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Metal and Oddities Reviews
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25 novembre 2015

LUGUBRUM - Herval

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Those Opposed Records - Expérimental Black Métal - Belgique - 3 Septembre 2015 - 8 titres – 34 minutes 

A) Il se passe des trucs bizarres dans le Black Métal

B) Il s'est toujours passé des trucs bizarres en Belgique.

A+B : Le Black Métal Belge est barge. 

Raccourci facile, succinct et pas vraiment...vrai. Mais désolé, lorsque j'écoute un album de LUGUBRUM, j'ai toujours la même réaction. Que peut il bien se passer dans la tête de ces mecs pour accoucher d'albums pareils? Et ne croyez pas que la blague date d'hier, non puisque les farceurs jouent dans la cour des grands depuis 1995, et Winterstone, leur premier LP. Onzième album pour une carrière débutée en 1993 avec la démo Black Prophecies, et nouvelle preuve de leur esprit iconoclaste qui refuse les conventions et la politesse de ton. Ceux qui sont familier au concept de Boersk Blek Metle flamand (en gros, du Black Métal de paysans, c'est comme ça) savent déjà de quoi il en retourne, puisque les récoltes des Belges, si elles sont plus ou moins opulentes selon les années, restent dans une productivité et une bizarrerie constantes. Du BM, certes, mais pas vraiment celui qu'on est en droit d'attendre d'une bande de misanthropes enfermés dans un grenier, loin de là. 

Non, les LUGUBRUM malgré leur patronyme aiment s'amuser. Ils manient le rural pun comme personne, et soufflent un vent de paille et de fumier sur leur musique, qui au final, ne ressemble à rien d'autre que ce qu'elle est. Et même avec une moissonneuse batteuse flambant neuve, vous ne pourriez pas faire mieux. Leurs râteaux à feuilles sont trop efficaces, et ratissent les vôtres avec entrain et malice. Malice certes, mais bon enfant, cocasse et surtout, à l'image de la terre de laquelle ils regardent émerger les pousses de la discorde, inventive et foutrement créative.

Un peu comme des épis de maïs plantés dans un vieux cimetière rural qu'on vient récolter à la tombée de la nuit, éclairé par une bougie. Pour stimuler votre imagination, ils ne reculent devant rien. Utilisation d'instruments profanes (kazoo, orgue, banjo, batterie à eau, j'en passe et des plus déplacés), structures évolutives qui sautent le coq en passant sur l'âne, et diversité de propos intense. Oui, c'est un joyeux bordel agricole, mais qui tient la route comme un vieux tracteur à l'agonie qui roule quand même. 

Selon les avis consacrés des fans, et partiellement du mien, face Lion Face Oignon semblait revenir aux préoccupations initiales des Belges, après une courte période de stagnation du diptyque De Ware Hond/Albino De Congo. Le premier avait particulièrement déçu les amateurs de BM campagnard et bouseux, mais il semblerait qu'avec ce nouvel album, LUGUBRUM ait retrouvé la foi en la binette diabolique et la bêche possédée. On retrouve en effet cette ambiance si bucolique et damnée qui s'incarnait dans leurs premiers efforts. Mais je pourrais sans doute être plus précis pour les néophytes qui n'ont pas encore remué la terre, trop indécis. LUGUBRUM c'est un assemblage d'influences, qui au final se retrouve amalgamées dans un gros tas de fumier fumant.

Du BM bien sur, mais âpre, sec comme une terre argileuse, et cultivé comme un sagouin. Mais aussi du Rock typiquement 70's, lorsqu'on labourait encore au cheval de trait, avec patience et minutie, un peu louchement progressif sur les bords, du Métal bizarroïde et de guingois, comme la Marie penchée sur ses tomates, de l'expérimental occulte, et puis du fun, du Folk, du Reggae, en gros, tout ce qui tombe sous leurs paluches pour s'amuser après une dure journée de labeur.

En résumé, et si la chose vous intrigue, "Vergeeldetruidrager" répondra à toutes vos questions sans passer par le porte parole de la confédération paysanne Flamande. Blasts modérés, riffs analogiques acides comme un Beaujolais nouveau, et puis couplets peinards, un peu Hard Rock d'antan aux sabots, mais quand même bien lardé de cris venant de l'autre côté de la grange. Tout le monde trime dans le trio, du bassiste qui s'amuse à enrouler les bottes de foin en bas du manche, au guitariste qui tricote un chandail via une wah-wah rigolote, en passant par le batteur au son anémié qui parfois loupe un break pour finir sa soupe. 

C'est un lieu de rencontre, une auberge espagnole qui abrite le temps d'un disque Peter TOSH, BURZUM, CARNIVAL IN COAL, MAGMA, les VARIATIONS, mais aussi STTELLLA, les SNULS, un peu d'humour, mais surtout du talent dans la galéjade fermière, et beaucoup de beurre sur la tartine. On nage parfois en plein délire seventies, sur le morceau éponyme notamment, qui laisse une double grosse caisse approximative ruiner un bon riff en son clair, pendant que le Reggae et le Hard Rock de livrent à un combat de bouses pas séchées. Les plaisanteries sont parfois courtes ("Uri Noir" foutoir innommable à cheval (de trait) entre le BM décharné et le Thrash économique), parfois assez longues ("Comata", Sludge/Dommy de pécore interrompu par un break planant et psyché), ça ressemble à un mélange du terroir entre un AGRESSIVE AGRICULTOR défoncé au rutabagas et un INTENSE MUTILATION qui aurait appris à jouer entre deux pets, mais ça s'écoute, fasciné par cette volonté de faire absolument tout ce qui leur passe par la tête. 

"Herval, Herval" en rajoute d'ailleurs une bonne couche avec son intro à la SHADOWS, qui vient se noyer dans la mare d'une inspiration héritée des Blues/Jazz bands d'il y a quarante ans, comme si LUGUBRUM n'avait pas la télé et n'avait pas suivi l'actualité. Bruitages, samples, wah-wah sensuelle comme une croupe de jument, et atmosphère prenante, comme une brume du petit matin qui embrume une dégustation de chicorée de contrebande. Un peu ANGE sur les bords, qui tape le boeuf avec Emile et KYUSS, enfin, je ne sais pas trop, c'est selon et faut voir. 

Quelle aventure étrange que celle de LUGUBRUM. Du BM? Oui, mais non. Du Folklorique à la gnôle? Oui, on peut dire ça.

Mais surtout, une sacrée bonne musique qui même après vingt ans de carrière continue de nous surprendre, même si l'on connaît par coeur les contours de la ferme.

Ils sont accueillants, allez y. Bon, ils ne sentent pas la rose, mais après tout, à choisir entre la bouse des champs et le guano des villes...hein?

 

 

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