BROKEN TEETH - At Peace Amongst Chaos

Nuclear Blast - Hardcore - UK - 6 Mai 2016 - 10 titres – 30 minutes

Quand on pense à Manchester, UK, et sa scène musicale, on imagine plutôt de gentils crétins habillés comme des clochards qui dansent sur un tempo élastique un peu feignant, l’air pénétré, gobant des pilules qui font rire comme d’autres des smarties. 

Oui, Madchester a laissé une profonde emprunte dans le paysage. Mais pour autant réduire cette ville à quelques allumés de la Dance aux psychotropes serait une injustice totale. Manchester peut aussi s’incarner autour d’une certaine forme de violence instrumentale, que les historiens underground du monde entier définiraient comme « Hardcore ».

Du Hardcore à Manchester ?

Il y a quelques années, ça penchait du côté de l’exotisme et de l’improbable et c’est pourtant une image assez fidèle de ce qui s’y passe aujourd’hui.

Du moins en partie.

Du moins depuis l’émergence d’un petit combo amateur qui maintenant foule les scènes des plus grands festivals du cru, évoluant sous une bannière qui ne laisse aucune place à la confusion. 

BROKEN TEETH.

Oui, les dents cassées, c’est monnaie courante chez les dentistes Hardcore réputés. Pourtant tout ça avait commencé comme une blague, comme une passion dévorante qui semblait avoir du mal à trouver les capacités de ses ambitions. 

« Adam Kelly a chopé une batterie un jour. Il n’avait jamais pris de cours, et moi je ne savais jouer d’aucun instrument, pourtant on voulait vraiment faire un groupe. On a fait un concert trois semaines après notre formation, et comme tout groupe qui ne sait pas jouer, ce fut terrible…Mais nous voulions écrire une musique qui captait les vibrations des 90’s, celles de la scène Core/Crossover. » (Terrorizer)

C’est Dale Graham qui parle, et gageons qu’aujourd’hui, plus personne ne se marre en voyant son groupe sur scène.

Dale et Adam sont bien sûr toujours là, les autres ont changé. Le line up des Anglais n’est pas réputé pour sa stabilité, ce qui ne les a jamais empêchés d’accumuler les EP, 7’’, singles et autres formats. Mais aujourd’hui, c’est au plus conséquent d’entre eux qu’ils s’attaquent. Le LP. Et on ne plaisante pas avec un album. Même dans le Hardcore. Alors, qu’en est-il de ce At Peace Amongst Chaos, qui bénéficie d’une signature et d’une distribution haut de gamme via les géants de Nuclear Blast? Cet album, c’est d’abord une pochette, qui ne cache en rien ses affinités et ses prises de position. Une pochette purement Core avec ses allusions pas du tout cachées aux injustices de la société et à sa violence. Mais ce sont surtout une bonne dizaine de morceaux sans pitié, purement Hardcore, avec cette grosse touche de Metal qui le fait pencher du côté du Crossover que les Mancunéens affectionnent tant. 

On a souvent comparé le quintette (Dale, Adam, Dave, Westy et Nial) aux BIOHAZARD, et le parallèle n’est pas si idiot dans la forme, mais plus discutable dans le fond. On retrouve en effet cette dualité intéressante entre l’âpreté d’un chant purement Hardcore et la solidité fluide des guitares Métal, mais là où les natifs de Brooklyn faisaient souvent rire, les originaires de Manchester ont plutôt tendance à impressionner. Par leur solidité, leur véhémence, et surtout, la puissance d’une musique qui en effet va chercher son inspiration dans les mitigées nineties.

On pourrait aussi parler d’une union étrange entre MADBALL et SLAYER, puisque de façon régulière, la paire de guitaristes s’amuse à recopier les tics sombres de la paire Hanneman/King, pour les intégrer à une rythmique lourde, adepte du downtempo comme du mid bien costaud. D’ailleurs, pour l’anecdote, un des morceaux les plus accrocheurs et lourdement Metal du lot s’appelle « Show No Mercy ». 

Simple coïncidence ? 

Je ne pense pas.

Outre sa violence larvée, BROKEN TEETH peut aussi compter sur un sens du groove inné, comme le démontre le terriblement addictif “Lose My Grip”, qui cette fois ci penche clairement du côté Metal où il va chuter…sans se casser les dents, bien au contraire. Et si le groupe reprend à son compte une autre appellation connue via « Prove You Wrong », ils ne font aucunement allusion au New-York des PRONG et restent campés sur leurs positions Core qui rappellent même l’assise des fabuleux EXPIRE, dans une approche pratiquement similaire. Et oui, c’est un compliment, pas une ironie plagiaire déplacée… 

Pour beaucoup d’entre vous, les différences entre les dix pistes de ce premier album seront imperceptibles. Pourtant le quintette sait moduler, même si les dites modulations sont plutôt discrètes. Changement subtil de tempo, renforcement des riffs un peu plus notable, chant qui éructe plus gravement, il faut faire attention, mais à vrai dire, seule l’efficacité prime. Encore un peu trop compact et systématique pour incarner un avenir différent, At Peace Amongst Chaos n’en est pas moins une solide affaire de Hardcore viril et plombé, et ce, jusqu’à son terme “Riot Of The Mind”, qui semble enfin prêt à exploser par l’entremise de chœurs plus prononcés. 

Mais honnêtement, il est clair que les pontes de Nuclear Blast n’ont pas fait une mauvaise affaire en pariant sur le cheval de Manchester.

Il faudra juste lui apprendre à galoper plus qu’à trotter, mais le jour où il se décidera à laisser ses pattes s’envoler, la course sera gagnée d’avance.