté que votre chapelle n’attire que des curieux et des amoureux d’une musique virile, mais plus fine qu’un tas de gros sel déposé par mégarde sur la table de la cuisine. Une fois encore, les riffs se la jouent à mort, mais avec de telles cartes en main et un tel art de la syncope malin, comment ne pas flamber du soir au matin ? Un lick mythique, une rythmique qui pique, et un solo qui n’en fait pas trop pour un peu moins de trois minutes de boogie typique, cymbales qui martèlent et chœurs qui harcèlent, un genre de KYUSS meets BLACK SABBATH, pour une bonne rasade de Rock d’enfer, et une conclusion qui nous laisse quand même avec un goût amer… 

Du rab’, non ? 

Non. Trois morceaux et puis s’en vont. Mais en attendant un album longue durée qui ne saurait tarder, je vous conseille d’avaler cet EP cul sec, sous peine de vous prendre un peu de plomb dans l’aile de la part du monsieur qui vous pointe en pleine gueule le canon de sa belle.  

Les POSTE 942 continuent d’avancer, avec assurance et maturité, et cet Extended Play ² l’est en effet, tout en proposant un joli festival de Rock Heavy et salé, strié de guitares envenimées mais ranimées, et de groove plombé mais qui laisse planer.

 

Allez les mecs, au boulot. Et ne revenez pas avec moins d’une dizaine de brûlots.

 

 

 

7 octobre 2016

CREATURES - Le Noir Village

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Antiq Records - Horror Black Metal - France - 25 Octobre 2016 - 6 titres – 60 minutes

En BM comme pour n’importe quel autre style, j’aime les groupes/musiciens qui osent, qui proposent, et qui disposent. Qui disposent de nouvelles idées, mises en pratique avec les moyens de leurs ambitions. Que ces moyens soient modestes, que les idées soient concrétisées avec deux bouts de ficelle, peu m’importe. J’aime être bousculé et entraîné dans un monde parallèle qui diffère de la réalité. Dès lors, mes sens sont stimulés, mon imagination se met en marche, et je voyage intérieurement, aux confins de l’art. J’ai toujours détesté ceux qui se contentent de recycler, de suivre, de regarder les pas laissés dans le sable de l’histoire par ceux qui les ont précédés.

J’aime donc CREATURES. Les créatures bien sûr, celles de la nuit, celles de l’étrange, mais aussi celles de chez nous, France, pays, de plus en plus ouvert au champ des possibles, en BM, comme dans n’importe quel autre style, en admettant quand même que celui-ci reste le plus ouvert au métissage.

 

CREATURES, c’est un fantasme, et plus concrètement, un one man band à la base qui a su s’entourer des bons collaborateurs, et qui a su imaginer un autre monde. Crée en 2009 par Sparda (HANTERNOZ), ce projet s’est dès le départ placé sous des auspices décalés, et a choisi la maturation d’un style par adjonction d’instrumentation atypique, en utilisant des sonorités incongrues pour le genre, thérémine, orgue, piano, trompette, violon…Mais rien n’est incongru lorsque le résultat est riche et fertile, et après sept années de réflexion, le groupe/concept/aventure solo trouve aujourd’hui un aboutissement de longue durée qui concrétise enfin sa vision d’une musique riche et complexe, aussi inspirée par la littérature fantastique que par des artistes comme NOTRE DAME, DEATH SS, KING DIAMOND ou TARTAROS, la liste étant bien loin d’être exhaustive. 

Mais servez-vous de ces noms comme références de bases, presque comme des tonalités de noir et blanc, rien de plus. La musique de CREATURES se situe en effet très, très loin des aspirations métalliques de base de ces exemples, et se veut beaucoup plus riche et fouillée. Si tant d’années ont séparé la première démo du premier LP, la raison est simple. Sparda a laissé le temps faire son œuvre pour guider son inspiration, qu’il a laissée dériver le long d’un BM très ouvert, très ambitieux, et pour le moins surprenant. Pour élaborer cet album, il a tout composé, tout écrit, tout construit, mais a su choisir les bons partenaires pour enrichir son apport initial. On retrouve ainsi de nombreux featuring sur Le Noir Village, de Simon Hervé qui a illustré le conte de ses peintures et « construit » le village, aux acteurs des rôles principaux ou secondaires (Hyvermor (HANTERNOZ) : interprétation de Grimoald, Lazareth (ORDO BLASPHEMUS) : interprétation de l'Ange, Oz (ELECTRIC AGE) : interprétation du Vampire, etc…) en passant par l’adjonction de musiciens extérieurs (Cam.L : violoncelle, Ehrryk (GOTHOLOCAUST) : batterie, LeksyK : violon), ce qui ne fait que donner une dimension « symphonique » supplémentaire à une œuvre qui déjà extrêmement riche à la base.

En résulte un très bel objet, bientôt disponible en version digipack « deluxe », agrémenté d’un livret de 16 pages richement illustré.

Mais au-delà de ces considérations techniques, quelle est la portée de la musique proposée ? Cette portée est maximale, sensorielle, et surtout, incroyablement à part sur la scène BM Française, et même internationale. L’auteur/compositeur a travaillé chaque aspect de son histoire pour la rendre crédible musicalement, pour embarquer l’auditeur dans son délire, et le confronter aux personnages et à leur destin. Plus prosaïquement, il est assez difficile d’affilier CREATURES au BM de plain-pied, tant il s’en éloigne à de multiples reprises, échappant de fait à tout label trop contraignant. 

Si l’ouverture épique de l’homérique « L'Horreur des Lunes Pleines » laisse à penser que le Metal sombre est décidemment l’essence essentielle du projet, « Cadavre Abandonné » renonce vite à toute pureté de ton pour s’offrir des modulations et modérations libres. Contrairement à beaucoup d’autres groupes qui se contentent d’assembler des chansons tout en les reliant d’un thème plus ou moins logique, CREATURES via Le Noir Village a vraiment dessiné les contours d’une histoire horrifique qui peut plus ou moins se résumer en ces termes : 

« « Le Noir Village » narre l'histoire d'un village paysan au XIIème siècle en proie à d'horribles monstres »

 

Ces montres, nous les rencontrons au fur et à mesure de la narration, qui avouons-le, est vraiment passionnante. J’ai rarement été happé dans un conte au point d’être en immersion totale, et la richesse de composition et d’arrangements n’est pas étrangère à cet état de fait. Dès le second chapitre, Sparda introduit une instrumentation excentrée, utilise les cordes, les touches pour tisser une atmosphère étrange et suffocante, nous extirpe de la réalité pour nous plonger dans le marasme d’un cauchemar éveillé, et laisse ses idées se développer le long de longs passages atmosphérique aux connotations parfois folkloriques et/ou classiques.

