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Metal and Oddities Reviews
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23 avril 2016

ALKERDEEL - Lede

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Consouling Sounds - Post Black lo-fi - Belgique - 15 Avril 2016 - 5 titres – 39 minutes

S’il était une écurie de pur-sang, le laBelge (néologisme né de la contraction label Belge, j’aime bien et c’est tout), Consouling Sounds imposerait sa suprématie sur tous les hippodromes d’Europe sans avoir besoin de photo finish. Un simple coup d’œil à leurs sorties et au catalogue de leurs protégés suffit pour s’en convaincre, je vous assure. Tenez, au hasard, DEAFHEAVEN, GNAW THEIR TONGUES, CAUDAL, NEIGE MORTE, GORATH, AMENRA, et je ne m’amuserai pas à vous en dresser une liste exhaustive. Bonjour le flair et merci messieurs pour ces livraisons toutes plus enthousiasmantes les unes que les autres, grâce à vous, l’underground, le vrai, sait se faire une place dans nos colonnes, et celle qu’il mérite qui plus est.

Quelle est donc l’affaire qui me pousse à vous parler d’eux aujourd’hui ?

Elle est simple, la sortie du dernier longue durée des Belges nordiques d’ALKERDEEL, Lede, qui lui aussi laissera une trace indélébile sur la pelouse du champ de course de vos oreilles.

 

La dernière fois que je vous avais parlé d’eux, c’était à l’occasion du boulot cauchemardesque qu’ils avaient publié en compagnie de GNAW THEIR TONGUES. L’association des deux entités bruitistes, Dyodyo Asema, m’avait en tout point enthousiasmé, d’autant plus qu’il ne s’agissait pas de faces partagées, mais bien de deux conceptions musicales aussi différentes que proches mises en commun pour un travail d’ensemble. Le résultat était à la hauteur de la réputation des deux factions en présence, mais je dois avouer que depuis le monolithique et souffreteux Morinde, paru en 2012, j’étais en mal de nouvelles d’ALKERDEEL en solo. Mon souhait se trouve donc exaucé en ce mois d’avril, et de la façon la plus traumatique qui puisse être… 

Si vous connaissez le groupe, vous savez très bien de quoi je veux parler. Si tel n’est pas le cas, je me dois de préciser certains points. A l’instar de leurs collègues de label, les belges ne sont pas forcément identifiables facilement. Leur musique, abrasive et nihiliste emprunte plusieurs directions possibles, tout en se recentrant régulièrement. On parle de Post évidemment, parce que c’est pratique et flou, mais dans le détail, ALKERDEEL est aussi Black qu’il n’est pas Sludge, aussi Noise qu’il est Core, et aussi bruyant qu’il est…ce qu’il est.

En fait, ils l’avouent eux-mêmes dans leur bio succincte, leur art s’adresse tout autant aux fans de DARKTHRONE que de BEHERIT, BURNING WITCH ou MOUNT EERIE, ce qui vous en conviendrez, vous offre un panel assez large d’influences.

Mais c’est pourtant la stricte vérité, et Lede ne viendra en aucun cas contredire ce constat. Je dirais même qu’il va l’appuyer jusqu’à ce que la blessure vous fasse hurler.

 

Une blessure, c’est une comparaison qui me plaît bien. Un caillou dans la chaussure aussi, qui vous fait horriblement mal mais ne vous autorise en aucun cas à vous arrêter pour autant. Sur Lede, les Belges ont poussé leur concept à son paroxysme, en faisant autant preuve de cohérence que de diversité. Diversité dans la douleur infligée, cohérence dans la noirceur de sa trame.

Ainsi dit, ça fait peur. Mais à l’écoute, ce sentiment est amplifié.

 

Lede est donc découpé en cinq mouvements, dont trois portent quasiment le même intitulé. Nous nous voyons donc fortement conseillés de fixer les yeux de je ne sais pas trop qui, mais la trilogie « Regardez ses yeux » par son sadisme m’a grandement rappelé le chef d’œuvre d’Alejandro Amenabar, Tesis, et son psychopathe fan de snuff movies Bosco Herranz, incarné par le félin Eduardo Noriega. Le triptyque, bien que formé de trois volets distincts n’aurait pu former qu’une seule et unique pièce tant sa cohérence est frappante, et si le premier chapitre tarde à démarrer, préférant mettre en place une ambiance Drone assez prenante, les choses dégénèrent assez vite en un Post Black vraiment très agressif, et proche du lo-fi. Guitares rachitiques au son aigrelet, chant en arrière-plan qui s’égosille au-delà de toute humanité, rythmique qui impose sa cadence d’un son très mat, arrangements digne d’un film d’horreur, le décor est planté et la santé mentale aussi.

Ah, et le tout, une fois assemblé dure une bonne vingtaine de minutes. Alors pour les nids d’hirondelles et le sommeil paisible, vous pourrez toujours repasser.

 

Après avoir ingurgité pareille pilule, on pourrait s’estimer en droit d’obtenir une petite trêve pour reprendre ses esprits. Mais ce serait très mal connaître ces Belges qui en ignorent le sens. Certes, « Lede », le morceau éponyme débute sous des auspices plus Indie et Noisy, sans approcher le Black de près ou de loin, et propose une jolie progression rythmique pas trop assourdissante, ce qui n’est pas forcément dans leurs habitudes. Guitares circulaires, riff épais et redondant, aspect tribal malsain, mais évidemment, tout dégénère et retrouve l’impulsion DARKTHRONE que le groupe affectionne tant, et qui nous replonge en plein marasme Panzerfaust, avec cette petite touche HELLHAMMER qui va bien. Mais le tout traité à la sauce Indie, ce qui confère un décalage très intéressant à ce morceau qui finalement…reste du ALKERDEEL. 

Tout ceci s’achève comme prévu, par une longue et éprouvante séance de torture qui frise le quart d’heure de supplice, qui pour certains – dont moi – se confond avec un délicieux plaisir masochiste. « Gråt Deleenaf », après quelques minutes de Drone/Dark Ambient sec et âpre, entre dans une sorte de transe BM écorchée vive, et s’amuse beaucoup à nous enfoncer des aiguilles dans les chairs laissées à vif. Sur un tempo assez inhabituel que Steve Shelly des YOUTH n’aurait pas renié, les Belges tissent une toile sonore qui nous agglutine dans ses fils, avant de revenir vers un BM très cru, dans la droite lignée des références qu’ils alignent avec respect. 

Post BM progressif ? C’est une éventualité, mais je ne chercherai pas à catégoriser l’univers des ALKERDEEL, il est suffisamment peu explicite par lui-même. Je dirai juste que Lede se pose dans la belle continuité de Morinde, et qu’il fait avancer la carrière du groupe sans chambouler ses habitudes.

De plus en plus Black, de plus en plus aride, de moins en moins de concessions. C’est une éthique, une philosophie, que semble apprécier le label Consouling Sounds que je remercie une fois de plus pour son apport indéniable en matière d’underground qui le restera.

Un album absolument pas bio dégradable, qui pollue comme un vieux pot d’échappement, et qui encrasse les oreilles comme les poumons. 

En gros, tout ce dont nous avons besoin pour une hygiène de vie lamentable.

 

 

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