SOUL ASYLUM - Change Of Fortune

Entertainment One Music - Contemporary Rock - USA - 18 Mars 2016 - 12 titres – 39 minutes

Le temps passe vite, très vite et parfois, tellement vite qu’on a l’impression qu’il y a trente ans c’était hier…Ça paraît improbable dit comme ça, pourtant ça l’est…Il faut dire que certains éléments n’aident pas à se repérer convenablement dans le temps, et faussent les jugements…Prenez les SOUL ASYLUM. Beaucoup d’entre vous pensent certainement qu’ils sont sur le point de fêter leur vingt de carrière ou un truc dans le genre, mais pas du tout…

Le groupe de Dave et Dan a en fait sorti son premier album Say What You Will, Clarence en 1984…Alors qu’ils jouaient déjà depuis 1981… 

Ça file le tournis hein ? 

Il y a de quoi… 

Mais pas étonnant aussi qu’on puisse se planter d’une décade comme ça, puisque le moment fort de leur carrière se situe disons, aux alentours de 1992…Vous vous souvenez de cette vidéo montrant des visages d’adolescents disparus, le tout fondu sur une bande son un peu Sad Folk, une superbe chanson ? Oui, mais le titre vous échappe ? « Runaway Train », oui, c’était ça, et ça venait de l’album Grave Dancers Union, et c’était il y a…vingt-quatre ans.

Quand je vous dis que le temps passe vite… 

Entre temps, il a fait son affaire et son office, le groupe a enregistré quatre albums de plus, sans plus jamais atteindre ce niveau de popularité, et on en était sans nouvelles depuis Delayed Reaction, leur meilleur en date depuis longtemps. Une campagne PledgeMusic et quatre ans plus tard, les voilà de retour avec un album au titre en forme de réalisation tardive, Change Of Fortune, qui risque fort de ne pas faire l’unanimité chez les critiques à l’inverse de son prédécesseur.

Mais outre cette levée de fonds, couronnée de succès (il faut dire que les contreparties étaient alléchantes, entre votre nom dans les crédits et des copies signées à la main), qui a permis l’enregistrement et la diffusion de cet album via Entertainment One Music (un des plus gros distributeurs indépendants US), le groupe a aussi dû passer par l’épreuve du remaniement, une fois de plus, mais en déplorant cette fois ci le départ d’un de ses derniers membres fondateurs, Dan Murphy. Le guitariste a en effet salué son camarade de toujours en 2012, et l’a laissé seul aux commandes du groupe, et le moins que l’on puisse dire, c’est que Dave Pirner a profité de cette liberté pour étouffer les guitares avec des arrangements multiples… 

« Ce disque à un spectre élargi en matière de motifs, de groove, d’arrangements et de thématiques. Il est à la fois plus expérimental et cohérent que Delayed Reaction » 

C’est ainsi que Dave présentait Change Of Fortune durant une session de questions/réponses à ARTISTdirect, et pourtant, de nombreux critiques ont semblé dubitatifs sur l’orientation de ce onzième LP. Si la première partie de son affirmation entrait en corrélation avec l’avis général, Delayed Reaction paraissait beaucoup plus uni que cette dernière livraison, versatile au possible et peu disposée à se poser sur une optique bien précise. Mais c’est selon moi ce qui fait le charme de cet album plein d’envie et d’énergie, un des moins « logique » de SOUL ASYLUM évidemment, mais aussi par extension un des plus charmants par son désir d’explorer un peu tous les aspects du Rock US moderne, sans choisir son camp.

Il est léger, dans les thèmes abordés, dans ses mélodies, et les guitares sont bien souvent accompagnées d’arrangements divers, et moins mises en avant. Il est clair que Pirner s’est soulagé en évoquant la Pop, et en la mixant au Rock traditionnel de son groupe, pour obtenir un cocktail très savoureux, bien qu’un peu light parfois…

Mais en dépit de ces critiques somme toute assez mineures, Change of Fortune est un excellent album, qui résume parfaitement la carrière d’un groupe qui peut se targuer d’être le seul de sa mouvance et génération à être encore debout.

Sous ce point de vue, ils rejoignent un autre groupe de légende qui lui aussi a vu ses pairs disparaître un à un. Et il est assez étrange de constater les nombreux points communs entre ce nouvel album et les deux derniers efforts de PEARL JAM, tant ils se rejoignent dans cette fausse maturité qui leur fait préférer la légèreté à la prise de position musicale risquée. Oui, c’est un fait, PEARL JAM et SOUL ASYLUM ont des trajectoires artistiques qui se croisent, et une seule écoute vous en persuadera. Mais s’il vous plaît, prenez ceci pour un compliment, car c’en est un… 

Et puis après tout, de 1984 à 2016, que peut encore avoir à prouver Dave Pirner ? Rien, alors il s’amuse, parfois beaucoup (« Don’t Bother Me », qui sonne comme une jam impromptue entre Springsteen et le JAM moderne justement), parfois encore plus (« Can’t Help It » qui retrouve les tics alternatifs des 90’s et qu’on croirait chanté par…Eddie Vedder, à tel point que c’est vraiment troublant), fricote avec le métissage Rock/Pop/Indie (« Ladies Man », une des meilleures), bidouille des arrangements électroniques bizarres sur fond de Contemporary Rock qui ne veut pas être adulte (« When I See You », un refrain qu’on oublie pas facilement), ou se trouve tout simplement « Cool » au final, en taillant quelques riffs saccadés sur fond de Funk groovy qui rend EXTREME au ZEP. 

Alors… 

Change Of Fortune, et sa production clean comme un quadra qui vient de se raser pour la première fois depuis des semaines, est un album qui se déguste tel quel. Il n’a pas la rigueur un peu figée de While You Were Out, ni la nostalgie Folk et la gravité de Grave Dancer’s Union. C’est un album simple, qui se permet d’être positif, orienté vers le présent, sans renier l’avenir. Mais il déborde de vitalité et s’écoute d’une traite, plusieurs fois, et regorge de chansons qui parlent du cœur au cœur, et de mélodies entêtantes, de refrains qui frappent et de la voix de Dave, bien sûr, l’une des plus symptomatique de sa génération.

Tout ce que je sais, c’est que les fans ayant donné leur argent pour qu’il voie le jour ne se sentiront pas lésés, du tout, cadeau ou pas. Et qu’il est assez révélateur de la personnalité d’un mec qui traîne sa tignasse dans le business depuis plus de trente ans. Il n’y a aucun mal à aimer les plaisirs simple…Et comme le dit Pirner lui-même : 

« L’histoire continue, il faut aller de l’avant, sans se chercher d’excuses ou se reposer sur la nostalgie »