HELL BOVINE & LEPRAE - Split

Grind/Noise - USA / Canada - 27 Mars 2016 - 16 titres – 19 minutes

Oui bon j’admets, commencer sa journée par une fournée de Grind Noise, c’est pas forcément le petit déjeuner rêvé. Le matin, on est plutôt croissants, ou pains au chocolat (je n’emploie pas le mot « chocolatine » pour ne pas heurter les sensibilités régionales), mais rarement carcasse de bœuf sanguinolente, ou reste de tripes faisandées de la veille.

Mais moi, la transition choc ne me pose aucun problème. Tout comme je peux, en l’espace de quelques secondes m’émerveiller de la vue d’une mésange, et puis rire aux éclats parce qu’un gosse tombe de son vélo en s’écorchant le genou.

Ici, le principe est le même.

Sauf que les mésanges ont déjà été bouffées.

Split, split, où est tu ? Que dis-tu, que deviens-tu ? Depuis quelques temps, il semble que tu représentes une large partie de mes obsessions, puisque je te chronique presque tous les jours, avec délice je l’avoue. Tu m’offres de jolis décalages entre des groupes qui se ressemblent sans s’assembler, mis à part qu’aujourd’hui tu as choisi l’uniformité.

Du bruit, des gargouillis, du Noise, et rien d’autre.

Tu m’emmènes au Canada, et en Caroline du Sud, autant dire que là par contre, tu joues le grand écart climatique. Mais j’aime ça, d’autant plus que tu me fais rencontrer des ensembles chamarrés à la science du riff presque exacte et au chant velouté.

Tiens, soyons explicite. 

En ce cas précis, tu m’introduis à deux groupes dont je chéris le style. D’un côté, les Américains de HELL BOVINE, qui dès la photo de couverture de leur Facebook affirment avec morgue se vautrer dans la fange NoiseGrind.

De l’autre, les Canadiens de LEPRAE, qui précisent fièrement pratiquer un « Horror and medical-themes oldschool way Goregrind from Canada ».

Comment veux-tu que je ne craque pas, moi qui ai un jour succombé aux attaques des dissections de CARCASS, et me suis trouvé coi devant leurs pochettes de chairs en émoi ? De fait, et malgré une bonne bordée de titres, je peux régler le cas de LEPRAE en quelques secondes, n’est-ce pas merveilleux ? Car oui, les Canadiens sont resté traumatisés par les deux premiers albums de Bill, Ken et Jeff, dont ils reprennent les structures à la triple croche approximative près. Enfin, surtout Reek Of Putrefaction, puisque Symphonies Of Sickness est encore hors de leur portée technique…

D’ailleurs, ils ne s’en cachent pas, puisqu’ils tentent même de reprendre leur « Ruptured In Purulence » et se vautrent dans les grandes largeurs, la faute déjà à un son absolument catastrophique, et à une boîte à rythme si rachitique que même l’équipe complète de Grey’s Anatomy ne pourrait pas la ranimer.

D’ailleurs, en parlant de son, il évolue et mute entre chaque piste, pour le pire et pour le pire, et fait sonner LEPRAE comme un espèce de groupe de Black Gore Grind de pré adolescents apprenant à taquiner leur instrument pour la première fois, un manuel de médecine ouvert sur ce qui leur sert de pupitre. Alors comme d’hab, les noms de maladies, le cancer, les tumeurs, les accidents, les mutilations, et un démarquage de CARCASS qui ne parvient même pas à égaler la pourtant piètre qualité de « production » de Flesh Ripping Sonic Torment, pourtant très abimée depuis longtemps… 

Les Américains de HELL BOVINE ont leur propre enfer et leurs déviances personnelles, et sonnent un peu plus carrés, malgré une nette propension à faire beaucoup de bruit aussi, sous forme de charmants gargouillis. Et puis au moins, ils sont amusants. En témoignent des morceaux Sci-fi Grind Noise comme « Stabbed With A Week Old Baguette » qui sur fond d’oscillations étranges vous indique quoi faire avec un gros bout de pain rassis, ou « Ground Leprosy Burger Smoothie » qui semble être une recette assez étrange de boisson à manger que le chanteur teste lui-même d’ailleurs, avec des effets plus ou moins désastreux sur son organisme. Ne tournons pas autour du crachoir, comme d’habitude, les Californiens du Sud se complaisent dans un Grind à tendance Noise et Gore, le font avec plus ou moins de flair et de brio, mais disposent au moins d’un son intelligible, ce qui n’est pas le cas de leurs compagnons du jour.

Rien de transcendant puisqu’on a évacué le problème de fond du Gore Grind depuis longtemps, mais concédons quand même à ces barbares un certain sens du groove approximatif, comme le démontre le déhanchement de guingois de « Tumblr Exacerbates Vitriol Generously », et quelques velléités dadaïstes sur « Innocuous Rift Support » qui montre des signes de créativité sympathiques. 

Un Split rigolo, qui nous exhume deux représentants de l’Underground bordélique, qui s’ils ne changeront pas le cours de l’histoire bruitiste apportent leur sac poubelle aux immondices. Une nette préférence quand même pour les HELL BOVINE, qui se montrent moins timorés que leurs voisins du Nord Canadien, et qui tentent quand même deux ou trois trucs bancals pour nous tenir éveillés. Barbaque ou gressins, arnaque aux gros seins, comme vous voulez, un truc qui s’écoute d’une oreille distraite et qu’on s’empresse de ranger. 

N’est pas CARCASS ou AGATHOCLES qui veut les amis…