« Martyre D’un Tanneur » en est un exemple des plus probants, avec son alternance ininterrompue de blasts glaçant le sang et de longs passages harmoniques médiévaux, le tout supervisé par les voix narratives qui incarnent vraiment les rôles qui leur ont été confiés. Nous nous retrouvons donc face à un véritable film pour les oreilles, conte d’horreur pour effrayer les enfants mais aussi les adultes, qui accompagne son récit d’une bande son transpirant l’horreur et la poésie par tous les sillons. Ainsi, le break de violon et de violoncelle qui interrompt le cheminement de l’histoire de ce pauvre tanneur est de toute beauté, et rappelle grandement les arrangements élaborés dans les années 70 pour enrichir les images de films fantastiques, à la manière d’un Harry Manfredini, d’un Krzysztof Komeda, ou d’un John Williams, en version épurée et moins grandiloquente.

 

Six titres, très longs et qui pourront rebuter de leur amplitude, mais ne craignez-rien. Sparda n’a pas cherché la complication en tant que telle, mais a simplement laissé ses idées se développer, comme le prouvent chaque chapitre. Ainsi, « A L’Orée du Mal, le Pacte Interdit » débute sur une délicate harmonie acoustique avant de s’écraser sous un up tempo dominé de guitares sombres avançant telles des ombres dans la nuit. Notons l’importance laissée à la basse, qui offre un véritablement accompagnement harmonique et non pas un simple soutien rythmique, et la pertinence des effets sonores qui s’intègrent parfaitement au contexte. Percussions tribales et incantatoires, sons sortant de nulle part, et la machine s’emballe dans un terrifiant BM très raw, dans lequel s’entremêlent une multitude de voix incarnées, sans pour autant perdre le fil rouge du thème principal très accrocheur. 

« Il Etait un Monstre Assoiffé de Cœur » se veut beaucoup plus délicat et emprunté, et laisse des mélodies vocales s’évaporer dans le brouillard de la nuit, pour une inspiration très médiévale et emprunte de Folk, tandis que « Sous le Visage avenant de la Mort » se pose en conclusion logique, en reprenant les ingrédients déjà utilisés pour les porter à un paroxysme de violence et de beauté, par l’entremise de voix féminines opératiques, contrebalançant une bande instrumentale d’une violence avouée. Riffs circulaires en volutes de mélodie, arrangements toujours plus présents, climat délétère et inquiétant, un peu comme si les éléments les plus abrasifs du BM s’invitaient sur la bande originale de l’Inferno de Dario Argento…  

Le Noir Village est beaucoup plus qu’un simple album. C’est un conte mis en musique, une légende qui s’écrit sous vos oreilles, une histoire d’horreur dont vous êtes le spectateur et le lecteur. C’est une œuvre ambitieuse qui se découvre au fil des écoutes, et qui continue d’offrir de nouveaux éléments des mois après sa découverte initiale. Si vous souhaitez avoir une concrétisation picturale des fantasmagories qui s’en dégagent, un clip est disponible en forme de trailer sur Youtube. Mais je me permettrai de vous donner un conseil. Allongez-vous, allumez une bougie, et laissez faire la musique en fixant sa flamme. Puis fermez les yeux, et partez vers ce village maudit hanté par des créatures de l’ombre. C’est le meilleur moyen d’en ressentir toutes les vibrations, et de pénétrer l’univers si particulier de CREATURES, qui a mis au monde un bestiaire de l’horreur musicale assez effrayant en soi.

 

 

5 octobre 2016

PENITENCE ONIRIQUE - V.I.T.R.I.O.L

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Les Acteurs de L’Ombre Productions - EsotericBlack Metal - France - 16 Septembre 2016 - 5 titres – 47 minutes

La Suède, la Norvège, les USA, l’Allemagne, le Canada, la Russie, dans une moindre mesure l’Ukraine, la Pologne, mais… 

Mais si finalement l’essence même du Black Metal le plus créatif et aventureux se trouvait ailleurs ? On serait tenté de le croire au vu de la multiplication, non des pains, mais des sorties toutes plus essentielles les unes que les autres qui secouent notre beau pays sur ses bases les plus solides depuis quelques années. Oui, soyons fiers. La France est devenue le berceau d’un BM extraordinairement fertile. Fini le temps des cerises et des plagiats malhabiles, une nouvelle ère est à célébrer, celle d’une certaine et indéniable domination d’un style pourtant très exigeant.

 

En préambule, remercions ceux qui ont rendu cet état de fait concret, ces fameux labels indépendants qui effectuent un travail gigantesque pour promouvoir des artistes qui prennent suffisamment de risques. Ces labels sont des acteurs de l’ombre, qui mettent la créativité en avant, sans cesse, en croyant au potentiel de musiciens bien décidés à exploser les conventions. Et parmi ces acteurs de l’ombre, il convient d’en mettre un plus en avant que les autres. Les Acteurs de l’Ombre justement. Encore une fois, culot maximal pour effet optimal, digipack superbe et soigné, et foi indéfectible en l’underground national. 

Leurs sorties ne m’ont jamais déçu, bien au contraire. Et cette fois-ci pas plus que les autres. Ils ont misé sur un cheval noir sorti de nulle part au galop, monté par deux jockeys étranges, masqués, à la casaque noire comme leur cravache, et dont le nom évoque bien des images sonores ténébreuses.

PENITENCE ONIRIQUE.

Le duo (Bellovesos : Compositions et Diviciacos : Psalmodier) nous propose donc en ce mois de septembre son premier longue durée, sans passer par la case EP ou démo. Une jolie assurance qui trouve sa justification dans les cinq morceaux de ce premier album qui risquent d’en surprendre plus d’un. Même dans la caste des fans indécrottables du BM le plus abscons et libre. Et pourtant, après avoir religieusement écouté leur album, on constate que les moyens employés ne diffèrent pas vraiment d’une certaine « tradition ». Guitares, en mur de son, basse en appui, rythmique infatigable en chien de fusil, et bien évidemment, des vocaux de fiel qui se répandent sur l’autel du bon goût. Ainsi, l’approche est classique. Ce qui l’est moins, c’est ce rendu terriblement fertile et intense qu’on n’avait pas entendu depuis…très longtemps.

 

Avec en cerise sur le gâteau putride, des visuels fabuleux travaillés par Mathieu Voisin, V.I.T.R.I.O.L est plus qu’un simple album de Black ésotérique comme ses auteurs se plaisent à le définir. C’est une déclaration de guerre à l’implication timorée de groupes qui se contentent d’effleurer la surface du Styx pour tenter d’effrayer la jeune génération qui n’a pas connu les traumas sombres de ses aînés. En cinq titres aussi développés qu’une longue homélie, les originaires masqués de Chartres redéfinissent le Metal sombre tel que nous l’avons toujours connu, en adaptant ses racines à une approche parfaitement contemporaine. Une musique riche, basée sur une attaque constante des sens, utilisant un tir de barrage ininterrompu de guitares en délié symphonique mais abrasif, soutenu par le mitraillage d’une rythmique oppressante et en mouvance constante.

