FORTERESSE - Thèmes Pour La Rebellion

Sepulchral Productions - Black Metal - Canada - 24 Juin 2016 - 8 titres – 42 minutes

Tous les amateurs connaissent le BM Canadien. Depuis une bonne quinzaine d’années, il s’est taillé une place de choix sur la scène internationale, au point de représenter un mouvement séparatiste à lui seul. Il est vrai que ses accents sont très personnels, que sa brutalité n’a d’égal que sa froideur, et que sa puissance ne rivalise qu’avec sa singularité. 

Il est possible d’identifier un groupe de BM local rien qu’en écoutant quelques minutes de sa musique. Et ça, croyez-moi, au regard de la production pléthorique du genre, c’est un atout que peu peuvent se targuer de posséder. 

Evidemment, des noms fameux en ont émergé assez rapidement, des têtes de file. GRIS, SOMBRES FORETS, MONARQUE, CHASSE-GALERIE, SORCIER DES GLACES, et bien sûr, FORTERESSE. Le quatuor fait partie des précurseurs de cette vague glacée, et à même signé en 2006 ce qui pourrait bien être le manifeste définitif, l’insurpassable Metal Noir Québécois. Depuis ces dix années, ils ont publié des albums qui n’ont jamais déçu, toujours bourrés d’idées et d’envie. Mais aujourd’hui, Athros et Moribond, les fondateurs, accompagnés de Fiel et Matrak pourraient bien avoir accompli un petit miracle en soi. 

Avoir sorti, après dix ans de carrière, leur meilleur LP à ce jour. Vous avez du mal à me croire ? C’est souvent le cas lorsqu’on parle de groupes d’exception. Alors, une seule chose à faire. Ecoutez Thèmes Pour La Rebellion, et forgez-vous votre propre opinion.

Il aura fallu cinq ans à FORTERESSE pour offrir un successeur à Crépuscule D’Octobre, leur dernier LP paru en 2011. Mais lorsqu’on s’imprègne de l’ambiance de ce petit dernier, on réalise vite que tout ce temps n’a pas été gaspillé, mais mis à profit avec une maestria indéniable. Enregistré aux célèbres studios Necromorbus (WATAIN, FUNERAL MIST, DESTROYER 666), Thèmes Pour La Rebellion est une cathédrale sonore érigée au nom de la force, de la violence, de la fureur et de la liberté. Rarement album de BM aura bénéficié d’une production aussi rêche que claire, et aussi adaptée au propos de la musique qu’elle sert. Loin des sonorités parfois aseptisées des maîtres étalons du genre, l’écho de ce cinquième album est profond, et parfaitement en phase avec l’instrumentation choisie par le groupe. On y retrouve toujours ces rythmiques pleines et sauvages, ce chant rauque en arrière-plan, et ces mélodies tendues et maladives qui sont la trademark du groupes. Mis à part qu’en cette occasion, tous ces points forts sont devenus quasiment imperfectibles. Et je pèse mes mots, croyez-le. 

Evidemment, les thèmes sont toujours centrés autour de la question de l’héritage national, et de l’histoire d’un pays qu’ils chérissent. L’épisode de la rébellion des patriotes est ici abordé avec passion et ferveur, et trouve un nouvel écho dans l’histoire grâce aux riffs hivernaux de Moribond, qui paradoxalement sont peut-être les plus chaleureux qu’il ait pu écrire.

Pour rappel, cet épisode de la quête d’indépendance du Québec fait référence à la fronde de 1837/8, lorsque la rébellion civile s’en prit à l’occupant colonialiste Anglais au Bas-Canada, mais aussi au Haut-Canada. Mais le conflit opposant le Parti Patriote à l’armée royale Britannique fut de loin le plus violent, à tel point que les troupes livrant combat au Haut-Canada furent transférées au Sud face à la férocité des opposants. Ce terrible affrontement donne donc lieu aujourd’hui à la naissance de l’œuvre la plus aboutie de FORTERESSE, et à n’en point douter, du Black Metal en général. Car le groupe à fort bien illustré son devoir de mémoire au travers d’une musique qui sonne comme une charge féroce et sanglante, sans pour autant oublier les nuances de sentiments comme la peur, le doute, et la tristesse de voir ses camarades tomber au combat. 

Pour en arriver là, pourtant, le groupe n’a pas dévié d’un iota de sa philosophie d’origine. Les musiciens ont tout simplement atteint un stade dans leur carrière où ils côtoient la perfection dans l’interprétation et la composition.

Il n’y a pas de différence fondamentale entre Thèmes Pour La Rébellion et Crépuscule D’Octobre. Les morceaux sont toujours aussi massifs, frisant la grandiloquence du BM symphonique non par une accumulation d’arrangements tape à l’œil, mais bien par une puissance de feu mélodique incroyable, comme en témoignent des titres aussi essentiels qu’explicatifs que « Le Sang Des Héros », qui à lui seul peut rivaliser avec tous les cadors du BM extraverti des années 2000.

Les titres sont tous d’une longueur homogène et développent des idées personnelles, même si les points communs entre eux sont indéniables.

La trame de base de ce cinquième LP est simple. Outra sa logique narrative, on y trouve une dualité permanente entre un BM foncièrement noir comme la nuit, et un Black plus épique et dramatique, les deux s’affrontant au cours de joutes impitoyables, orchestrées par des guitares tranchantes et des contrepoints mélodiques de clavier. Et plus l’histoire avance, plus l’album devient dense et intense, atteignant même un pic d’intensité effrayant lors du cauchemardesque « Vespérales », qui culmine à des sommets effarants. A ce moment-là, on se rend compte du chemin parcouru par le groupe Canadien, qui maintenant représente l’archétype de la machine de guerre n’ayant pourtant rien perdu de son humanité. Harmonies qui tournoient au-dessus du champ de bataille, cris des hommes qui voient leurs flancs percés, rythmique implacable qui avance coûte que coûte…Le schéma est cadré, et pourtant, la liberté est au bout du canon…Quel paradoxe qu’une telle débauche de violence débouche sur une lumière aussi pure… 

Et « Le Dernier Voyage » d’achever l’aventure sur une note ambiante délicate, pourtant striée de murmures inquiétants, de bruits de fond irritants, comme si aucune victoire ne devait être totale. 

Avec ce cinquième LP, FORTERESSE a franchi un nouveau palier. Nous les savions leaders, nous en avons désormais la preuve. 

Il va bien falloir que leurs détracteurs éventuels (qui doivent être de moins en moins nombreux) se rendent compte qu’ils sont devenus les fers de lance de la scène Québécoise…Mais je pense que Moribond et Athros se moquent de ce genre de distinction. Tout ce qu’ils souhaitent, c’est être meilleurs qu’eux-mêmes. Mais après 

Thèmes Pour La Rebellion, c’est un leitmotiv qui va devenir très difficile à assumer.