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Metal and Oddities Reviews
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11 avril 2016

MANTILLA - Mantilla EP

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Punk Hardcore - Danemark - 17 Mars 2016 - 5 titres – 12 minutes

A force de chercher des groupes à part, on finit par en trouver. C’est un peu la morale qu’il faut tirer de cette chronique, mais pour le coup, je suis tombé sur le gros lot. Ce qui au départ sonnait comme le énième groupe de Punk Hardcore du mois s’est avéré être un projet beaucoup plus riche et complexe qu’un simple assemblage de cinq titres en forme de EP. La Mantille, pour beaucoup, c’est ce voile porté par les femmes en Espagne, généralement à l’église. La plupart du temps de dentelle ou de soie, il couvre la tête et les épaules, se croise sous le menton, et n’est donc rien de plus qu’un morceau d’étoffe traditionnel.

Pourtant, aujourd’hui, j’ai appris qu’il était aussi le nom d’un trio résolument engagé, localisé au Danemark, et constitué de trois musiciennes.

Mais le trio, bien que centralisé à Copenhague, est international. On y retrouve Kerieva au chant et à la basse, Rosa à la guitare et aux chœurs, et Tuhfe à la batterie, qui sont non seulement l’ossature du groupe, mais aussi des activistes engagées, faisant partie du collectif international Rromani Resistance.

 

C’est là que les choses deviennent très intéressantes.

 

Tout ceci trouve son origine dans les heures les plus sombres de l’histoire. Loin de moi l’idée de vous donner un cours intégral, vous avez le Net pour ça. Mais en 1944, le 16 mai plus exactement, eut lieu au sinistre camp d’Auschwitz un soulèvement historique. Celui des populations Rom, parquées dans la partie du camp appelée « Gypsy Camp ». Sachant pertinemment ce qui allait leur arriver, les pauvres prisonniers décidèrent de tenter le tout pour le tout, et se soulevèrent contre leurs tortionnaires. Cette journée est devenue le symbole du refus des minorités de se laisser écraser par les oppresseurs, et a gagné une légitimité aujourd’hui puisque cette même date du 16 mai est reconnue comme le International Rromani Resistance Day, et célébrée dans le monde entier.

En 2015, des manifestations ont eu lieu à Berlin, Vienne, Budapest, Prague et d’autres villes d’Europe, et gageons qu’il en sera de même en 2016…

 

Kerieva, Rosa et Tuhfe font donc partie du comité Rromani Resistance, et dispensent leur philosophie égalitaire et antitotalitaire au travers du médium MANTILLA, qui se veut donc le haut-parleur musical de leurs convictions.

Ce haut-parleur est branché sur le triphasé, et diffuse une bande son directement héritée du Punk, traitée avec une approche légèrement Hardcore. Les trois musiciennes font preuve d’une énergie en tous points remarquable pour nous convaincre de leurs qualités, et ce premier EP, au-delà de son message intrinsèque est d’une grande valeur artistique, puisqu’il fait preuve d’autant d’ouverture d’esprit que de cohérence. Sur une trame Punk tirant sur le Rock, le trio brode des thèmes parfois mélodiques, souvent abrasifs, et ne cherche pas la difficulté là où elle ne la trouvera pas. L’accroche est immédiate, le son gigantesque pour une production pareille, et les cinq morceaux évoquent tout autant la scène Core Espagnole des 90’s, que le Punk Anglais de la fin des 70’s.

Les lignes harmoniques sont sobres, mais les riffs de Rosa sont incisifs, et la rythmique formée par Kerieva et 

Tuhfe est d’un rendement et d’une créativité notables. On nage parfois presque en eaux Power Pop (« That’s It », terriblement addictif avec son refrain collégial à trois voix), mais ne vous inquiétez pas, la plupart du temps MANTILLA sait garder en tête et en mains son objectif principal. 

Difficile de piocher un morceau à mettre en avant, puisque les cinq qui forment cet EP sont tous excellents. Les plus Punk des Hardcoreux se dirigeront bien sûr vers « Ashes », le plus couillu et speed du lot, presque D-beat s’il n’y avait cette mélodie sous-jacente qui empêche le trio de sombrer dans la précipitation. Ceux cherchant un motif entêtant à se mettre sous la dent se rueront sur l’hymne engagé « Solo Los Cobardes Necesitan Una Pandilla » (seuls les lâches ont besoin d’en drapeau), qui fascine par son riff tournoyant et sa rythmique en coup de couteau. Outre le talent de guitariste de Rosa, le trio peut s’appuyer sur la voix incroyable de Kerieva, qui sait moduler son timbre pour lui faire prendre toutes les intonations nécessaires. La bassiste chanteuse fait montre d’une terrible hargne dans son rôle de porte-parole, et vocifère comme une passionaria, spécialement sur le morceau cité précédemment, mais tisse aussi quelques lignes de basse bien senties qui apportent un groove souple à des titres plutôt rigides. 

Mais si jamais seul un bon gros mid tempo peut vous prendre d’assaut, alors « Punk Points » fera le boulot. Type même du titre qui s’incruste dans vos oreilles au point de résonner comme un leitmotiv, il développe une rythmique bien futée, avec cette basse ronde qui brille comme un soleil matinal, et cette batterie qui s’échine sur quelques contretemps malins.

Une fois de plus, les lignes vocales sont parfaites, avec un bel équilibre entre harmonies et cris de rage, et le final s’arrange même pour se barrer vers un gros Metalcore bien puissant…

 

Si ce mouvement de résistance cherchait un emblème à la hauteur de sa noblesse, il l’a manifestement trouvé en MANTILLA. Et si cette pièce de tissu évoque plus volontiers la sobriété, voire le recueillement pour la plupart d’entre nous, il est pour ce trio le symbole de la révolte digne, du courage, et du refus de l’inéluctabilité.

Un groupe de premier plan pour un EP qui l’est tout autant, Punk, Hardcore, Rock, mais plus simplement la mise en pratique d’une saine colère.

Le genre de chose qu’on passe pendant une manifestation pour galvaniser les troupes.  

 

 

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