Tout ceci vous paraît simple dans les énoncés, mais l’est beaucoup moins dans les faits pourtant. Un seul mot pourrait résumer la technique du duo pour éprouver votre patience. Intensité. Celle-ci est la même dans les passages les plus violents et rapides que dans les instants les plus introspectifs et troublés, à tel point qu’il est envisageable de considérer ce premier LP comme une ode en continu à la noirceur musicale la plus inextricable. 

Musicalement parlant, pas d’artifices. Le sempiternel axe guitare/basse/batterie/chant, pas de claviers, pas de cordes, juste l’essentiel, qui pourtant sonne comme un orchestre symphonique macabre. On pourrait à la rigueur dans un désir de vulgarisation affirmer que PENITENCE ONIRIQUE sonne comme un savant équilibre entre la démence pompeuse du EMPEROR le plus absolu, et la folie macabre du MAYHEM de De Mysteriis Dom Sathanas/Wolf’s Lair Abyss, mais si l’image convient, l’intention est inconsciente puisque le duo Français ne fait que suivre son propre chemin.

Ce premier album est d’une écoute difficile ne le nions pas. Ses morceaux sont très longs, l’apothéose étant atteinte lors de l’intermédiaire « Le Sel », qui dépasse les dix minutes, mais à vrai dire, toutes les interventions sont développées au-delà d’une certaine raison, puisque l’incarnation la plus brève, « L’Âme sur les Pavés » (dispo sur leur Bandcamp en écoute) atteint quand même les huit minutes et trente-six secondes.

Mais que faire de ces données temporelles ? Rien, sinon dire qu’elles sont adaptées à la démarche de grandeur du groupe. Rien de plus.

 

Et si l’ouverture déstabilisante du phénoménal « L’âme sur les Pavés » laisse pantois de son énorme déflagration, je dois admettre que le morceau éponyme est celui qui m’a le plus impressionné en définitive. Après une longue intro basée sur quelques arpèges électriques à peine soutenus par une basse à l’économie, le thème explose soudain dans un accès de rage tétanisant, comme si la litanie de guitare faisait trembler les parois d’une caverne profonde de ses accents mélancoliques. Le tempo en mid dégénère soudain en blasts assourdissants, tandis que la voix se pose plus en accompagnement qu’en lead, et la chanson suit alors une progression intense qu’on pourrait rapprocher des travaux les plus opaques des Suédois de TERRA TENEBROSA. Ambient BM ? Le terme parait trop facile, mais c’est pourtant ce qui ressort d’une analyse sensorielle… 

« Carapace de Fantasmes Vides » suit le même schéma que les quatre intonations précédentes, et referme donc cet album avec une grandiloquence humble, qui témoigne d’un potentiel gigantesque pour ce duo décidemment surprenant.

Il est très difficile de croire que ce BM « nouvelle vague » ne soit qu’un coup d’essai. Il fait preuve de tant de maîtrise dans la composition, l’instrumentation et la mise en forme qu’il paraît être le fruit d’une longue préparation et réflexion, et surtout, le travail d’une carrière d’un groupe affirmé, et non le premier jet d’un duo en devenir.

La scène française et ses groupes n’en finiront donc jamais de nous surprendre et de dépasser leurs concurrents par leur audace. Et tant qu’il existera des labels comme Les Acteurs de l’Ombre pour les en sortir, le BM national continuera sa spectaculaire avancée vers les tréfonds des abysses.   

 

Avec V.I.T.R.I.O.L, attendez-vous à l’impossible. Qui finalement, est bien Français. 

 

 

5 octobre 2016

SKRUTA & INTERNAL DAMAGE - Split

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No Bread Records - Grind - Russie/Ukraine - 23 Septembre 2016 - 7 titres – 11 minutes

Je ne peux concevoir de passer un dimanche sans split. Beaucoup le font et se sentent à l’aise, mais j’ai des principes d’hygiène musicaux. C’est comme ça, alors comme d’habitude, direction mon charcutier préféré pour voir si son étal s’est enrichi depuis ma dernière visite. Oh, un nouveau morceau ! Il semble assez conséquent quoique de taille modeste, mais attire l’œil et fait tressaillir les oreilles et les papilles. Le fournisseur a fait un détour en Russie et en Ukraine pour pouvoir achalander mon dealer de graisse préféré, et j’avoue que je me suis laissé tenter.

Après tout, comment résister à une petite tranche de brutal de l’Est, quand on connaît leur talent pour travailler les bas morceaux ?

 

Ces bas morceaux sont proposés en duo, taillé dans deux bêtes au traçage aléatoire, et se partagent le plat du jour à raison de trois et quatre bouchées chacun. Savourons donc une nouvelle pièce non Charolaise mais Grind de nos cousins slaves, qui en ce début d’automne nous donnent quelques secrets sur leur méthode d’abattage extrême. Cette méthode est connue des connaisseurs, et consiste à trancher dans le steak le plus rapidement et précisément possible, sans éviter forcément les giclées de sang, mais en coupant juste au bord des nerfs pour qu’ils ne gâchent pas la dégustation.

 

D’abord, tastons la viande saignante des SKRUTA, producteurs d’Uzhhorod, UKRAINE, et qui ont déjà collaboré avec pas mal d’éleveurs de tous horizons, dont les respectables TOTAL FUCKING DESTRUCTION, FOREVER WASTED, et autres COFFIN BIRTH. S’il est vrai que la famille Grind est quelque peu consanguine, le fait de mentionner ces références devrait vous aiguiller sur la qualité du produit en question, qui effectivement, est plutôt tendre et gouleyant.

Quatre tranches de vie rurale pour les maîtres es-Grind gras et fat, qui n’hésitent pas à diluer leurs blasts dans des passages lourd et sombres Darkcore histoire de relever un peu le plat. C’est du traditionnel, guitares graves à la distorsion un peu grésillante, plans subtilement Crossover qui balancent et soudaines accélérations quand la production semble avoir du mou dans le giron. C’est classique, mais très bien découpé, et finalement, très loin de l’abattage de masse dont les Ukrainiens sont friands. 

On sent une réelle volonté d’accommoder la viande avec des tendances légèrement Thrash et Crossover sur les bords, même si la violence de découpe crève les yeux. Alors on alterne le mid tempo avec les cavalcades Grind distillées avec brio, et finalement, le tout reste en bouche assez longtemps pour qu’on en apprécie les nuances de texture. Assez proches des COFFIN BIRTH dans l’esprit, moins dérangés que les TFD, les SKRUTA se montrent sous un jour assez flatteur, et prouvent qu’ils savent soigner la préparation et l’emballage. Du tout bon, qui fond sous le palais et laisse l’estomac digérer sans tension.

 

Direction la Russie, pour un autre cheptel, et une présentation sous forme de triptyque qui s’il les pénalise en termes de quantité, les avantage en termes de qualité.

