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Metal and Oddities Reviews
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7 novembre 2015

TEMPEST - Tempest

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Blackened Chaotic Hardcore - Canada - 27 Juin 2015 - 8 titres – 30 minutes 

Après la lumière, les ténèbres. La vie fonctionnant sur ce principe de dualité, il n'est pas étonnant que je me retrouve à parler des Canadiens tempétueux de TEMPEST après avoir abordé le cas aveuglant de pureté de STRYPER. Non que je sache si ce quintette étrange soit une bande d'athéistes ou d'agnostiques, mais leur musique évoque plus volontiers une sale descente aux enfers qu'une envolée immaculée vers le paradis.

Miserable music for miserable people.

Ils se décrivent ainsi, mais n'allez pas pour autant croire que le bruit qui émane de leurs instruments soit pauvre et sans inspiration. Je préfère volontiers croire qu'ils s'adressent aux exclus, aux parias, dans une infinie empathie nuancée de lucidité. Après tout, tous les Canadiens ne sont pas des guides potentiels au sourire et à la générosité permanente. 

TEMPEST, ou l'art de transformer le Crust et le Hardcore en brouet opaque et noir pour tuer ce qu'il reste d'espoir. Ils se veulent hors de contrôle, et je ne me vois pas les contredire sur ce point. Et après trois 7'' et un LP sorti en 2010 (Passages, recommandable), le quintette a pris son temps pour préparer cette suite qui n'incite guère à la légèreté ou à l'optimisme, et les huit pistes qui composent cet album éponyme ne sont que résignation, colère larvée, la tête baissée pour ne pas croiser le regard accusateur de la plèbe. Rien ne transperce l'épaisse couche de nihilisme qui protège le contenant, et l'ensemble est tellement compact qu'il est parfois difficile de savoir par quel bout de la lorgnette les Canadiens observent la vie et leurs contemporains.

Des influences, un son global, et un rendu pour le moins hermétique. Impossible de ne pas penser Hardcore, de ne pas réfléchir Crust, mais impossible aussi de ne pas se dire que tout ça exhale le Black le plus abrasif et brûlant qu'il m'ait été donné d'entendre depuis longtemps. 

Comme d'habitude, les références citées sont plus ou moins pertinentes. Si CONVERGE n'a jamais atteint un tel degré de noirceur, si les HIS HERO IS GONE sont encore loin d'un tel pessimisme, et si ONE EYED GOD PROPHECY se complaisait trop dans le délire d'une musique somme toute assez festive, seuls les BURIAL YEAR et leur Pestilence bien nommé pourraient à la rigueur se rapprocher des effluves nauséeuses de TEMPEST, et encore, si l'on occulte leur penchant naturel pour le Sludge le plus épais. Car ici, on utilise tous les aspects les plus radicaux des courants inspirants, pour les expirer de façon putride, sans jamais susciter l'empathie ou laisser entrevoir la lumière.

Et mis à part WORLD NARCOSIS ou à la rigueur et vu de loin REGARDE LES HOMMES TOMBER, je ne vois aucune formation actuelle pouvant se rapprocher de cette musique sans pitié ni remords. 

Plus simplement, TEMPEST utilise les bases d'un Crust/Black terriblement compact et malsain, y adjoint des lignes vocales déchirées et mixées en arrière plan, mais s'arroge aussi les principes d'un Chaotic Hardcore très dense et heurté, laissant d'ailleurs parfois la rythmique en roue libre sans garde fou auquel nous raccrocher ("Wounding Pattern", assez effrayant, comme si la nouvelle vague Black Nord Américaine prenait la main à NEUROSIS ou ISIS).

C'est d'ailleurs parfois franchement le pied dans le vide d'un précipice Black que les TEMPEST recherchent leur équilibre, lorsque "Atonement" frise avec le Free Black, disposant une multitude de riffs sur un duo basse/batterie au bord de la possession. Sans pour autant négliger dans le même instant des approches Sludge si noueux qu'il en devient inextricable, comme si la violence absolue était le seul vecteur d'expression viable. 

Parfois l'emprunte Black est plus forte que le reste, et la longue litanie finale lui consacre d'ailleurs son ossature centrale, même si le batteur n'est pas en reste et multiplie les descentes et les accélérations foudroyantes. C'est peut être d'ailleurs la force de frappe conjointe de ce morceau et de "Atonement" qui définissent le plus clairement l'optique de Tempest, tant ces deux compositions s'acharnent sur le cadavre d'un Black déjà bien décharné à grands coups de pelletées de Hardcore très chaotique.

La frontière entre les deux styles est parfois si floue qu'une troisième voie semble s'ouvrir, comme dans une explosion de Post Hardcore aux relents Sludge, et "Shroud" de nous noyer encore plus dans un brouillard de dissonances, de hurlements et de riffs rouillés qui provoquent l'infection. Le terme de virus ne serait d'ailleurs pas usurpé pour décrire l'effet que produit la musique des Canadiens sur l'organisme, même lorsque celui ci commence sa phase d'insinuation dans les tissus et le sang, avec ses manifestations Post très affirmées ("Sunless Year", véritable presse hydraulique au contact mortel)...

Ainsi, l'album contamine les sens, sans que l'on sache quel remède appliquer.

Pour ceci, outre la variété des genres, le groupe se repose sur des performances individuelles notables, notamment celle d'un batteur en pleine crise d'ego qui manifeste constamment son désir d'émancipation via des plans hautement acrobatiques. 

Et si Tempest se veut l'image d'un Canada noyé sous une nuit longue d'une année, le tableau effraie, et peu seraient alors encore tentés de valider leur passeport pour un tel voyage sans retour. 

 

 

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