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Metal and Oddities Reviews
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7 novembre 2015

ALL HELL - The Red Sect

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Horror Pain Gore Death Productions - Blackened Thrash - USA - 16 Octobre 2015 - 10 titres – 31 minutes 

Il ne savait presque pas jouer, et chantait très mal. En plus, pas de bol, il était né en Suisse. Et la Suisse dans les années 80 n'était pas au Métal ce qu'elle était à l'évasion fiscale. C'était le désert complet, surtout lorsqu'on était fan de VENOM, de la NWOBHM et du Punk Anglais. Mais il jouait, il s'en foutait, un peu comme son confrère Quorthon le faisait un peu plus haut au Nord. Il lâchait des riffs sombres et bizarres, chantait d'une voix atone et glaciale, parlait de satanisme, d'occultisme, mais au fond, il n'y croyait pas vraiment. Il voulait juste se faire remarquer, et se barrer de chez lui. Avec son maquillage cheap, qu'on appelait pas encore corpsepaint, tout le monde se foutait de sa gueule, et pourtant, il continuait, composait des hymnes à la mort et à l'enfer, invoquait des démons, et à fini par se faire remarquer. Par la presse d'abord, qui s'est copieusement acharnée sur lui et sa "musique" primaire. Par une poignée de fans, bientôt dévoués, et acquis à sa cause. Et parmi ces fans, certains ne s'en sont jamais remis. Ils ont eux mêmes fondé des groupes, sorti des albums, et rendu hommage à leur tour.

Mais lui s'en foutait. Il n'était pas sataniste, et jouait cette musique étrange et sommaire parce qu'il ne pouvait pas faire mieux que ça. 

Lui, c'est Tom Warrior, né Thomas Gabriel Fischer. Il a fondé deux groupes qui ont plus influencé le Métal extrême que n'importe qui, et personne ne l'a oublié, surtout pas PARADISE LOST, OBITUARY, WARHAMMER, DARKTHRONE, BULLDOZER ou...ALL HELL. Oui, ALL HELL a beaucoup écouté CELTIC FROST, mais s'est surtout passé en boucle toutes les démos et l'unique EP de HELLHAMMER, la bête noire des critiques des mid 80's. Ce trio honni pour avoir osé commettre l'impensable, enregistré des choses aussi répugnantes que "Triumph Of Death" ou "Massacra". Mais toutes ces déviances glaciales et ténébreuses ne sont pas tombées dans l'oreilles des trois sourds que sont J. Curwen (guitare et chant), K. Henderson (batterie) et E. Ballantyne (basse), qui aujourd'hui répètent les leçons apprises, par l'entremise de leur deuxième LP, The Red SectThe Devil's Work posait les bases, le petit dernier les approfondit. Rien n'a changé dans le fond, et la forme est à peine remaniée, disons plutôt "professionnalisée". On pourrait les accuser de plagiat, mais ils assument complètement leur addiction, au point d'arborer les t-shirts d'Hellhammer sur les photos promo, et de citer les deux premiers groupes de Warrior comme influences principales. Mais il est vrai qu'après trente seconde d'écoute, le doute n'est plus permis.

Tout est là, résumé en à peine une demie heure. Sorti il y a trente ans, cet album se serait gentiment fait étriller par les journalistes allergiques à toute forme de brutalité primaire. Ceux là même qui raillaient VENOM, HELLHAMMER et BATHORY en disant qu'ils n'avaient aucun avenir, et que tout le monde les oublieraient très vite. Les mecs d'Enfer Magazine s'en serait donné à coeur joie, reléguant The Red Sect aux colonnes serrées de la rubrique "Et pourtant, ils tournent!" et expédiant l'article en quelques signets. Mais veuillez leur pardonner: ils ne comprenaient pas, et venaient d'une autre génération. 

Plus prosaïquement, ALL HELL pioche, emprunte, et sans chercher de fausses excuses. Un morceau comme "In My Command", le plus long de l'ensemble, aurait sans peine pu figurer sur Apocalyptic Raids ou Morbid Tales, puisque son riff taquine "Dethroned Emperor" et "Morbid Tales" avec une joyeuse arrogance. Le chant de J. Curwen adopte les mêmes tics que Tom, la même atonalité, et la rythmique avance, sans se poser de questions, en assurant le minimum de créativité. Si "Crossroads" s'amuse à indiquer une fausse route purement Black, il retombe vite dans le mimétisme élogieux, astuce que "Venomous" ne s'amuse même pas à rééditer, en s'enfonçant directement dans les abysses du FROST sans mettre son bonnet ni ses gants. "Blood For The Baron" en fait de même, mais salue au passage les ancêtres de DARKTHRONE avec ce Black N'Roll démoniaque et survitaminé. "Blackshape" rappelle d'ailleurs plus les Norvégiens que les Suisses, alors que "The Unseen" revient sur les terres gelées de Morbid Tales à grands coups de riffs sépulcraux (mais place quelques blasts bien sentis, histoire de ne pas passer pour des nostalgiques indécrottables). 

Cette passion aussi dévorante soit elle n'empêche pas le trio US de proposer quelques petites choses plus personnelles, à la lisière du Punk Thrash légèrement teinté de Black. Ainsi, le final éponyme laisse place à une belle embardée glauque et compacte, avec enfin quelques fantaisies rythmiques, "Mass Possession" cite la vague sud américaine de revival Thrash de ces cinq dernières années, et tombe sous le charme d'un vieux SEPULTURA en version moins torturée, tandis que "Funeral Feast" provoquerait presque des insomnies chez le Cronos de 81/82, avec son allégeance à peine déguisée à "Black Metal". 

Globalement, c'est une affaire qui roule. Une affaire de fans principalement, mais qui ont su faire fructifier un enseignement involontaire, écrit il y a maintenant plus de trente ans.

Sans vraiment le connaître, je pense que Tom serait quand même un peu fier de tout ça, même si au fond, il s'en fout un peu. Lui qui n'a même pas fait exprès de rentrer dans le costume serré de musicien le plus haï de son époque.

Aujourd'hui, pour les ALL HELL, c'est plus facile bien sur. Mais même avec trois décennies de retard, The Red Sect reste un très bon revival qui s'écoute sans effort, et qui nous replonge dans cette période bénie ou presque tout restait à inventer en matière de musique extrême. On peut les remercier pour ça par exemple. A savoir maintenant si la fascination saura évoluer en aura intime.

Car après tout, HELLHAMMER aura fait le tour du style en seulement quatre ou six morceaux, tandis que d'autres ont bâti toute une discographie en se reposant sur eux. 

C'est ça d'être un pionnier après tout.

 

 

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