INTERNAL DAMAGE, c’est du fourre-tout à la Russe, ne le cachons pas. Beaucoup de violence et de vitesse, du Crust/Powerviolence/Grind qui agresse, mais des guitares qui ne sonnent pas en détresse et qui se permettent même quelques inflexions Death pleines de tendresse. Du lourd, avec des riffs qui crient au secours comme sur les côtes US des années 90, et surtout, pas mal de groove pour faire bouger les petons au rythme des couteaux qui pénètrent les chairs et les tendons. Nous avons même droit à des tranches de foie bien gouteuses, comme ce « Doomed », à la technique très Punk et Crust, qui rappelle même les bouchées les plus fournies du NAPALM DEATH le plus groovy. 

Il faut dire que le groupe n’a pas chômé niveau production, en accumulant les parutions. Une démo en 2009, un LP l’année suivante (Blindness And Denial), une autre démo en 2011, mais aussi des travaux en commun avec FITCAGE ou UNHOLY GRAVE. En tout cas, une certaine approche de la violence qui n’empêche pas la nuance, et qui sait construire de bons morceaux en imbriquant des plans plutôt costauds. Trois seulement ici, mais délicieux, agressifs comme il faut, mélangeant les approches Crust, D-beat vraiment véhément, et voix multiples qui hurlent et se complètent comme un schizophrène dément («Dying Morality »). 

Il n’y a rien de plus agréable le dimanche matin que d’aller faire un tour malin chez les artisans locaux pour y trouver de quoi se sustenter en tout repos. Les petites échoppes sont toujours les meilleures, et saluons une fois de plus le label de qualité de l’Est pour nous fournir en bonne barbaque qui laisse rarement des restes. La table est prête, vous n’avez plus qu’à vous installer et déguster cette portion de Grind/Powerviolence bien épicée, mais suffisamment attendrie pour ne pas vous soulever les intestins. 

Du bourrin qui groove, du malin qui défonce, et de l’extrême dans lequel on s’enfonce. Bon dimanche aux végétariens, et bonne digestion aux carnivores qui en demanderont encore.      

 

 

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5 octobre 2016

PAYBACK - Demo 2016

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Punk Hardcore - USA - 27 Septembre 2016 - 5 titres – 18 minutes

Avec tout ce Thrash et ce Heavy, ce Black et tout ce qu’il induit, j’en avais quasiment oublié mon Hardcore au placard.

Avec toutes ces grosses sorties, ces albums recommandés par les labels et agents introduits, j’en avais laissé mes démos dans le tiroir. Mais qu’importe la faute, puisque une fois avouée, elle est à demi pardonnée. Mais pour l’absolution complète, encore faut-il rectifier le tir. Chose faite ce matin en abordant le cas d’un combo malin, et qui finalement, s’ouvre le présent en défonçant la porte d’un passé que personne n’a occulté. Surtout pas les gros fans de Hardcore comme moi, et comme vous évidemment si vous me lisez. 

Le Core, le vrai, animé d’un esprit Punk bien énervé, c’est un art sérieux que les PAYBACK ont bien compris et assimilé. Notant sans doute que celui-ci était de plus en plus assimilé à une mode qu’on arbore en forme de t-shirts RAMONES pour les pétasses à chihuahua, les originaires de Washington D.C ont décidé d’en présenter leur version d’ici, qui n’a rien à envier aux racines d’un style qui n’en finit plus de trouver écho dans la jeune génération. Cette dernière fait preuve d’autant de mordant et de sens de la révolte que ses aînés dont elle a parfaitement retenu les leçons écorchées de guitare qui ne le sont pas moins.

En cinq petits morceaux sur cette première démo, les PAYBACK ramènent à la mémoire la violence des premiers efforts des plus grandes légendes véhémentes, et se nourrissent du legs des MINOR THREAT, BAD BRAINS, YOUTH BRIGADE, IRON CROSS, GOVERNMENT ISSUE pour pérenniser leurs leçons en agressivité majeure doublée d’une lucidité sociale non sans heurts.

 

En résulte un gigantesque Hardcore subtilement métallisé, qui sort la grosse artillerie pour nous faire plier, et nous laisse à genoux, essoufflé, mais heureux d’avoir compris que rien n’était fini. Dotée d’un son plus qu’honnête, cette démo n’est rien de moins qu’un énorme coup de poing dans la face des petits malins qui pensaient encore que le vrai Hardcore était mort, un enchaînement de plans déments et de riffs convaincants, de ligne de chant sec et dément, et de parties rythmiques solides au frappé précis et tonnant. Cinq titres suffisent aux petits jeunes pour nous convaincre de la pertinence éthique de leur démarche, et je dois reconnaître que cette démo 2016 a tout d’un grand EP, de ceux qui frappent l’esprit et l’abdomen sans mépris. 

« PAYBACK est un groupe influencé par les groupes de Hardcore/Crossover de D.C des années 80, avec une légère approche moderne ».

 

C’est l’accroche de leur Bandcamp, et avec ça, tout est dit. Ceux qui pensaient n’avoir affaire qu’à de vulgaires pilleurs de trésors d’époque en seront pour leurs frais. Les mecs sont honnêtes, revendiquent leurs influences, mais les adaptent à l’air du temps pour ne pas usurper leur statut de groupe contemporain à part entière. Alors sur ces cinq morceaux, rien à jeter. Pas de basse côte ni de bourguignon faisandé, juste du Hardcore bien traité et poli pour être légèrement modernisé. L’influence de D.C est évidemment patente, et ce dès l’attaque frontale de « Once Disrespected », qui débute d’une façon tonitruante en balançant la sauce d’un riff salement relevé.

Rythmique qui fracase dès les premières secondes, et c’est parti pour un gros quart d’heure de Core bien tassé, aux entournures un peu brutes.

Guitares en scie circulaire, chant qui garde des forces mais s’époumone quand il le faut, dans la grande lignée des MacKaye et consorts, et duo basse/batterie qui cogne comme si sa vie en dépendait, tout en s’accordant très bien de passages en mid bien appuyés. D’ailleurs, même dans ces moments-là, ne vous attendez pas à une guerre de position mais bien à de gros pains dans l’oignon, puisque PAYBACK ne connaît pas le sens des mots « pause » ou « accalmie ». 

On pense à l’écoute à un compromis bien trouvé entre la génération Dischord et la nouvelle vague des EXPIRE, pour cette façon d’aborder la violence de manière crue tout en laissant des tonalités franchement Metal prendre souvent le dessus. D’ailleurs, un titre comme « Raging Focus - Hated With Respect » le prouve sans ambages, flirtant avec la transition Crossover des SUICIDAL et le lapidaire écorché des THREAT, sans pour autant négliger l’épaisseur du vingt-et-unième siècle. La tension se maintient du début à la fin, fin représentée par le gros pavé sombre « Ego trip », méchante cover des GUT INSTINCT, qui clôture ce premier exercice de la meilleure façon qui soit avec son crescendo rythmique suffocant. 

