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Metal and Oddities Reviews
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6 avril 2016

YOUTH CODE - Commitment to Complications

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Dais Records - EBM Core - USA - 8 Avril 2016 - 11 titres – 39 minutes

Que pourraient bien avoir en commun, musicalement parlant, un ex-musicien de Hardcore de LA, et une ancienne roadie de Metal bands ? Telle est la question qui serait légitime pour expliquer la combinaison étrange formée par Ryan George (programmation, effets vocaux, synthétiseurs) et Sara Taylor (chant, samples, synthétiseurs), qui depuis 2010 tracent leur route dans un univers aussi abscons qu’hermétique…

Pourtant, ils ne se sont logiquement jamais posé cette étrange question. Non. Ils se contentent de composer, de jouer, et de partir en tournée, les obsessions légitimes de tout groupe qui se respecte.

Ah et puis si. Ils sont tous les deux passionnés par la musique électronique, l’Industriel, l’EBM, et l’énergie brute du Hardcore, utilisée à dessein, et sous des formes assez déviantes.

Vous me répondrez sans doute ceci : 

Michael Gira et Jarboe. Sascha Konietzko et Lucia Cifarelli. Alec Empire et Hanin Elias. Et vous aurez en grand partie, très grande partie raison. 

Oui, le duo YOUTH CODE s’inspire largement de ces influences/références. Oui, ils admirent le vieil Industriel, Wax Trax, SKINNY PUPPY,  mais aussi le Hardcore. Et oui, ils ressemblent beaucoup à ces icônes avec lesquelles ils ont tourné, où qu’ils ont abondamment cite dans leurs travaux.

 

Mais ils en parlent si bien qu’on se prend au jeu, et qu’on finit par accepter l’hommage non comme un plagiat déguisé, mais comme une véritable déclaration d’amour sincère et honnête. Et ces deux vertus se faisant de plus en plus rare dans le monde de l’art, mieux vaut les accepter comme telles.

Au moment de traiter le cas de leur nouvel album, paru sur Dais Records, le doute ne m’assaille pas, puisque je suis convaincu du bien-fondé de leur démarche, et fan de leurs motifs en boucle. Si j’étais lapidaire, je parlerais d’une union logique entre le boulot de Nivek Ogre et celui de Sascha Konietzko, puisqu’il s’agit bien de ça. Les morceaux de Commitment to Complications ne sont rien de plus qu’une révérence bien pliée face à l’importance de SKINNY et KMFDM, avec toutefois quelques nuances de taille. Mais comme le dit si bien Sara elle-même: 

Je pense qu’il est difficile pour n’importe quel musicien de jouer quelque chose de dangereux.”  

La musique de YOUTH CODE est-elle dangereuse ? Non mais elle est efficace, et surtout, si digne d’un passé glorieux qu’il est indispensable de le préciser. A l’inverse de son titre, Commitment to Complications ne cherche pas à s’impliquer dans des situations conflictuelles, mais déclare sa flamme à l’arrière garde avec une candeur et un professionnalisme incroyables.

Et il n’est pas étonnant que dans un désir de contradiction justement, le duo ait choisi « Transition » pour partir en éclaireur, tant ce morceau n’est absolument pas représentatif de l’orientation globale de ce nouvel LP. Rythme ébouriffé, chant hurlé, tapis sonore grondant et opaque, dans un genre d’attaque à la KMFDM de « Drug Against War » accentuée d’une approche MINISTRY de Psalm 69, ce titre ne trouve guère d’écho que dans la violence en écho de «Commitment To Complications » qui adopte la même structure et embrasse la même rage, avant que l’EBM pur ne reprenne ses droits. 

Mais que ceci est bien senti…En prenant le risque de s’aliéner la frange la plus modérée des fans d’EBM synthétique et atmosphérique, les YOUTH CODE jouent un double jeu assez malin en soi. Et si « The Dust Of Falling Rome » se plaît à citer le KILLING JOKE le moins froid et emphatique, « Anagnorisis » retrouve les réflexes de la musique électronique telle que le mythique label Wax Trax en avait défini les bases au crépuscule des années 80. Le KMFDM de Naïve est toujours tapi dans l’ombre, tandis que SKINNY PUPPY laisse défiler ses boucles et samples, regardant de biais un FRONTLINE ASSEMBLY moins prompt à dégainer ses armes qu’à l’habitude.

C’est efficace, incroyablement bien fait, et surtout, respectueux sans être trop onctueux.

A ce moment-là, la cassure est effective, et le reste de l’album adoptera une posture plus figée et froide, sans pour autant devenir stérile, loin de là. 

« C’est étrange à dire, mais je disais depuis longtemps à Sara qu’il fallait introduire sur le prochain album quelque chose d’inédit, ce genre de mélodies, et d’arrangements de cordes et d’orchestres » 

Ryan, en une seule phrase limpide résume mieux que quiconque le contenu de Commitment to Complications. L’incroyable richesse des textures, des couches sonores, des samples, qui prouvent que ce disque est tout sauf un assemblage disparate de sons, vaguement reliés par une narration vocale aléatoire. Cette dualité entre agression et beauté trouve donc son apogée dans la seconde moitié de l’album, qui superpose des strates sonores d’une infinie délicatesse tandis que le chant de Sara garde cette animosité si évidente sur les premiers morceaux, mais plus « vicieuse » dans les suivants.

On peut parler sans crainte du magnifique « Lacerate Widly », qui malgré son titre tout en violence avouée s’aventure presque sur des territoires Trip Hop jonchés de végétation sauvage EBM, et qui développe une progression dominée par les interventions vocales de Sara, qui se meuvent comme un serpent derrière les rochers. 

Et même si « Avengement » renoue avec l’agression crue, ridiculisant au passage bien des groupes prétendument « dangereux », si « Shift Of Dismay » propose un tempo martial sur fond d’invectives crachées du fond de la gorge, « Lost At Sea » referme la porte sur un ultime chapitre troublant, dont chaque son trouve sa place et se justifie légitimement. Le soin apporté aux boucles qui s’intègrent à merveille les unes aux autres autorise YOUTH CODE à développer un puzzle intrigant, sombre en son milieu, et pourtant si apaisant… 

Commitment to Complications aurait pu sortir il y a plus de vingt-cinq ans sans que personne n’y trouve mot à dire. Et même doté d’une production moderne et dense, il peut sans problème prétendre à figurer aux côtés des plus grands albums du genre. Ceux qu’on sort de ses étagères avec un respect quasiment religieux, pour entrer dans une transe musicale hypnotique, mais dansante. Il n’est guère étonnant de savoir que YOUTH CODE a gagné le respect de Genesis P-Orridge lui-même, ainsi que celui de Kevin Ogilvie.

Car plus que des admirateurs, Ryan et Sara peuvent maintenant se considérer sans prétention comme leurs pairs. Etrange mais beau, organique et électronique, viscéral et mental. Pas de complications prévues, mais une jolie dualité beauté/laideur qui épouse la nature humaine de ses ardeurs.

 

 

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