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Metal and Oddities Reviews
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6 novembre 2015

WHEELFALL - Glasrew Point

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Sunruin Records - Post Sludge - France - 19 Septembre 2015 - 14 titres – 73 minutes 

Non, la vie n'est pas un long fleuve tranquille. Ni un petit ruisseau au clapotis rassurant, et encore moins une jolie rivière traversant des paysages boisés et fleuris ou règne le silence. La vie c'est une aventure, humaine principalement, qui nous oblige à passer des étapes, à faire des choix souvent douloureux, à abandonner des instants chéris et des personnes qu'on aime. Mais nul ne vous oblige à le voir ainsi, c'est ma conception. Pourriez vous affirmer tout de go que vous êtes le même aujourd'hui que celui que vous étiez il y a vingt ans?

Parfois, la mutation s'opère en un laps de temps encore plus réduit. C'est radical, pour le moins, on peut appeler ça l'adolescence ou la crise de la quarantaine. Dans le cas de WHEELFALL, la première option s'impose, vu le jeune âge de la formation. Mais leur puberté va sans doute laisser des traces profondes dans leur mémoire, ainsi que dans celle de leurs fans. 

WHEELFALL depuis 2009 faisait une obsession, un peu comme un gamin fasciné par les maquettes ou une jeune fille par ses désirs de princesse. Ils étaient obnubilé par le Stoner, celui de KYUSS et de FU MANCHU, par la science fiction à la Moorcock, et ils n'en démordaient pas. On leur sentait une carrière tranquille, sans heurts, parsemés de disques enfumés et de routes embrumées, de déserts caniculaires et d'apparitions du troisième type. Ca paraissait évident, mais c'était mal connaître les musiciens. Et surtout, leur sens de la créativité et leur ambition. 

Alors le nouveau projet s'est dessiné, petit à petit, et de simple concept, il est devenu roman. Exit les tics immédiats d'Interzone, bonjour la complexité, la richesse et la prise de risque. Mais attention, ils vous préviennent, "Il ne s'agit pas d'un revirement stylistique opportuniste". Et non, ça ne l'est point. C'est un désir pieux d'avancer, de continuer l'histoire, en l'éclairant d'un soleil différent, aussi puissant, mais plus sombre. Roman donc. Et, toujours selon les responsables, "plus proche d'Edgar Poe, de Kafka" que leurs anciens traumas CronenbergiensEt pour l'illustrer en musique, un virage devait être pris. Assez doux au départ, mais proche du 90 degrés au fur et à mesure des pistes. Du Stoner, il reste l'approche abrasive de la musique, mais on peut l'affirmer bien haut, WHEELFALL semble avoir basculé du côté sombre de la force Post, avec quelques touches Indus et Ambient, à tel point qu'il est parfois difficile de les reconnaître. 

Glasrew Point se présente en version physique dans un splendide digipack, séparé en deux volumes sur lesquels trônent...des arbres. Deux fois sept morceaux, et presque soixante quatorze minutes de musique, soit le maximum autorisé. Mais n'allez pas croire que les Nancéens aient cédé à la facilité du remplissage, puisque tout ici a été pensé de A à Z, et composé avec attention. Mais autant vous prévenir tout de suite, l'écoute est âpre, demande de l'implication, de l'investissement, et il est impossible de l'aborder d'une oreille distraite, ne serait ce que par respect. 

Le premier tome est d'importance, et laisse la part belle à la violence crue et plus ou moins larvée. Quelques réminiscences de l'ancien WHEELFALL subsistent encore, par touches parcimonieuses, comme sur l'introductif "Dead Eyes" et ses riffs épais qui se font maltraiter par un chant rauque et grave. Mais inutile de capitaliser sur ce réconfort passager, puisque la suite vire de bord, et sans précaution. S'il est difficile d'extraire des points fort d'une première partie homogène, sauf en isolant le cas explicite de la simple transition ambiante "Now Wakes The Sea", impossible de passer sous silence le long et terrassant "The Drift", qui tutoie les abysses avec son Doom atmosphérique morbide. Sur ce segment, tout se met en place doucement, progresse, étoffe le volume sonore de guitares à l'agonie, et ratisse les chemins arpentés par NEUROSIS, ou le CELTIC FROST de Monotheist, tout en gardant le cap sur un Post très lourd et très cadré. Le final assourdissant vous vrille les tympans de ses échos en stridences, et trouve son apogée dans une litanie funèbre, avant que "Pilgrimage" n'introduise l'élément acoustique qui semble apaiser un morceau à la teinte PARADISE LOST. 

Cette première partie est tellement riche qu'une description fidèle ne saurait lui faire honneur. De nombreuses variables sont à prendre en compte, et une fois assemblées (Post Hardcore, Doom, Sludge vraiment ténébreux, mais aussi de légères traces Black et quelques touches acoustiques), s'assemblent dans un puzzle inextricable qui se mue en labyrinthe de l'âme. Eprouvant, mais on en ressort perturbé, et surtout époustouflé. Pas une seconde de stérilité, pas une once de banalité, c'est déjà, et à peine à mi parcours, une réussite bluffante. Mais le second tome vous attend, pour une fois de plus vous aiguiller sur une autre voie... 

"Rien de guilleret mais quelque chose de sombre et malaisé qui interroge des préoccupations très actuelles : l’hyper-connexion, la solitude qu’elle provoque paradoxalement, le nihilisme aussi." 

C'est ainsi que le groupe résume sa démarche actuelle. Et si le premier volume semblait abonder dans ce sens, le second entérine ce postulat, de façon beaucoup plus introspective. Mais la noirceur n'a pas forcément cédé la place à une illumination soudaine, comme le démontre l'obscur et presque Occult Doom "Shape Shifter", et même si la partie ambient instrumentale "A Night Of Dark Trees" va humer son essence au plus lointain de l'espace, elle conserve cette touche inquiétante qui caractérise ce deuxième chapitre. Les riffs pesants se veulent à la limite d'un Post Black Indus terriblement malsain ("The Skeptic And His Shadow", même ISIS ou SUN O)) pourrait s'en offusquer), et parfois, la contemplation nihiliste cède le pas à l'action déterminée, à l'occasion d'un "Sound Of Salvation" qui agresse et manipule les rythmiques les plus heurtées pour l'occasion. Et la grandiloquence de "Return Trip" rapproche encore plus le groupe d'un Black dense et cathartique, rappelant le EMPEROR le plus ambitieux, tout en gardant en mémoire le visage déformé d'un MORGOTH entre deux eaux, celles de Odium et de Feel Sorry For The Fanatic.   

"Glassrew Point en quelques titres, appose sur le cortex une empreinte sombre et glaciale que l'on est pas prêt d'oublier." 

Ce qui pourrait passer pour un argument promotionnel pétri de suffisance est pourtant un simple fait. Avec Glassrew Point, WHEELFALL est devenu unique en son genre, et signe son grand oeuvre, qui en effet risque de laisser de profonds sillons dans l'histoire de l'extrême. On ne naît pas forcément créateur majeur, mais on peut le devenir. Et lorsque la mutation s'opère, la douleur est immense, mais son retentissement gigantesque. On peut parler de chef d'oeuvre, le mot n'est pas usurpé.

On peut aussi parler d'une pièce musicale viscérale qui n'a pas fini de hanter vos nuits. Mais les nuits de WHEELFALL sont plus belles que vos jours, passés à attendre près d'une rivière de la vie qu'on se plaît à croire tranquille. 

 

 

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