Le passé tourné vers l’avenir, les espoirs se nourrissant de souvenirs, c’est un peu le meilleur résumé qu’on puisse faire de cette première démo incendiaire. De quoi me ramener rapidement vers cet underground que je chéris tant, et que j’avais un peu trop laissé de côté sans vraiment le noter. Mais tout ça m’avait manqué. Alors merci aux PAYBACK de m’y replonger, et sans savoir quel revanche vous cherchez, ou quel remboursement vous souhaitez encaisser, avec un truc pareil dans la musette, gageons que personne ne pourra vous résister. 

Hardcore once, Hardcore forever. C’est une devise comme une autre. This is D.C man !

 

 

5 octobre 2016

SEAX - Speed Metal Mania

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PunkySpeed Thrash - USA - 28 Septembre 2016 - 10 titres – 41 minutes

Les bases, n’oubliez jamais ça, les bases. Nous avons tous commencé notre apprentissage du Hard Rock par des incontournables, et même si nous avons – pour certains d’entre nous – légèrement dévié Thrash n’Speed, nous avions quand même de solides références auxquelles nous accrocher. C’est ainsi, et il serait de mauvais ton d’avoir la mémoire aussi courte que celle d’un politicien élu après avoir mené campagne. Mais j’en connais qui se souviennent, et qui font tout pour que personne n’occulte ces jeunes années d’initiation. Ils viennent de Worcester, état du Massachussetts, celui des BEE GEES, pourtant, je peux vous garantir que leur musique n’a rien à voir avec la Pop Soul doucereuse ou le Disco huileux.

Non.

Les SEAX sont de gros nostalgiques, inutiles de le nier. Des nostalgiques des riffs francs et saccadés, des rythmiques énervées et rapides, des soli incendiaires, et des textes centrés sur le feu sacré d’un Metal qui nous fait respirer depuis des années. On peut trouver ça cliché, mais il est important de savoir que certains ensembles se posent en gardiens du temple, histoire que les clés soient confiées à de bonnes mains. Aux bracelets cloutés évidemment.

 

Les SEAX, c’est une histoire qui remonte à 2009, lorsque le guitariste Hel fonda le groupe dans la seule optique de pratiquer un Heavy Metal de tradition, sans tenir compte des évolutions et des fusions. Vite rejoint par d’autres passionnés, le combo fraîchement formé sort son premier LP au titre assez explicite, High On MetalChangements de line-up, second LP en 2014, To The Grave, quelques adaptations, tournées et gigs déchaînés, et aujourd’hui, le quintette une fois de plus remodelé (Carmine Blades - chant, Hel - guitare, Eli Firicano - guitare, Mike Bones - basse et Derek Jay - batterie) aborde la question épineuse du troisième longue durée, histoire de savoir si leur regard sur le passé est toujours valide et d’actualité.

D’actualité, pas sûr. Musicalement, les cinq larrons en foire font fi de toute velléité de modernité et puisent dans l’héritage d’une musique qui a tout donné pendant des décennies, mais le font avec une fougue et une honnêteté sans failles. Speed Metal Mania ne diffère pas vraiment des deux premiers jets, mais se professionnalise de plus en plus, au point de sonner comme un album de 1984 oublié sur la grève Speed par des vagues Thrash au reflux capricieux.

 

Vague à l’âme donc, mais lame affutée pour ramener à la surface les sons des bas-fonds, ceux-là même que les DESTRUCTION, METALLICA et EXCITER diffusaient via leurs haut-parleurs il y a trois décennies. D’ailleurs, les SEAX ne manquent pas de situer le décor côtier via quelques noms lâchés à la marée, leur servant de garde-fou et de mentors sauveteurs prêts à tout. Ainsi, en lisant leur bio, vous tomberez sur les sempiternels JUDAS, RAZOR, LIVING DEATH, IRON ANGEL, ABATTOIR, AIRWOLF, MEGADETH, SARCOFAGO et autres ATOMKRAFT, mais aussi ceux plus incongrus de BLACK FLAG ou THE MISFITS, ce qui finalement n’est pas si étrange, puisque le Speed Thrash de nos chevaliers du jour possède cette petite touche Punk qui rend leurs morceaux encore plus frappants et puissants.

C’est ainsi qu’ils abordent la chose, un gros Heavy à tendance Thrash joué par des Punks éduqués qui savent manier leurs instruments usés. Et si les premières notes de « Speed Metal Mania » rappellent étrangement le crescendo en fade-in de « Hit The Lights », c’est tout sauf un hasard. 

Pour être plus précis, ce troisième album se pose en jonction entre la furie d’un DESTRUCTION vraiment précis, d’un ATOMKRAFT plus discipliné que durant sa période de folie, d’un METALLICA qui n’aurait pas oublié son Punk dans le fouillis, et d’un LIVING DEATH particulièrement primesautier et saccadé.

Le tout est accommodé à la sauce Heavy light, pour ne pas trop diluer la violence maîtrisée, et joué avec une énergie Punk relativement polie pour ne pas offusquer les Speed addicts. Mais reconnaissons-le, le travail accompli pour sonner authentique est remarquable, et si la plupart des compos sont interchangeables, c’est surtout par respect de l’esprit originel, plus que par manque d’inspiration cruel. Oui, à l’époque il fallait sonner concis et convaincre le fan de la pertinence de sa démarche, et surtout, profiter d’une petite demi-heure ou de quarante minutes d’expression pour ne pas perdre une seconde d’action.    

 

Alors, pour recréer la magie, tout y passe. Des riffs syncopés et tronçonnés au soli pas du tout maniérés et plutôt échevelés, les chœurs guerriers, et les couplets atomisés par un chant revanchard et roublard. En matière de respect des codes usités, les SEAX deviennent une référence incontournable, etSpeed Metal Mania ne fait aucun mystère de la franchise de son titre. Pas de faux-semblant, juste de l’électrisant, et une simple lecture des énoncés vous suffira à comprendre où vous mettez les pieds. De « Forged By Metal » et son ANVIL touch à « Speed Forever » en passant par « Leather And Spikes » que n’aurait pas renié le PRIEST du passé, ou « Fall To The Hammer », la sincérité est de mise et la musique bien en place, sans faux-col ni étincelles dans la prise.

On se retrouve plongé dans les affres d’une adolescence pas du tout oubliée, lorsqu’on écoutait religieusement et les cheveux en avant les œuvres de DESTRUCTION, d’ANVIL, d’EXCITER, enfin de tous ceux qui injectaient un poil de nitro dans le moteur pour qu’il monte plus vite dans les tours. C’est jovial, euphorisant, parfois un peu simpliste mais encourageant, néanmoins, je me vois mal mettre un titre ou un autre en avant, puisque tous se ressemblent et sont de qualité égale dans le détonnant. 

Voilà donc de quoi passer un sacré bon moment en compagnie de musiciens qui refusent d’oublier d’où vient le vent. Certes, il convient d’être versé dans le passé pour en apprécier les volutes effacées, mais après tout, nous avons tous commencé par des modèles éprouvés. Un disque qui s’adresse à tous les quadras bien tassés qui ont un jour secoué leur tignasse sur du Speed naissant, et du Thrash balbutiant.

