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Metal and Oddities Reviews
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27 mars 2016

DAGHRAVEN - #1

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Consouling Sounds - Dark Ambient Drone - Belgique - 26 Mars 2016 - 8 titres – 57 minutes

La logique d’analyse, la pertinence…parfois, il faut savoir mettre ces données de côté et laisser parler le cœur et l’âme… 

Les chansons, même si elles sont parfois loin du sacro-saint format intro/couplet/refrain/couplet/refrain/pont/refrain, répondent toujours à un besoin ordonné, presque trop plié et discipliné. Il faut de temps à autres laisser les mélodies respirer, les sons évoluer, même si leur mutation est lente, ou presque statique. Et puis d’abord, qui a parlé de mélodies ? Est-ce un besoin viscéral ? Et si pour une fois, nous abandonnions cela pour nous concentrer sur les textures, les strates, les vibrations, et les ambiances ?

Si je vous propose ce deal, c’est parce que c’est celui que les Belges de DAGHRAVEN m’ont mis en main cet après-midi. J’aurais pu refuser, mais j’ai accepté, parce que j’avais besoin d’aller au-delà. Et le voyage extra muros qu’ils m’ont organisé m’a effectivement montré d’autres perspectives que les sempiternelles digressions Metal ou assimilées autour desquelles je navigue depuis trop longtemps.

 

Concrètement, DAGHRAVEN est le side-project des membres du groupe ILLUMININE, lui-même concept né du cerveau et des sens de Kevin Imbrechts. Evoluant dans un panorama Post Rock à tendance Shoegaze, ILLUMININE a sorti son premier album #1 l’année dernière, et depuis, a reconsidéré ses vues pour se livrer à l’exercice extrêmement difficile du Dark Ambient louchant légèrement sur le Drone. En aparté bien évidemment…C’est ainsi qu’est né ce…#1, qui montre en premier lieu que Kevin n’aime pas s’attarder sur des détails nominatifs, et préfère laisser la musique parler d’elle-même.

 

S’il en est grandement question dans son projet initial, elle est ici exprimée sous une forme beaucoup moins nette, aux contours bien plus abrupts, et pourtant, une indéniable mélancolie s’en échappe, comme des volutes émanant d’une fenêtre alors que la maison elle-même est en feu. Les huit pistes de ce premier effort parallèle peuvent se définir selon l’onirisme qui les guide, et plus prosaïquement, rappellent les travaux de LUSTMORD, dans une version bien moins brute et plus ciselée. Mais la démarche reste la même, s’envoler, regarder le monde d’en haut, et puis fermer les yeux et le deviner dans l’obscurité. 

Si dès le départ, cette forme d’expression musicale vous rebute, vous pouvez quand même tenter l’expérience, tant les structures sonores de #1 sont progressives et envoutantes, et ne ressemblent pas à un vulgaire empilage de couches contextuelles grondantes et répétitives. Il y a de l’harmonie là dessous, une façon de concevoir l’art en le réduisant à sa forme la plus formelle, et il n’est pas impossible d’y deviner la bande son d’un film de l’âme, dont chaque image appartient à l’auditeur même. DAGHRAVEN parvient à mélanger les espaces et les époques, et introduit des clichés du passé dans la réalité du présent avec une délicatesse inouïe (« De Tand Des Tijds », et sa mélodie introductive désuète mais envoutante), et ne se contente pas de laisser son inspiration divaguer du côté obscur pour n’en ramener que de vindicatives secousses sans réelle substance. 

Et sous cette pochette sublime au noir et blanc tout aussi inquiétant que ses personnages, se cache un LP certes totalement dévoué au Dark Ambient le plus sombre (« Gedane Zaken Nemen Geen Keer »), mais qui laisse filtrer la lumière d’un classicisme harmonique à l’ancienne (la partie de piano spectrale et mécanique du superbe « Ten Dans in Tranendal »), tout en parsemant ses vibrations d’arrangements subtils et à peine perceptibles, qui transforment une simple fréquence en cauchemar éveillé (« Op De Laatste Rij, Daar Zwijgt Ge Niet », un souffle, de l’écho, et ces notes frappées dans le lointain qui ne rassurent absolument pas…). Si les pistes sont volontairement très longues, le final explose le peu de retenue qui restait, et dispense un presque quart d’heure de terreur sonore sans garde-fou, comme une sirène macabre résonnant dans la nuit, et qui ne trouve écho que dans la peur séculaire d’un enfant caché sous ses draps. La progression de « Ten Halve Gekeerd, Ten Hele Gedwaald » traverse le froid glacial d’une histoire qui pourrait être la vôtre, mais qui perce les siècles de sa noirceur absolue, tout en ramassant de çà et là des bribes d’espoir sous la forme de morceaux de mélodies qui traînent à même le sol.

 

Il est évident que si le style n’est pas votre option habituelle, voire épisodique, l’écoute de ce premier album de DAGHRAVEN risque de se montrer ardue, voire impossible.

D’où mon préambule de départ. 

Il n’est donc pas interdit d’attendre autre chose de la musique qu’un semblant de réactions primaires qui font rechercher la logique et cohérence en premier lieu, avant l’inspiration et la liberté de création. Certes, l’Ambient n’est pas la finalité de tout musicien ni public, mais lorsqu’il est la conséquence d’un choix et non la finalité d’une motivation basique, il peut se montrer plus fertile que bien des essais dits « logiques », et ne pas se contenter de recycler les sempiternels mêmes agencements bruitistes sans queue ni tête vaguement arrangés sur un sampler ou un multipistes virtuel.

Et l’œuvre de DAGHRAVEN, bien que pouvant paraître froide et unidirectionnelle, est au contraire chaudement analogique et humaine, dans ses contradictions. Il faut certes faire un effort pour y percevoir les stigmates d’une bataille séculaire entre le bruit et l’harmonie, mais une fois découverts, ils vous sautent aux oreilles très crument. 

Mais il en est des voyages comme des épreuves. Certains se font seuls. Mais en fermant les yeux, vous pourrez à l’écoute de #1 sentir des fragments de temps vous frôler les souvenirs, comme si vous traversiez les siècles inconsciemment.

C’est tout du moins MA version des faits. Qui est loin d’être la seule…

 

 

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