MERCY KILLING - Euthanasia

Thrash - Brésil - 20 Octobre 2015 - 15 titres – 37 minutes 

L'euthanasie, vaste débat...Lorsque la douleur transforme un être humain en légume incapable de se prendre en charge, devant supporter des doses massives de calmants, cliniquement mort, a t'on le droit de mettre fin à sa vie?

J'ai une opinion sur la question, mais nous ne sommes pas ici pour parler éthique et dignité, mais bien de...Thrash.

Et le cas de MERCY KILLING est assez intéressant d'un point de vue analogique...Car le quatuor Brésilien mine de rien est un des plus anciens encore en activité, puisque son émergence date de 1988, alors qu'ils résidaient encore à Salvador (aujourd'hui, ils habitent Curitiba, mais c'est anecdotique en soi). A l'époque, influencés par la scène Européenne et US, ASSASSIN, KREATOR, SOD SLAYER et EXODUS en tête de liste, ils sortent donc au bout de cinq ans une première maquette, Toxic Death, en 1993, sans savoir qu'il leur faudrait plus de vingt ans pour que leur premier LP voit le jour. Entre temps, plusieurs autres démo, Living In My Madness, deux ans plus tard, et puis un hiatus jusqu'à 2001, enchaînant encore trois sorties à raison d'une part an, avant de sombrer dans le silence une fois de plus. 

On les retrouve en 2013, avec The Thrasher! nouvel épisode de quatre titres les préparant à attaquer de front ce premier longue durée, qui se veut en fait un résumé de leur carrière plus qu'un véritable signal de départ. Il en aura fallu de l'abnégation pour en arriver là, mais grâce à la générosité des contributeurs, ils peuvent enfin fièrement montrer leur premier CD à la face du monde, CD qui se cache sous une pochette classique des 80's, pour un Thrash qui ne l'est pas moins. Si j'ai bien compris les tenants et aboutissants, Euthanasia recoupe en quelque sorte tout leur matériel depuis leurs débuts, piochant dans chaque démo le ou les titres qui constituent leurs classiques, réenregistrés bien sur et remis au goût du jour. Ce goût du jour, quel est il?

Un Thrash sans fioritures aux entournures, qui bénéficie d'une production compacte et mate, et qui permet au quatuor de se replacer sur l'échiquier sud américain, voire mondial, car leur agressivité mâtinée d'une bonne dose de Hardcore légèrement Crossover à de quoi séduire les masses thrashantes. 

Le chant féminin aux intonations rauques et graves rappelle bien évidemment les grandes figures du genre lorsqu'il était mené de front par des femmes, et de HOLY MOSES à DETENTE en passant par nos WITCHES nationales, les allusions sont multiples, quoique MERCY KILLING soit plus Hardcore que les Allemands, Américains ou Français. Une grosse basse à la Lilker/Bello donne de la souplesse à tous les morceaux, qu'ils soient volontairement Heavy ou très Thrash, même si la vitesse moyenne reste très raisonnable. Mais avec des compositions solides, la plupart du temps concises et courtes, le voyage s'apparente à un road trip à travers l'Europe de 1986/88  en bus d'occasion, en compagnie des NUCLEAR ASSAULT et HOLY MOSES, avec toutefois à l'arrière du véhicule, la présence inopinée d'OVERDOSE, les héros locaux, pour cette patine un peu bestiale et primaire. 

Les structures sont assez étonnantes, comme si le groupe avait voulu adapter son Thrash à un contexte Hardcore, et le format court tient le haut du pavé. La plupart des titres sont brefs, efficaces, et se contentent d'aligner des riffs percutants, portés par une rythmique puissante et violente. Ainsi, on passe d'une attaque éclair ("Ghost Perdition" et son intro à la SEPULTURA des débuts) à une longue dérive bien Heavy ("Born To Kill", sombre, avec cette basse qui claque et ces guitares redondantes qui ne sont pas sans rappeler MORTAL SIN), en transitant par un mi chemin up tempo qui cavale à bonne allure ("Redress", mélange subtil de DETENTE et EXCEL). Mais l'essentiel est dit, et c'est ce qui compte. Le chant de Tatiana, sourd, grave, est parfaitement à son aise au milieu de ce chaos maîtrisé, même si la production très compressée étouffe parfois certaines parties. On sent bien que les racines du groupe sont profondément enterrées dans un sol 80's, sans pour autant que MERCY KILLING ne passe pour une attraction exotique du passé. 

Une fois de temps en temps, la cadence accélère, et on passe un cran dans la brutalité, retrouvant les rythmiques franches d'il y a presque trois décennies ("Newborn Child", qui n'aurait pas déparé sur le deuxième album des HOLY MOSES), ou à l'opposé les traces d'hybridation entre le Hardcore made in NYC et le Métal purement Californien ("The Thrasher!", hymne en puissance). Mais l'ensemble fleure bon la nostalgie de qualité, et faire son marché parmi les quinze titres de ce premier album n'est pas chose ardue, tant tous ont quelque chose à proposer. Avec toutes ces années d'expérience, le combo sait parfaitement qui il est et ce qu'il veut, et ça s'entend clairement sur certaines compositions en équilibre entre le passé et l'avenir ("Down The Power" et son solo d'anthologie, vibrato hystérique en bonus). 

Inutile de chercher la petite bête, Euthanasia n'est rien de plus qu'une ode au Thrash le plus franc et direct, qui ne rechigne pas pour autant à trouver de petites idées pour booster son propos. Et l'allégeance de MERCY KILLING à un style qu'ils connaissent par coeur fait plaisir à voir, et on se retrouve ravi qu'ils aient enfin pu sortir ce disque qui aurait pu/du voir le jour il y a très longtemps.

Mais la vie est ainsi faite, et acheter ce CD serait le plus bel hommage que vous puissiez rendre à ce groupe attachant.

Il eut été dommage de les débrancher avant...Comme quoi, la patience peut parfois venir à bout des situations les plus complexes, et il convient d'y croire jusqu'au bout...Tel est le message que j'en ai retenu en tout cas!