Et nous sommes nombreux. Le groupe taillera la route sur la côte Ouest très bientôt, alors amis ricains, ne les ratez pas. L’amour du Metal à un prix, et celui demandé par les SEAX est tout petit. Vous échangerez bien quelques petits billets contre un peu de nostalgie ? 

 

 

5 octobre 2016

МКП №1 - Адакотурада

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Super Robot Core - Russie - 24 Septembre 2016 - 12 titres – 26 minutes

Sont pas vraiment nets ces Russes. Oh, je ne parle pas de politique, encore moins de leur passé, juste de leur scène musicale. La plupart du temps, les bougres se vautrent dans un extrême vraiment extrême, les Powerviolence, Fastcore, Grind, Death étant leurs genres de prédilection. Ils nous ont déjà offert une bonne palanquée de sympathiques bargeots difficilement classables, mais une fois de plus, ils arrivent à me surprendre. Les iconoclastes en termes de Metal, on connaît, et ne comptez pas sur moi pour vous en dresser une liste. Mais cette liste se voit aujourd’hui augmentée d’un nom que certains d’entre vous connaissent peut être, celui de МКП №1.

Les mecs viennent de St. Petersburg, Russie évidemment, existent depuis 2004, leur nom une fois développé veut plus ou moins dire PUTIN MEAT PACKING PLANT NUMBER 1 (que vous traduirez selon votre humeur du moment), mais leur musique est aussi difficilement compréhensible que ce patronyme assez hermétique.

 

Selon leur bio, ils sont passés par plusieurs crises identitaires, entamant leur carrière comme un combo biscornu de Grind expérimental, pour devenir aujourd’hui une sorte de créature bruitiste hybride, se partageant entre D-beat, Death, Grind et Metal assez barré.

Et barré, le mot est faible.

Sans atteindre les sommets du non-sens de nos CARNIVAL IN COAL nationaux, ni ceux difficiles à apercevoir des IWRESTLEDABEARONCE Américains, les МКП №1 flirtent quand même avec un pluralisme extrêmement fertile mais néanmoins bordélique, qui nous perd en conjectures inextricables, tout en maintenant le cap sur un groove contagieux, sinon tendancieux.

 

Les Russes n’en sont pas à leur coup d’essai, et ont déjà produit un certain nombre de réflexions plus ou moins pertinentes sur le décalage créatif rythmique et extrême, dont To Princess Dream, leur précédent « effort », reste le témoignage le plus récent et probant. En 2016, l’exercice physique proposé par les chantres du Super Robot Core est plus concis, ne contient qu’une douzaine de titres en lieu et place des vingt-deux du LP de 2013, mais la densité musicale n’est pas plus fluide, et la localisation stylistique guère plus aisée. Il est vrai qu’ils s’amusent beaucoup à métisser des approches déjà bien poussées à la base, pour aboutir à une sorte de gymkhana éreintante dont on ressort les cervicales bien entamées et le dos fracassé. Mais le jeu fatal en vaut la chandelle létale, pour peu que le n’importe quoi délicieusement agencé soit votre tasse de thé avant d’aller pisser. 

Difficile toutefois d’établir un consensus autour de ces Russes aux intonations pleines de puces. Ça gigote, ça tricote, et au bout du compte, on se sent en état d’ébriété avancée sans avoir eu le temps de trinquer. Il est certain que leur tactique a évolué au fil des années, se stabilisant quelque peu pour parfois singer les tics d’un Heavy aux couleurs Punk assez prononcées (« Перемен », médium et mélodique de surcroit), mais le trompe l’œil et oreilles n’est jamais loin, et même ces morceaux plus ou moins classiques finissent toujours par se tordre les boyaux sous l’effet d’arrangements bargeots. Cris, borborygmes, accélérations Crust et Grind sans prévention, tout y passe et pas les procédés les plus mignons.

 

Le but implicite de cette formation est donc de rigoler, mais ça ne les empêche pas de traiter leur numéro de funambule avec le plus grand des sérieux. Les musiciens sont capables, tous autant qu’ils sont, et loin d’être des clowns en manque d’attention, se révèlent d’habiles compositeurs capables de distraire et de traire en même temps. Oui, vous êtes la vache à lait, pas d’hésitation là-dessus. D’ailleurs, ils ont quand même l’obligeance de vous indiquer quelques influences de production, en citant au hasard sans doute quelques références obligatoires, mêlant les noms de EDGE OF SANITY, MISERY INDEX, BLOOD, FUCK THE FACTS ou MACHINE HEAD, ce qui vous en conviendrez ne vous aiguille pas plus qu’une épingle dans une meule de foin séché. 

Mais pour être honnête, ce sont sans doute les principaux intéressés qui résument le mieux cette affaire salée. En un seul laïus, les МКП №1 se montrent plus explicite que votre serviteur en une seule et unique chronique, alors lisez leurs mots pour une meilleure appréhension de la chose, dans tous les sens du terme: 

Il y a les groupes qui essaient d’imiter leurs aînés de l’âge d’or du Rock, et ceux qui suivent aveuglément les modes. Nous ne sommes ni l’un ni l’autre, nous sautons du wagon en marche et établissons de nouvelles règles pour rendre la scène un peu plus variée ».

 

Ceci est assez vrai, et même si le schéma employé par les Russes est assez itératif en soi, les péripéties rythmiques qu’ils nous proposent sont suffisamment surprenantes pour ne pas nous engoncer dans une routine de l’extrême un peu trop prévisible. Le fond de l’air est frais chez eux, et surtout Crust & Grind, avec une jolie surcouche de D-beat slave, moins sombre et plus paillarde que son équivalent nordique, même si les jeux de mots et autres calembours sont difficilement traduisible. Le Heavy plus classique est aussi à la fête, mais déformé et distordu pour adopter la forme globale Death, ce qui nous donne un résultat concret et abstrait à la fois.

De l’extrême mainstream ?

J’aime assez la formule. J’ai cité quelques références, essayé d’étayer une thèse sans queue ni tête, mais le meilleur conseil que je puisse vous donner est d’écouter ce Адакотурада pour vous faire votre propre idée.

 

Du bordel rangé, du boucan structuré, de la folie maîtrisée. Voilà, et cette fois ci, c’est vraiment fini. 

 

 

5 octobre 2016

THE CHRONICLES OF ISRAFEL - A Trillion Lights - Tome II

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BOH Records - Epic Progressive Metal - Canada - 15 Octobre 2016 - 13 titres – 65 minutes

La technique pour la technique, non, trop rébarbatif et egocentrique. Le Progressif pour le Progressif, histoire de caser un maximum de plans plus ou moins logiquement imbriqués, non plus. Du Progressif uber technique pour bien montrer à ses petits camarades à quel point son niveau est impressionnant, encore moins. La musique n’est pas une compétition, et les musiciens qui la pratiquent ne sont pas des animaux de foire. Par contre, la technique au service d’une musique progressive intelligente, sensible et disons-le, « humaine », je dis oui.

