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Metal and Oddities Reviews
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8 décembre 2015

SYLVAINE - Silent Chamber, Noisy Heart

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Sylvaine Music - Atmospheric Post Metal - Norvège - 14 Novembre 2014 - 10 titres – 52 minutes 

D'ordinaire, un album comme Silent Chamber, Noisy Heart n'aurait pas passé la première sélection, et même, j'ose le dire, je n'y aurais pas pensé une seule seconde. Artiste solo, pochette évanescente, emprunte Heavy Symphonique presque gravée en filigrane, noyé dans les mails reçu, il n'aurait eu aucune chance. Tout ça sent trop le démarquage NIGHTWISH, EPICA, et toute la vague Néo-Symphonico-Progressive de ces dernières années. Et puis, je me suis souvenu de l'album d'Amanda Sommerville, Windows, qui malgré ses multiples collaborations avec Michael Kiske et ses errances Power m'avait fasciné au plus haut point, et je me suis alors dit que parfois, l'exception fait règle. Et je l'ai finalement écouté. Et même si certaines de mes impressions n'étaient pas vraiment fausses, la globalité était bien différente de mon ressenti à priori.

Car Silent Chamber, Noisy Heart est un beau disque, de A à Z, de la pochette à la production, de la première à la dernière note, même s'il n'échappe pas toujours à certains systématismes. 

Ce qu'il convient de noter avant tout, c'est que la Norvégienne est une artiste qui s'est faite toute seule. Pas seulement parce qu'elle joue de tous les instruments, ou qu'elle compose, écrit, arrange à sa façon, mais surtout parce qu'elle s'est construit un univers bien à elle, à mi chemin entre le rêve éveillé et sombre à la Tim Burton, des dédales de l'esprit de Lewis Carroll, mais aussi de l'opacité narrative et poétique de Xavier Forneret, ou la musique et littérature européenne des 19ème et 20ème siècle. Sylvaine a placé son univers dans un cocon de créativité personnel, et même si elle emprunte de ci de là quelques images, des mélodies, elle est parvenue en un seul LP à nous convaincre de l'unicité du personnage qu'elle s'est créé, un personnage qui bien sur tire son caractère de celui de sa conceptrice, mais aussi de la musique qui émerge de son âme, de son corps, de son regard. 

Ici, tout est musique, tout est ressenti. On peut penser au gré des vagues harmoniques au Folklore nordique, pour ces guitares acoustiques qui flottent le long d'une rivière de percussions, au Post Rock Américain pour ces digressions contemplatives qui ne restent pourtant pas en surface, mais aussi au Hard Rock plus Européen par touches fugaces. A dire vrai, la musique de Sylvaine sur ce premier album se ressent plus qu'elle ne s'écoute, c'est un travail de passionnée, le travail d'une artiste qui s'est donnée corps et âme pour faire passer ses émotions dans sa musique, et qui au final nous embarque dans son univers en faisant simplement appel à des réactions émotives de base. La musique, le ressenti, et pourquoi pas, l'amour. On la devine un peu créature mythologique ou fantastique, à mi chemin entre la Goulve et la Sirène, dans une dualité de caractère qui envoûte et fascine. Mais elle n'est qu'à l'image de sa musique, qui se laisse porter par les sentiments et les humeurs... 

Au delà de cette imagerie au propos secondaire, Silent Chamber, Noisy Heart est par contre à l'image de son titre. Beaucoup d'espaces vides, comblés en arrière plan par un flot de pensées, concrétisant en musique le tableau solitaire d'une femme en prise avec les aléas de son coeur dans une grande chambre isolée. Pour autant, la place n'est pas laissée à la violence, mais plutôt à une introspection toute en retenue, qui utilise les guitares du Post Rock et du Shoegaze, pour y plaquer des lignes vocales contemplatives, en nappes, qui planent au dessus de la brume d'un Rock maîtrisé, et surtout, impressionnant de contrôle.

Le tout forme un tout, ce qui peut paraître lénifiant, mais qui signifie beaucoup une fois le concept assimilé. On pense irrémédiablement à un THE GATHERING de fin de parcours avec Anneke, pour ces arpèges qui tombent comme des feuilles en automne, mais la production qui confère une aura sobrement électronique peut aussi évoquer les MUSE sans tomber dans leur pathétique grandiloquence. 

A dire vrai, le phare dans la nuit est sans conteste la voix de Sylvaine, car l'interprète connaît ses capacités et ses limites, et reste maîtresse des émotions qu'elle transmet. Elle a simplement adapté sa musique à ses possibilités, qui sont sans aucun doute légèrement bridées par le concept même de l'album. On sait qu'elle est capable de monter bien plus haut, de crier bien plus fort, mais elle n'en a pas besoin, elle préfère laisser la musique officier dans ce créneau. Elle ne se prive d'ailleurs pas de placer quelques exceptions plus énergiques, comme en témoigne "A Laugh In a Sea Of Sorrow", rapide promenade Rock aux arrangements de basse qui virevoltent. 

Pas vraiment de point de concentration, si ce n'est peut être le morceau éponyme, grave, sombre et pourtant lumineux, qui évite tous les pièges de la redite, et se concentre sur une acoustique délicate, hantée par un chant spectral et pourtant terriblement humain. Voix caressante, rythmique en songe de nuit blanche, et invocations mélodiques...C'est beau, apaisant, et pourtant, caractéristique d'un esprit et d'un coeur qui se cherchent l'un l'autre dans les ténèbres de questions sans réponses.

La beauté virginale et immaculée de "Seraphim", court interlude ambient est aussi un moment d"émotion total, qui fonctionne comme une transition, des larmes qu'on sèche lorsqu'une bouffée soudaine d'euphorie vous envahit. 

Mais qu'il est inutile de tenter tout ça, et la plupart du temps, on laisse la musique pénétrer en soi, pour s'en imprégner, et tenter de percer le mystère Sylvaine. Certains critiques y ont vu une couleur automnale, pourtant, et sans me référer à cette pochette hypnotique, je préfèrerais parler d'hiver, un hiver nordique, blanc, à peine secoué par un vent doux mais froid.

Un hiver qui vous confine à l'intérieur, et vous oblige à vous faire face. Une nature qui devient soudainement monochrome, cachant ses reliefs sous des centimètres de neige. Shoegaze, Post Rock, Pop, que sait on vraiment de la musique de Sylvaine après tout? 

Pas grand chose, ce qu'elle veut bien nous confier. Des mélodies incarnées et douces/amères, des guitares qui carillonnent, une voix qui plane, qui pénètre et s'en va soudain au loin. Mais surtout, beaucoup d'humanité, du rêve, et beaucoup d'apaisement. Un REM près de la cheminée qui a oublié Athens en succombant au charme d'Oslo.

 

"La mélancolie est le son d'une nuit d'hiver" disait Virginia Woolf. Silent Chamber, Noisy Heart pourrait être résumé ainsi.

 

 

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