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Metal and Oddities Reviews
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20 mars 2016

SUNNATA - Zorya

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Post Doom - Pologne - 11 Avril 2016 - 5 titres – 50 minutes

Le Doom, on connaît. Très bien même, mais éventuellement, nous pourrions lui accorder le crédit de quelques modulations selon ses origines. Anglais, il suit à la lettre les préceptes du SAB. Américain, il s’imprègne la plupart du temps de Nola, et s’embourbe dans les marécages sombres de son patrimoine. Européen, il module, serpente, et mord à l’occasion. Mais quelle que soit son approche, le résultat est connu. De la lourdeur, en masse, des riffs qui se lamentent dans l’écho de leur propre répétition, et au final, la machine n’avance plus, et n’impressionne plus guère que quelques aficionados indécrottables.

Jusqu’au jour où quelqu’un graisse les mécaniques, huile les rouages, et permette une avancée majeure. Que cette même personne occulte les messes noires, les capuches, et laisse filtrer la lumière pour permettre à l’espoir de passer entre les persiennes de l’absolutisme.

Du coup, peut-on encore parler de Doom en ce cas précis. Qu’en sais-je ? 

Les Polonais de SUNNATA s’en définissent pourtant. Et parlent même de Post Doom, ce qui semble être l’option la plus viable dans leur cas précis. SUNNATA, étymologiquement, c’est le vide. Zorya, tout le contraire. Dualité ou dichotomie, du vide émerge la matière, ainsi est née l’évolution et continuera son chemin progressiste pendant des siècles, nous ramenant peut être au néant. Le néant, c’est justement la préoccupation majeure de beaucoup de leaders du genre. Faire tourner un riff jusqu’à épuisement, laisser la guitare exsangue et la rythmique nouée de crampes à force de retenir ses coups. Mais en Pologne, on porte un autre regard. Plus ouvert, sans œillères, ce que démontre avec force, fougue, mélodie et plénitude ce second album du quatuor, déjà responsable d’un majestueux Climbing The Colossus qui avait éveillé les consciences.

Et Zorya, plus que de confirmer la réputation naissante de SUNNATA va la faire exploser, comme cet album a fait exploser les barrières entre Doom, Sludge, Post Métal et Hard Rock fuzz.

 

« Une exploration de la nature fugace du son, remplie de changements abrupts et d’une overdose de distorsion ».

 

Grâce aux arguments promotionnels parfois, le travail de chroniqueur devient simple. Car outre l’accroche de com’ que cette déclaration impose, la vérité s’y dissimule en filigrane et définit à merveille le contenu de ce second longue durée qui dès le premier morceau prouve que l’on va enfin assister à quelque chose de différent. Si l’analogie phonétique pourrait laisser assimiler les SUNNATA à un énième démarquage soft de SUN O))), la réalité est tout autre. Et même si on vous a fait ce coup pendable des centaines de fois, je vous l’affirme, Szy (chant), Gad (guitare), Dob (basse) et Rob (batterie) sont uniques en leur genre. Les quatre ont tourné avec UFOMAMMUT, SUMA et cette précision somme toute anecdotique est pourtant révélatrice d’un esprit d’ouverture et de symbiose.

En cinq morceaux, longs, amples, Zorya prouve qu’il y a encore beaucoup à faire pour matérialiser la lourdeur, en tout cas autrement que par les sempiternelles litanies robotiques et pseudo hypnotiques qui finalement ne génèrent qu’un ennui profond. 

Et « Beasts Of Prey » le démontre avec ses douze minutes qui ne restent pas bloquées sur un leitmotiv funèbre, mais vont chercher au cœur du Sludge et du Post Hardcore leur matrice. Intro qui gronde et qui grouille, son gigantesque, dissonances spectrales, nous sommes plongés dans le bain Sludgecore sans aucun avertissement, et le développement rappelle les plus grandes fulgurances du NEUROSIS époque Enemy Of The Sun/Through Silver In Blood, sans pour autant tomber dans la pâle copie. Mais les Polonais, aussi admiratifs soient-ils, prennent aussi note des actes désespérés de DOWN, celui des derniers EP,  qui plombe son hommage au SAB de références sudistes à peine cachées. 

Le morceau éponyme calme un peu les ardeurs, et martèle un motif unique pendant plus de huit minutes. Mais loin d’être redondant, ce procédé cyclique fonctionne en spirales concentriques, et enivre, brouille les sens, alors que  « Long Gone » nous offre un point de mire totalement différent. Longue intro aux mirages de guitare mélodiques, puis soudaine percée à travers la lumière qui rayonne autant des chaleurs estivales d’UFOMAMMUT que du froid immaculé et hivernal du KILLING JOKE des mid 80’s. Un tour de force de combinaisons multiples en gigogne incroyable, et qui pourtant, ne dénature aucunement le caractère massif de cette musique étrange. 

Massif, le mot est lâché, sous contrôle. C’est évidemment la caractéristique principale de ce groupe qui s’apparente à un double choc sensoriel, comme un hiver nucléaire succédant à l’explosion d’une bombe, avec des radiations vous brûlant les chairs pendant que le froid vous gèle les membres. A l’écoute de ce second album, et d’une piste comme « New Horizon », l’incarnation prend tout son sens, et ce groove si particulier soutenant des motifs de guitare épars nous fait tressaillir, tout comme cette voix en écho fuzz qui semble provenir d’un rebond de caverne oubliée. 

Et si finalement SUNNATA n’était ni Doom, ni Sludge, ni Post, mais tout simplement hors de tout style ? Les progressions des morceaux pèsent en ce sens, et il n’est pas interdit de voir en ce second LP des prémices d’un genre en gestation, mais déjà parvenu à maturation puisque trop personnel pour être partagé. « Again and Against » penche dans ce sens, avec sa rencontre fortuite entre les MELVINS et PRIMITIVE MAN, fracassant la linéarité sur des stridences assourdissantes, et transperçant ses guitares d’arrangements sonores surnaturels…Riff si imposant que les fréquences en tremblent encore, rythmique en trappe qui vous fait chuter avant de vous relever… 

Mais après tout, pourquoi faire ? Pourquoi chercher à comprendre ce qu’il suffit de ressentir, en tant que tel ? Oublions les étiquettes et ne soyons que sons, textures et strates, comme si nos cellules, nos muscles et nos os se désincarnaient en notes….

Zorya a cet effet-là. Il vous arrache de votre condition humaine pour vous emmener vers un ailleurs. Un ailleurs où la puissance est reine, ou l’amplitude n’admet aucune limite.

Alors, vous parliez de vide, messieurs ? 

Il n’a jamais semblé aussi rempli de sons que sous votre vision….             

 

 

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