Sincèrement, massivement, immédiatement. 

Le cas d’aujourd’hui est-il pour autant un cas d’école ? C’est une possibilité, mais outre ces questions en forme d’exutoire, admettons quand même que l’exemple de Dominic Cifarelli est assez fascinant en soi.

 

Un peu d’histoire à son propos. Dominic Cifarelli est un guitariste émérite, qui comme Gérard Manset voyage en solitaire, et qui a fait ses gammes au sein de PULSE ULTRA. Après la séparation de son groupe, l’homme se lance dans de longues jams nocturnes, tout en abusant de mangas et de dessins animés Japonais assez violents. Des occupations comme tant d’autres en somme, mais qui une fois associées produisent un effet choc dans son esprit, et le mènent  une réflexion profonde. Et s’il était possible de combiner ces deux hobbies au sein d’un même projet ? Associer la violence graphique de l’art animé du soleil levant, et la technique personnelle instrumentale qu’il développait au gré de collaborations diverses ou d’exercices en solo ? Ainsi naquit le projet THE CHRONICLES OF ISRAFEL, qui en 2007 fit paraître son premier LP, Starborn, Tome I sur le label Bridge Of Hands. Mais qui est donc ISRAFEL ? 

Un personnage inventé de toute pièce, essayant de se découvrir lui-même et de retrouver sa terre natale. En gros, le héros d’une saga à venir, qui malheureusement ne connaîtra pas de suite avant…neuf ans. Hiatus, demande excessive des talents de guitariste de Dominic par des combos plus ou moins illustres (le projet SCARS ON BROADWAY avec Daron Malakian et John Dolmayan de SOAD, Billy Ray Cyrus), et finalement, en 2014, la résurgence de cet ancien concept pour un nouveau tome à écrire, qui prendra deux ans à réaliser, mais qui aujourd’hui se concrétise sous la forme d’un second LP de plus d’une heure, qui ramène notre héros à la surface pour de nouvelles aventures…

 

Intéressant. Diablement intéressant. Certes, le parcours du Canadien est classique (bien qu’il soit depuis relocalisé à Los Angeles), et typique de ces instrumentistes qui occupent une grande partie de leur carrière en versant dans des partenariats plus ou moins fertiles, mais je ne peux m’empêcher de penser que le concept THE CHRONICLES OF ISRAFEL est un des axes d’approche les plus intéressants que j’ai pu connaître ces dernières années. Thématiquement, chacun jugera de la pertinence du récit développé, assez naïf en soi, mais musicalement, la chose prend une dimension beaucoup plus profonde et…multiple. 

Si au niveau promotion, le terrain des influences couvert est assez vaste et plante les graines de références telles que DREAM THEATER, DEVIN TOWNSEND, PERIPHERY ou MESHUGGAH, la réalité pour une fois correspond bien à cet étalage de comparaisons assez flatteuses. Il est certain que les compositions de A Trillion Lights - Tome II doivent beaucoup aux artistes sus mentionnés, avec une emphase particulière sur une osmose entre la technique mélodique des anciens de Berklee, les errances mystiques spatiales de Devin « Ziltoïd » Townsend, et l’appui rythmique mathématique des Suédois de MESHUGGAH. Et si le mélange vous semble légèrement peu homogène, rassurez-vous, il l’est. Car Dominic Cifarelli est parvenu avec ce deuxième tome d’une histoire dont on ne sait si elle connaîtra une suite, à unir les qualités de tous ces musiciens tout en y ajoutant sa patte de guitariste volubile et productif. 

En tant que compositeur, le Canadien est ambitieux. En tant qu’instrumentiste, il est attachant et volontaire, éminemment capable évidemment, mais surtout, passionnément amoureux de sa musique qu’il joue avec le cœur.

Il est très difficile de décomposer en pistes ce deuxième effort sous la bannière THE CHRONICLES OF ISRAFEL,puisque le tout a été pensé comme un concept, et s’avère d’une unité globale assez massive. On peut l’aborder sous plusieurs angles, en partant bien sûr d’une focalisation centrale, le jeu en lui-même de ce guitariste si atypique. L’homme aime associer des riffs aiguisés et agressifs à la manière du Petrucci de Awake ou de Train Of Thought, et des soli incendiaires, qui se partagent entre sextolets en fusion et digressions harmoniques sensibles. Son bagage est indéniable, et souvent au service d’une musique assez naïve en soi mais assez riche dans ses fondements, et le partage entre morceaux épiques et violents et passages en volutes délicates relativement soignées (« Hatred In My Heart ») est assez équilibré, même si l’énergie prédomine.

 

On sent que certaines idées sont recyclées d’un titre à un autre, même si quelques inflexions purement Néo viennent troubler le cheminement logique (« Violet Empress (Last Love) », genre de mash-up entre DT et LINKIN PARK), mais l’ambition réaliste dont fait preuve l’auteur finit par susciter l’enthousiasme, et A Trillion Lights - Tome II se transforme alors en aventure musicale décalée dont il est difficile de s’extraire. La durée des morceaux est variable, l’homme ayant opté pour des formats plutôt concis, sans oublier pour autant de se lâcher sur un final homérique. « The Turning Of The Heavens » se permet donc un peu moins d’un quart d’heure de synthèse des pistes proposées en amont, et savoure une entame particulièrement délicate sur fond de solo doucereux, avant de laisser éclater la poudre d’une rythmique typiquement DREAM THEATER dans ses instants les plus épiques. On retrouve d’ailleurs le souffle brûlant des épopées les moins bridées des Américains progressifs, couplé à la contemplation homérique de notre Devin adoré, qui aurait certainement pu caser aussi quelques plans bien Thrash au sein de sa Némésis SYL. 

De nombreux titres méritent l’attention, mais je placerai en avant le très efficace « I Remember » qui s’autorise quelques parties brutales fort puissantes, tout en privilégiant un mid tempo syncopé inhérent à l’école Néo alternative US du début des années 2000. Sans jamais se départir d’un sens mélodique aigu, Dominic parvient à trouver le juste milieu entre sauvagerie technique et caresse mélodique sensible, effleure une myriade de genres sans en avoir l’air (Thrash, Néo Thrash, Néo tout court, Heavy Metal, Hard-Rock mélodique), et traite le tout sous un prisme Progressif assez inspiré en soi, quoique parfois un peu bavard et redondant. La place laissée aux claviers est intéressante et offre un complément enrichissant les parties de guitare, et finalement, ce deuxième album en quasi solo est presque une réussite globale dont les rares défauts restent mineurs, comme certaines gammes revisitées pour l’occasion.

