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Metal and Oddities Reviews
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18 novembre 2015

THY CATAFALQUE - Sgurr

sgurrcover

Season Of Mist - Avant Garde Métal - UK - 16 Octobre 2015 - 9 titres – 52 minutes 

L'Ecosse, ses highlands, sa nature mystérieuse et ses paysages verdoyants. Source d'inspiration poétique, tout comme l'Irlande, et pourtant, l'histoire ne trouve pas sa source en Alba, mais bien à l'est de l'Europe, en Hongrie plus précisément. La légende y est née, du côté de Mako, petite ville Hongroise où les destins de Tamas Katai et Janos Juhasz se sont liés, pour accoucher d'une des aventures musicales les plus imprévisibles de la musique extrême et expérimentale. Au départ, un simple Black Métal, certes riche et inhabituel, mais gardant des liens avec les conventions d'usage. Des changements de label, mais surtout, des virages sinueux dans l'inspiration globale qui provoquèrent une déviation à la limite du demi tour. Et aujourd'hui, qu'en est il? Janos à laissé Tamas écrire les chapitres suivants seuls, et ce dernier continue sa route, en solitaire, puisqu'il est impossible de partager sa vision de toutes façons. A part avec son public. 

Ainsi se résume ce conte d'un autre temps, qui est celui de THY CATAFALQUE, projet unique et tellement à part qu'aucune étiquette ne saurait lui convenir. Mais faisons fi de cette difficulté, et soyons plus prosaïque dans l'approche. Si les parallèles avec des contemporains semblent impossibles, ou en évoquant à la rigueur d'une très lointaine ressemblance NEGURA BUNGET, les cousins Roumains, la musique de Tamas continue de s'enfoncer dans l'exploration, à la merci d'une créativité individuelle puisant dans la nature et l'essence humaine son désir d'expression. Sixième album, second pour Season Of Mist qui sur ce coup là a fait très fort, Sgurr se présente comme une observation du panorama, Ecossais bien sur, pour les highlands encore, mais aussi Hongrois, pour la symétrie négative de ses lowlands.

En résulte une oeuvre tout sauf contemplative, et à l'instar de BIG BRAVE ou MYRKUR, THY CATAFALQUE n'occulte pas la puissance pour privilégier les errances, et au contraire, détourne les coutumes pour les adapter à ses envies. 

Ainsi, la musique de Tamas n'hésite pas à emprunter au Doom, au Black, à l'Electronica, au Folk, mais aussi à la Pop et à l'Industriel leurs sinuosités, leur franchise ou leur complexité pour peindre les tableaux musicaux qu'il pense avec ses yeux et sa mémoire. Parfois, le voyage s'éloigne des côtes abruptes du Métal pour aborder le Folklore de l'est, lors d'intermèdes de toute beauté, mélangeant les humeurs de l'Ecosse avec sa tradition Hongroise ("A Hajnal Kek Kapuja"), et par moments, il s'en retire aussi pour tomber dans les chaos d'un Rock vitaminé aux cordes et aux flûtes, qui valsent sur un tapis de guitares remuées par une rythmique tribale et ardente ("Elo Leny", et ses interventions vocales éparses et incantatoires). Mais lorsque le périple rejoint les routes noires du Black Métal, l'ambiance s'assombrit et nous ramène à la genèse du projet ("Jura", aussi opaque et vicieux qu'un DARK FUNERAL inspiré de BEHERIT), pour presque aussitôt le regretter et faire une halte dans une petite cabane en bois et laisser un baiser sur le front d'une petite blonde qui commence à s'endormir (la berceuse synthétique "Keringo", ciselée comme un conte qui se transforme soudain en cauchemar sonore presque Dark Indus). L'auteur dira d'ailleurs de "Jura", aux consonances ultra violentes et sans empathie, qu'elle est "une chanson sur la peur ancestrale du déclin corporel, des hommes qui recherchent sans cesse dans leur existence la protection du ventre de leur mère". Peur parfaitement retranscrite, pour un des titres les plus abrasifs du répertoire de Tamas. 

