CODE - Live in The Netherlands

Heidens Hart Records - Black Progressif - UK/Norvège - 1er Juin 2015 - 8 titres – 44 minutes 

Chroniquer un live de Black dans les années 90 aurait relevé de la torture auditive complète et du puzzle analytique inextricable et sans aucun doute vain. Mais depuis, les techniques de captation ont changé, et la chose est moins incongrue qu'elle ne l'aurait été il y a vingt ans. Ce qui permet donc d'apprécier des formations extrêmes évoluant dans un environnement vivant, même si beaucoup de formations du style se refusent encore à tourner et préfèrent le confort et la sécurité d'un studio. C'est en partie le cas des cosmopolites CODE, qui n'ont pourtant pas hésité à se laisser capturer en concert en Hollande, un peu plus tôt cette année. Le cas CODE est assez étrange d'ailleurs, puisque ce groupe d'Anglais expatriés un peu partout en Europe est adepte de l'évolution permanente, et aime à surprendre sa fanbase à chaque sortie. Depuis leurs débuts, leur musique a suivi une évolution constante, passant d'un Black somme toute sommaire à un Post Black presque avant-gardiste, pour aboutir à un Post Black tendant salement vers le Post Rock sur leur dernier opus Mut, paru cette année aussi. 

Mais ce Live in The Netherlands n'est pas entièrement concerné par cette recherche d'absolu, puisque les dates de son enregistrement sont antérieures à cet ultime effort. Vous n'aurez donc pas droit à des extraits de Wut sur ces huit morceaux, mais il n'empêche que ce résumé de plus de dix ans de carrière est suffisamment riche et atypique pour que vous vous y intéressiez de près. D'une parce qu'il bénéficie d'un son tout à fait à la hauteur de la richesse musicale du groupe, et de deux parce que le dit groupe produit un Black aux confluents de tous les extrêmes, parfaitement pertinent et envoûtant. Et comme argument supplémentaire, ajoutons une construction de performance en évolution, avec un climax final basé sur les morceaux les plus complexes et riches. Huit morceaux en quarante cinq minutes, Live in The Netherlands est une plongée en eaux extrêmes qui demande un effort respiratoire énorme, mais qui vous permet d'émerger des profondeurs l'âme purifiée et les muscles saillants.

Quelques influences notables vous aiguilleront dans votre descente en apnée, et les silhouettes d'IMMORTAL, d'EMPEROR, d'ARCTURUS ou de KATATONIA sauront vous aiguiller dans les bas fonds des océans de la pensée des Anglais, pour que vous puissiez trouver votre chemin sans manquer d'oxygène. 

Promotion oblige, ce live privilégie la sortie de l'époque, l'excellent Augur Nox, qui montrait déjà des signes d'évolution vers une musique plus complexe mais aussi moins abrupte que sur le premier effort de CODE, Nouveau Gloaming, dont ils reprennent quand même deux morceaux, "The Cotton Epic" en ouverture mais aussi "Brass Dogs" et ses presque huit minutes. Ils ont au contraire occulté Resplendent Grotesque, qui ne voit qu'un seul de ses segments repris, "Smother The Crones". Il n'empêche que ce concert résume bien le parcours du groupe, et surtout sa marche en avant qui a en quelque sorte trouvé son apogée avec Mut, dérivant vers un Post Rock aux tendances Black qui il est vrai aurait eu du mal à trouver sa place ici. 

On pourrait d'ailleurs comparer l'évolution de CODE à celle de SAMAEL, même si les styles dont radicalement opposés. Pas d'électronique ici, pas de tempo martial, juste du Black très organique, sombre mais strié d'interventions lumineuses et mélodiques qui ne handicapent en aucun cas la puissance impressionnante dont fait preuve le combo.

En tant que tel, ce live représente une pièce maîtresse du Black moderne qui refuse de se focaliser sur les tonalités les plus abruptes, mais il est aussi un parfait résumé du parcours des Anglais, et dessine assez bien les contours d'une métamorphose qui a bénéficié d'un temps de maturation conséquent. Il fait appel aux sensations les plus viscérales de la musique extrême, mais aussi aux nuances d'inspirations externes qui parfois empruntent au Doom, au Post Black mélodique et nostalgique, et il est vrai que lorsque les guitares se veulent dissonantes dans l'harmonie et que le chant de Wacian se laisse aller à des digressions presque opératiques, la magie opère et on se laisse porter sans vraiment nous demander ce qui nous arrive. 

La richesse de la musique est amplifiée par un son tout à fait adapté, qui ne gomme pas la rugosité des guitares, mais qui permet d'en apprécier toutes les modulations. Les riffs sont énormes et graves, les arpèges s'écoulent avec précision, et même si les vocaux sont parfois en retrait, la bande instrumentale est si travaillée que même la basse parvient à s'y faire une petite place. Si vous êtes fan du groupe depuis ses débuts, ce live rendra honneur à ses trois premiers albums, et comblera votre manque. Sinon, vous y découvrirez un groupe parfaitement en place, qui reste cohérent dans ses variations, et toujours aussi soufflant quelle que soit son approche, d'un Black sombre et étouffant à un Post Black presque avant-gardiste mais jamais pompeux, et très souvent mélodique. 

Evidemment, il est dommage que ce live ne puisse étaler la richesses des compositions de Mut, car avec un son aussi clair, elles auraient été brillamment mises en valeur, mais après tout, nous avons déjà largement de quoi sustenter notre faim de CODE avec ces huit morceaux. En tout cas, Live in The Netherlands est un formidable témoignage de la musique de ce groupe à un instant T, et il est amusant de constater à quel point il a changé depuis cette performance.

Qui sait ce qu'ils nous réservent à l'avenir, et quelle forme prendra le successeur tant attendu de Mut, qui nous avait déjà salement surpris de ses parti pris. 

CODE est un groupe qui mérite une attention particulière, et ce concert vous permettra de pénétrer son univers via une visite guidée très soignée.