Vous en voici une bonne de revisiter un gros pan de l’histoire d’une musique qui parfois en fait trop, mais qui de temps à autres sait se montrer assez sensible pour évoquer des images sonores apaisantes. Gageons que dans quelques années, Cifarelli y donnera suite, à moins qu’il ne mette définitivement son talent individuel au service d’autrui. Ce qui serait fort dommage au demeurant.

 

 

5 octobre 2016

EYES WIDE SHOT - Back From Hell

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Dooweet Agency - Alternative Metal - France - 7 Octobre 2016 - 10 titres – 37 minutes

Revenus de l’Enfer? 

Moi je veux bien les mecs, mais vous ne seriez pas plutôt revenus de Los Angeles ? Je veux bien admettre que la Cité des Anges réserve quelques mauvaises surprises aux touristes égarés dans certains quartiers, mais je ne pense pas que le fait d’y être allé enregistrer votre premier album en compagnie de Charles Massabo (FALLING IN REVERSE) vous donne le droit de prétendre avoir traversé les Hadès et en être revenus…Attendez…En plus, vous avez tourné votre premier clip à Malibu ? Hum ? Tout ça ressemble effectivement à une torture sans nom que l’on vous a infligée avec une sévérité effrayante…Nonobstant ces quelques traits d’humour sous forme de piques ironiques, je dois reconnaître que votre premier album est tout sauf infernal à écouter, tout du moins dans le mauvais sens du terme.

Car s’il est en effet très puissant et plutôt énervé, et les chansons qui en forment l’ossature sont suffisamment variées pour ne pas rappeler le supplice chinois de la goutte d’eau qui tombe à intervalles trop réguliers…

 

Quelle est donc l’histoire de ce combo qui se place d’emblée sous des auspices plutôt favorables ? Simple, une association d’amis et d’idées, from Jarny, Meurthe-et-Moselle. Nicolas Menus, Kevin Guernane, Florent Curatola, membres du même collectif s’y rencontrent et tombent sous le charme de leurs univers respectifs et de leurs points communs, et décident d’entamer une aventure musicale ensemble. Un premier EP en 2013, #Overcome17912, pas mal de concerts régionaux et nationaux, et puis l’adjonction d’une portion de line-up supplémentaire avec l’arrivée d’Anthony Marra à la batterie et Jeremy Machado à la basse. Une fois la section rythmique unie au squelette principal du groupe, les grands travaux se mettent en place, qui aboutissent aujourd’hui à la visite d’une maison assez étrange, dont chaque pièce dégage une ambiance différente. Visite Ô combien agréable et ludique, qui présente des hôtes fiers de leur gîte et de la musique qui s’échappe de ses haut-parleurs. 

Cette dite demeure est assez colorée en façade, comme le montre la pochette de ce premier LP, assez énigmatique, mais révélatrice d’un contenu plus profond qu’un simple patchwork d’émotions qui dégouline d’un pot de peinture. Son concept ? Simple : 

« Back From Hell » peut être vu comme la biographie d’une personne ayant comme but d’entrer dans le show-business.
Ce dernier a dû faire face à des déboires tels que des histoires de cœur, des moqueries, des manipulations, des addictions
 »

 

L’histoire est classique en somme, de The Lamb Lies Down On Broadway à Phantom of The Paradise, mais le pacte qu’ont signé les EYES WIDE SHOT avec leur public ne doit rien au terrible Méphistophélès. Pas de petits caractères ou de clause cachée, juste le plaisir d’écouter une musique très efficace et diablement professionnelle si vous m’excusez le terme. Certes, au niveau des influences,  Back From Hell est assez classique. Pas étonnant que Charles Massabo se soit intéressé au groupe puisque les originaires de Jarny établissent un joli parallèle avec la scène Néo-Alternative US de ces dernières années.

Riffs emprunts de Metalcore, arrangements électroniques, alternance de chant clair et de gueulantes de fer, le modus operandi est connu de tous, mais appliqué avec ce brin de folie qui rend nos frenchies plus irrésistibles que la moyenne de leurs homologues d’outre Atlantique.

 

Niveaux influences, il est impossible de passer sous silence la forte trace laissée par la discographie des LINKIN PARK, par une partie de celle des PAPA ROACH, par la frange la plus énervée des interventions de THREE DAYS GRACE, voire même, en étant un peu trop négligent, d’un SALIVA plutôt énervé de ne pas avoir retrouvé ses riffs les plus aiguisés. Ceux des EYES WIDE SHOT le sont justement, et très épais par la même occasion, mais n’en manquent pas une de tomber dans des digressions mélodiques de bon ton. Alternant la fièvre d’une ouverture béton qui vous prend à la gorge sans raison (« Waiting In Vain ») et les variations mid tempo chaloupées d’un Metal alternatif torride mais ombragé à l’occasion (« Under The Knife », gros hit live à prévoir), le quintette ne manque jamais de frapper fort et juste, même si certaines parties sentent parfois le recyclage en roue libre.

Mais aussi patents soient-ils, ces défauts ne sont que de petites épines éparses difficile à dénicher dans ce bosquet de roses rouges prêtes à vous faire saigner, et l’intégralité de l’album a été pensé comme un ensemble d’idées homogènes et inspirées.

 

Il est indéniable que le groupe a le don pour accoucher de titres qu’on retient sans se forcer, et les moments de bravoure fondant la puissance dans la mélodie sont multiples, de l’élastique « Watch Me » et son featuring de Boots,  au plus mélodique « Lost For You », qui finalement parvient à ciseler l’harmonie à grands coups de riffs syncopés et de phrasés vocaux enflammés. 

Production énorme « à l’Américaine », qui n’en fait pas des tonnes mais qui détonne, saccades en coup de chien qui vous tombent sur la nuque comme une brique d’un toit Californien (« My Redemption »), hits évidents qui feraient les beaux jours des BO de films bien costauds (« Under The Knife »), Back From Hell, au-delà de son concept est un sacré éventail de chansons qui visent l’efficacité primale et qui font mal, tout en caressant dans le sens du poil.

 

On peut trouver ça convenu et un poil facile, voire légèrement rétrograde sur les bords, mais il est aussi facile de concevoir la chose comme un gros coup frappé par un groupe décomplexé qui se connaît bien, et qui maîtrise à merveilles les us et coutumes du Metal moderne Américain. Ne vous attendez pas à être bousculé par l’originalité, quoique ce premier LP n’en soit pas exempt, mais plutôt à passer un excellent moment avec les EYES WIDE SHOT qui ont mis à profit leur expérience Californienne pour revenir en France avec une belle assurance. Pour les plus accros, un clip est dispo (« Under The Knife », visible sur Youtube), mais essayez plutôt de choper les mecs au chaud d’une salle de concert extra ou intra-muros. Les murs trembleront des guitares en béton, et vos têtes s’agiteront au son d’un Metalcore subtilement déviant. Le deal vous sied ? Tant mieux, parce qu’en plus, vous n’avez pas besoin de revenir de l’Enfer pour ça.  

Il est déjà sur terre. 

 

 

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