Cet album est clairsemé, et clairement scindé en deux parties, même si la globalité l'emporte. D'un côté, les morceaux les plus courts, variés, imprévisibles, de l'autre, les segments progressifs, au nombre de deux et qui dépassent allègrement le quart d'heure. 

Tout d'abord, dans l'ordre chronologique, "Oldodo Formak a Halal Titokzatos Birodalmab", qui propose l'intervention extérieure de Zoltan Konya, du groupe GIRE (obscur combo de Death expérimental Hongrois, dont l'unique album éponyme vaut le détour...). Un quart d'heure qui part sur les chapeaux de roue, usant d'un tempo presque big breakbeat à la limite de l'Electro Indus, pour soutenir un mur de guitares dont l'assaut est massif et sans interruption. Vocaux traités qui strient la bande instrumentale en forme de gimmicks presque samplés, et puis soudain à mi parcours, interruption nette pour laisser place à un Ambient onirique dominé par la voix parlée et froide de Viktoria Varga. Digressions naturelles sur le pouvoir de l'eau, puis nouveau revirement pour un Electro Indus martial et percussif qui enveloppe l'espace, avant que le final ne laisse une mélodie presque traditionnelle sur fond de rythm box tranquille accompagner une fois de plus la voix de Viktoria. On se rend compte à ce moment là que l'imagination de Tamas est sans limites, malgré toutes ces années de carrière derrière lui, et que ce nouvel album, pourtant le sixième nous surprend encore, alors qu'on pensait avoir tout entendu... 

"Jura Keringo" est sans doute avec son prédécesseur "Jura", le lien le plus ténu qui unit encore Sgurr avec l'autre monde du Black Métal. Bien que celui ci soit défiguré et remodelé à loisir, comme une grimace figée par le temps, l'énergie et la puissance dont il fait preuve évoque les tentatives les plus bruitistes du genre. Nous sommes parfois à la frontière du chaos le plus absolu, et même si quelques étapes dans la construction sont discernables, cette longue suite n'est à envisager que comme une progression assourdissante, proche du Harsh parfois, qui se termine d'ailleurs par une succession d'idées aussi disparates que complémentaires. Dark Ambient, Electronica, tout y passe, et pourtant reste fluide et assimilable. Comme une suite d'humeurs, celles d'un homme face à sa, et à la nature, qui laisse son coeur et son esprit flotter, sans chercher à garder le contrôle. 

Ne reste plus à "Zugo, Part 2" qui se fait l'écho de l'introduction de l'album qu'à refermer la carte, en laissant cette voix féminine apaiser les tensions et ramener le soleil. 

Je disais que Sgurr surprenait encore, mais c'est un constat qui s'appuie sur une simple comparaison avec Rengeteg, sorti il y a quatre ans. Beaucoup plus agressif et sans compromis, plus glacial aussi, il s'éloigne de la chaleur pour se rapprocher d'une froideur d'observateur externe, et privilégie le Métal, certes sous des formes personnelles pour appuyer son propos.

Il fait étalage d'idées toujours aussi novatrices, mais sans se perdre dans une expérimentation excessive, même dans ses segments les plus allongés. Mais il n'est après tout, qu'une étape de plus sur le chemin musical de Tamas Katai, qui n'a pas fini de nous enivrer de ses visions de nature et d'humanité, lui qui reste si seul à la barre de son navire. 

Sgurr restera probablement ce que vous entendrez de plus singulier cette année, et manquer le coche serait se priver d'une excursion unique. D'autant plus qu'il est disponible dans deux superbes versions, l'une en vinyle, l'autre en digipack soigné avec livret. 

La beauté dans la laideur, l'esthétisme se paie de nos jours. Sachez ne pas vous contenter du minimum.

 

 

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