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Metal and Oddities Reviews
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10 juin 2016

ANION - Fractions Of Failure

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No List Records - Sludgecore - Canada - 20 Mai 2016 - 4 titres – 13 minutes

Bio, bio, bio. Selon elle, les originaires de Vancouver n’avaient qu’un seul but dans la vie. Répéter ensemble dans un petit local, pour jouer la musique qu’ils souhaitaient entendre sans se préoccuper des courants et des querelles de style.

Quelle musique ?

Du Hardcore vraiment sale, à grosse tendance Sludge, ce qui me permet donc ce raccourci de Sludgecore que j’affectionne tant. Mais après tout, il colle à la peau de cette catégorie de musiciens, alors je ne dois pas être si loin de la vérité que ça.

 

ANION (du Grec « Ana », un ion plus chargé en électrons qu’en protons), est un quatuor (Steve/Cole/Sean/Tristan), formé en 2010, déjà auteur de quelques EP et d’un long, Without Solace, paru chez No List records il y a presque trois ans. Depuis, leur approche n’a pas changé, et leur son encore moins. Ils se complaisent dans un ensemble compact et homogène, qui ne privilégie aucune optique si ce n’est la leur. Une optique drue et abrupte, qui emprunte au Hardcore ses tics les plus agressifs et crades, au Sludge sa lourdeur et son intensité, et au Noisecore son penchant coupable pour la distorsion infâme et ses rythmes endiablés.

Le mélange n’est pas nouveau, mais porté ici à ébullition. Et il ne vous faudra pas plus de quatre morceaux pour vous en rendre compte.

 

Fractions Of Failure vous propose de fait quatre segments en totale opposition ave cette dénomination. Il n’est aucunement question d’échec ici, mais bien de bruit blanc, dense, percutant, et légèrement douloureux sur les bords. On pense évidemment à quelques références, de BOTCH à CONVERGE, en passant par les immanquables CULT LEADER et même les JESUS LIZARD selon la boîte de promo, ce qui n’est pas forcément mal vu. En gros, la crème du Noise qui fait mal aux oreilles, mais beaucoup de bien au cerveau. Peut-être pas une catharsis en soi, mais un soulagement. Celui de constater que des tiers musiciens partagent vos vues sur un monde de plus en plus invivable. 

Ces quatre musiciens légèrement désabusés portent tous le bonnet avec fierté, et peuvent se targuer d’avoir une expérience individuelle conséquente. Ils ont joué dans des ensembles comme INDIAN, HELM’S ALEE, THRONES, BLACK ELK ou GHOSTLIMB, et ce passé leur permet de regarder l’avenir avec suspicion, mais avec une optique absolument d’époque, qui privilégie la pesanteur, l’oppression et le malaise, un peu comme si les BOTCH et FETISH 69 fêtaient la Noël ensemble en sachant pertinemment que personne n’aura de cadeau.

Pour en arriver là, quelques ingrédients. Une basse énorme, qui concasse les fréquences, des guitares graves et pas forcément très franches du collier, une batterie qui pulse selon les thèmes, et un chant à la gravité délicieuse qui hurle et psalmodie dans le lointain, légèrement sous mixée.

Une recette éprouvée, qui maniée par les Canadiens trouve une nouvelle jeunesse assez effrayante.

 

Quatre morceaux, ça passe très vite, surtout si l’on considère que « Old Wounds » ne passe pas la rampe des deux minutes avec son tempo rapide qui rapproche les ANION de la scène Crust, ou de l’entame de l’album éponyme des EYEHATEGOD. Sauf qu’à l’inverse de leurs modèles, les ANION refusent tout aspect un tant soit peu paillard et ironique, et se concentrent sur ce qui fait le plus mal. De là à parler de la science de l’équilibre instable des CONVERGE, il y a quand même un joli nid de poule, mais après tout, il y a plusieurs façons d’entrevoir la violence et la vélocité. Et ce titre en est une, probante. 

Le reste se partage entre mid tempo vraiment oppressant et down tempo sincèrement déprimant, et pourtant, il se dégage une telle énergie de cet EP qu’on ne peut pas se sentir résigné, plutôt en colère et prêt à frapper.  

Il n’est pas interdit par exemple de voir en « The Widower » une adaptation moderne des premiers singles d’UNSANE, traités avec plus d’épaisseur et une sévère adjonction de carburant Sludge. On imagine bien à ce moment-là les quatre potes dans leur local de répète décrépi, appuyant sur la pédale pour creuser les chairs de la déconstruction mélodique.

Et je vous le jure, c’est réussi, et ça laisse des traces. 

On peut envisager ça de plusieurs façons. Comme une jonction en pointillés entre le Vancouver et New-York par exemple, dans un désir d’unir la violence urbaine d’un même élan.

Ou comme la réunion factuelle et pourtant implicite des courants Noisy des CROWBAR et autres EYEHATEGOD, et la désillusion des rues jonchées de corps et d’immondices des BOTCH et UNSANE. En tout cas, comme une saine réaction contre le malaise ambiant. Traiter la violence par la violence ? Pas la meilleur méthode pour beaucoup, mais celle qui fait le plus de dégâts.

Et comme les gus ont opté pour une production qui amplifie cette sensation, le résultat est tout simplement suffocant.

 

Ça ne joue pas joli, ni complaisant, encore moins compréhensif, mais ça s’impose, pas discrètement, là n’est pas le but, mais avec fracas. Pour étaler ce point de vue, les ANION ont justement embauché ou débauché un nouveau vocaliste (Sean Bouchard, au timbre ferme et éraillé) et un nouveau frappeur (Tristan Helgason, ex-GHOST OF MODERN MAN, percutant), pour trouver un équilibre parfait. Dont acte. 

Je ne sais pas si on peut comparer le quatuor à un ion. Ou peut-être à une réaction électrique en chaîne. En tout cas, Fractions Of Failures, à l’inverse de son titre, est un beau succès.

De ceux qu’on fête en petit comité. En se réjouissant de voir le monde se casser la gueule un peu plus chaque jour. 

 

 

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