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Metal and Oddities Reviews
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6 janvier 2016

CLOAK OF ALTERING - Manifestation

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Crucial Blast - Black Indus - Pays Bas - 4 Décembre 2015 - 7 titres – 47 minutes 

La vie, c'est joli parfois. L'empathie, la générosité, un écureuil qui traverse un parc pendant qu'un enfant vous regarde en souriant. Oui, c'est beau la vie, tu avais raison Jean de la chanter...Seulement pour certains, la vie, c'est pas beau. C'est même noir, poisseux, sans espoir, et ça ressemble à un vieux sous sol d'usine abandonnée, avec des canalisations qui suintent, une odeur de mort, et surtout, des ténèbres qui cachent le soleil. Pour toujours. 

Mories est peut être un homme affable, toujours avec une bonne blague dans sa musette et la mine joviale, mais en ce cas il ne fait rien pour le montrer à travers sa musique. Mories, pour ceux qui l'ignorent encore, c'est la tête pensante d'un des pires monstres caché sous votre lit, qui à chaque apparition fait encore plus de bruit que la fois précédente, pour vous ramener à SA réalité. GNAW THEIR TONGUES, c'est sa créature, son médium d'expression nihiliste, quoique affirmer que l'homme ne croit en rien serait profondément injuste. Il croit en la déconstruction totale de la musique, et presque dans sa destruction totale. Et comme son projet principal ne lui permet visiblement pas d'exprimer toutes ses vues, il en a créé un autre, tout aussi effrayant et implacable, CLOAK OF ALTERING. 

Mais soyons honnête, aussi noir et bruitiste soit CLOAK OF ALTERING, il garde quelques liens avec une forme d'expression musicale, refusant la plupart du temps de sombrer dans le Noise pur. Certes, ces liens sont ténus et parfois difficiles à entrevoir, mais Manifestation vous les montrera en les pointant du doigt, discrètement, ce qui vous autorisera à penser que ce que vous écoutez est toujours de la musique. Une fois de plus, Maurice de Jong s'occupe de tout, car après tout il est bien le seul à savoir où il veut en venir, mais il sait se brider suffisamment pour que ce quatrième album reste dans la lignée des trois premiers, évoluant dans un créneau Indus très prononcé, avec une pointe de Black froid et misanthropique en profondeur. L'homme cite EMPEROR, ARCTURUS, mais loin des épopées grandioses et lumineuses de ces références, la musique de CLOAK en adopte une certaine forme de grandiloquence, dédiée à l'impénétrable, à l'opaque, et aux assemblages sombres et en tour d'ivoire. Tout comme ses homologues de DE MAGIA VETERUM ou JUTE GYTE (USA), Mories expérimente, tente de repousser ses limites, et truffe ses bases rythmiques de samples ombrageux scandés d'une voix robotisée et déshumanisée. 

Manifestation n'échappe pas à la sempiternelle envie de l'homme de faire durer le cauchemar bien après le lever du jour, lever qu'il détruit à grands coups d'arrangements brutaux et bruyants, en ne cédant pas un pouce niveau timing, laissant les minutes passer au fur et à mesure que l'espoir d'une quelconque forme d'harmonie disparaît en volutes de rêves détruits. Parfois, sa musique prend des airs d'Ambient un peu Dark, comme sur "Cave Systems Of The Outer Moon", qui introduit une sale mélodie horrifique, à peine superposée à un discours étrange, qui tourne, rampe, et se fixe au plafond en ombre menaçante qui vous fixe de sa noirceur. Mais à vrai dire, ce morceau comme tous les autres peut se porter volontaire pour représenter la synthèse d'une pensée unique, même si parfois, quelques harmonies tendues s'imposent d'elle même, sans pour autant rendre le tout plus clair et "optimiste".

Evidemment, nous sommes très loin de la torture de GNAW THEIR TONGUES, et ici les structures sont plus évidentes, posées et solide.

Les pistes évoluent d'ailleurs à ce niveau là, se laissent la plupart du temps guider par un Indus Noisy et Ambient terrifiant, traité à la façon d'un Black Métal band Nordique des 90's, et parfois c'est l'inverse, ce sont les guitares et les blasts qui dominent, glacés par des samples et trouvailles sonores pas vraiment rassurantes. Mais quelle que soit la combinaison choisie, le résultat est le même, terrifiant, pénétrant, hypnotique et dérangeant. 

Cette dualité de formation est relativement explicite sur la suite "Cave Systems" et "Hidden Celestial Deity", qui montre bien le parallèle que je viens d'énoncer, et ce dernier est d'ailleurs fier représentant d'un Black très profond qui refuse de se laisser emprisonner dans une vision unique, frappant tout azimut, presque symphonique dans l'esprit, mais terriblement concret dans le rendu. Guitare plaquées, beat métronomique et épileptique qui cède sous les impulsions de breaks inondés de sons, c'est une forme de Métal très noir qui ne ressemble à rien d'autre, mais qui dispense quelques indices supplémentaires sur la nature de son concepteur, toujours à la recherche des sensations les plus glaçantes possibles. 

Il nous l'avait dit, Manifestation devait être son "monstre chaotique le plus accessible", et il n'avait pas tort. Mais outre les clins d'oeil à IN SLAUGHTER NATIVES, COIL, MZ 412, Mories prend grand soin de terminer son dernier effort par une charge purement Black qui aurait pu s'échapper de Norvège il y a vingt ans pour parvenir jusqu'à ses oreilles, et "calme" en quelque sorte le jeu pour se fixer sur une musique plus concrète et moins imprévisible, comme si cet épilogue était destiné  nous rassurer quant à ses intentions. Ce qui bien sur n'est absolument pas le cas, car même si ce morceau est le plus stable du lot, son atmosphère putride ferme encore plus de portes, et nie l'harmonie dans un dernier râle. 

Mories, dans son style, est un individu/musicien fascinant dans sa recherche perpétuelle d'apprivoisement du bruit, et quel que soit son projet en cours, il le mène toujours de la même façon, en repoussant les limites du supportable, limites qu'il a volontairement resserrées sur Manifestation. Loin des exactions traumatiques de GNAW THEIR TONGUES, Manifestation reste un sacré cauchemar sonore dont on ne ressort évidemment pas indemne, mais un cauchemar logique en quelque sorte. Comme un long couloir à la pénombre qui s'épaissit, pour légèrement laisser filtrer une lumière pale, et permettre d'entrevoir le visage d'un monstre qui après tout, pourrait n'être que notre propre reflet. 

Ou le sien, ce qui ne serait guère mieux.     

 

 

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